lundi 15 juin 2015

15 juin 1794 : l'affaire Catherine Théot,


Culte de l'Être Suprême (Gallica)

    En ce jour de 27 prairial an II, nous sommes en pleine Terreur, la Fête de l'Être Suprême a eu lieu quelques jours avant et ce n'était pas au goût de tout le monde. En effet, la Révolution a rendu athée une grande partie des gens – ça permettait les grasses matinées le dimanche sans doute – et voir instaurer une nouvelle religion déiste par Maximilien de Robespierre. Cette dernière est à nature philosophique et à pour but de « développer le civisme et la morale républicaine », ça ne plaît pas. Robespierre, déjà très décrié, a fait le geste de trop. Ses ennemis, toujours plus nombreux, cherchent à s'en débarrasser. Sans doute aussi que tout le monde en a marre de trembler face à la guillotine, à une époque où tout le monde pouvait mourir à tout instant pour une simple suspicion, ou une dénonciation, sport national de l'époque. C'est là que débarque Catherine Théot.


Catherine Théot, femme saine d'esprit (BNF)

Qui est elle ? C'est une vieille femme de soixante-dix huit ans, pas toute seule dans sa tête. Depuis des dizaines d'années, elle se proclame être la mère de Dieu, à attendre la conception miraculée du nouveau prophète. On l'enferme à la Bastille puis à la Salpétrière, prison pour femmes devenue hôpital après la Révolution, et elle sort en 1782 mais pas du tout guérie. D'ailleurs, elle s'installe à rue de la contrescarpe (Ve arrondissement) et devient une diseuse de bonne aventure, et même une prophétesse, ayant un sérieux penchant pour le culte de l'Être Suprême … vous voyez, tout est lié. Parmi ses disciples, Robespierre est en excellente place, le révolutionnaire et la folle se voient régulièrement et s'échangent de nombreuses missives. C'est sur ce pan là que les ennemis de l'Incorruptible ont décidé d'attaquer.

C'est Marc-Guillaume-Alexis Vadier, membre du comité de sûreté générale, qui va appuyer sur la détente. Après avoir découvert ce penchant mystique de son rival, il va rédiger un rapport sur une probable conspiration, où Catherine Théot est à la solde d'un dictateur. La preuve ? Une lettre, où Catherine dit qu'elle voit en Robespierre le « prophète » ultime, et qu'il rendait honneur à l'Être Suprême. Autant dire que cette lettre a bien fait rire tout le monde, rendant l'Incorruptible ridicule.

Catherine Théot fut arrêtée, puis finalement relâchée sur ordre de Robespierre. Encore une erreur, la vieille devait être traduite en justice selon le souhait de la Convention. La mèche s'enflamme, quelqu'un l'appelle « dictateur », le 28 juin. Les choses s'emballent, très vite : Robespierre ne paraît plus au Comité de Salut Public pendant presque un mois. Il part bouder pendant que ses adversaires se frottent les mains et complotent à tout va. Comme on dit, quand le chat n'est pas là, les souris dansent. Après un beau discours le 26 juillet, le lendemain, on l'empêche de s'exprimer, on vote son arrestation à main levée, pratique pour voir les traîtres, et il est arrêté, avec ses amis Saint-Just et Couthon, suivi de son frère Augustin et Le Bas, volontaires pour être jugés. C'est ça l'amitié ! Tout ça pour finalement sauter par la fenêtre pour se briser une jambe pour le frérot et se suicider pour l'autre. On va la faire courte (ah ah), ils sont guillotinés le lendemain, sans autre forme de procès puisque mis hors la loi par la Convention.


Et la Théot dans tout cela ? Elle fut à nouveau arrêtée, jugée cette fois, mais relâchée. Sans doute le tribunal avait compris qu'elle avait un grain et qu'on ne pouvait rien faire d'elle. Elle ne survit pas bien longtemps à son prophète, elle meurt le 1e septembre 1794, toujours en mère de Dieu. C'est fou quand même comme il suffit d'un rien dans l'histoire pour tout faire basculer !

Fête de l'Être Suprême, le 15 juin 1794 (Gallica)

1 commentaire:

  1. Je ne connaissais pas cette affaire... jusqu'à ton article. Je te remercie pour l'instruction ! :-)

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