jeudi 18 juin 2015

Le château de Compiègne, ou la grandeur des empires.



Si vous voulez me faire plaisir et que je vous aime, il suffit de me proposer une visite d'un château. Plus que les musées et les expositions, les châteaux, qu'ils soient des demeures royales ou non, ont souvent une atmosphère, une ambiance particulière. On marche sur les traces de personnalités, leurs meubles, leurs goûts, on peut les imaginer dans leurs habits ici et là, on se prend à rêver d'une autre époque, d'un autre temps. Bon d'accord, tous ne sont pas comme ça, je suis d'accord, mais celui que je suis allée visiter jeudi dernier l'est particulièrement : le château de Compiègne. Un château mal connu, mais pourtant sublime et riche de collections insoupçonnées. Comme dirait Stéphane Bern, suivez moi ….

Un petit historique


Le bâtiment extérieur tel que l'on voit aujourd'hui est une construction datant de Louis XV, par son célèbre architecte Gabriel au 18e siècle. Il faut dire qu'avant, ce n'était pas un grand luxe. On part d'une demeure mérovingienne (c'est pas tout neuf), avec un château en bois, où se trouve maintenant l'abbaye Saint-Corneille. Charles II, dit le Chauve, petit-fils de Charlemagne, décide de s'établir à Compiègne.

Tout le monde s'y met pour le modifier selon les goûts et les couleurs de l'époque : Philippe-Auguste et Saint-Louis en font un donjon, Charles V construit encore un autre château au 14e siècle, François 1e le remet au goût du jour … Mais le château est délaissé, Paris tient officiellement la place de capitale, les rois n'y passent généralement qu'après leur sacre à Reims, ou pour quelques rencontres officielles, histoire de changer des Louvre, Sain Germain, Fontainebleau ou Versailles.

Et comme toujours, à la Révolution, on vend les meubles, on pique un peu et on installe quelque chose qui n'a rien à voir avec la royauté à l'intérieur. Heureusement, Napoléon Ie s'en mêle et décide de le remettre en état. D'ailleurs, on voit bien qu'il est passé par là, ses petites abeilles et ses N sont un peu partout. Lorsqu'il se remarie avec l'infante Marie-Louise d'Autriche, c'est à Compiègne qu'il l'accueille, avec beaucoup d'empressement, au point de coucher avec elle le soir même, alors qu'ils ne sont pas officiellement marié. Toujours élégant, Napoléon.

Si sous la monarchie de Juillet, on y organise le mariage de Louise d'Orléans – fille aînée du roi des français Louis-Philippe – avec le roi de Belgique, c'est surtout sous le Second Empire que Compiègne prend tout son essor. L'empereur Napoléon III n'a pas besoin de tout redécorer, son oncle avait déjà apposé ses initiales, mais il met a jour la mode du second empire, un peu du Premier, un peu de Louis XV avec un soupçon de Moyen Âge, le tout dans le luxe et le confort. Avec son épouse Eugénie et leur unique fils le prince impérial, ils organisent des séries. Alors non, pas des séries télévisées vous avez compris, mais ce sont des séjours avec un centaine de personnes – petit comité bien sûr – avec une étiquette plus souples, et dont les invités sont des grandes personnalités, mais aussi des artistes comme Carpeaux, Verdi, Winterhalter, Flaubert ou de Vigny, bref la fine fleur de l'époque. On y joue, on chasse, on danse, on joue aux charades, et on se repose. Compiègne vit vraiment ses plus belles heures dans la splendeur impériale.

Au 20e siècle, il sert d'hôpital en 1915 et est occupé par les allemands pendant la Seconde guerre mondiale. Aujourd'hui, le château de Compiègne appartient au ministère de la culture et nous pouvons nous y rendre à notre tour, mais sans crinolines. Heureusement car c'est aussi beau que peu pratique.



La visite

J'ai déjà visité Compiègne il y a trois ans mais je n'avais pas tout fait car malheureusement tout n'est pas ouvert au public en visite libre. Seuls les grands appartements le sont, tout le reste est en visite guidée. Heureusement, à la belle saison, il y a moyen de tout faire ou presque, à condition d'avoir de bonnes jambes et d'être motivé ! Passionnée comme je le suis, et en visite avec une amie grande admiratrice du Second Empire, nous formions un tandem de choc, décidées à ne louper aucune visite ! Pardon pour l'ordre des visites, on a fait comme on a pu.

Le musée de l'impératrice


Quand on nous a annoncé que le musée de l'impératrice était ouvert (sur le site, c'est marqué fermé pour travaux), on était toutes heureuses ! Tout commence par la collection de monsieur Ferrand, un passionné du Second Empire, qui a récolté bon nombre d'objets ayant appartenu à la famille impériale avant de tout léguer en château. Autant dire qu'on commence fort avec des objets du quotidien, des portraits plus intimistes de la famille, ce qui est très touchant. Ce sont surtout des objets du Prince Impérial, Louis-Napoléon Bonaparte, au destin tragique. Dans des petites salles aménagées comme des chambres ou pièces à vivre, on y découvre ses jouets, des moulages de ses mains, ses vêtements d'enfant, puis dans d'autres ses uniformes, tenues d'apparats, chapeaux. L'une d'elle est consacrée à Eugénie avec une robe simple et surtout son énorme collection de chaussures !



C'est vraiment l'envers du décor, avec un beau portrait de l'empereur et son fils, des selles mais aussi le nécessaire médical de Napoléon III, et deux énormes calculs retiré de sa vésicule. Il devait souffrir le martyr mais a continué même à monter à cheval durant la guerre contre la Prusse en 1870. Enfin, on y découvre la princesse Mathilde, cousine de l'empereur, grand femme de son époque au destin incroyable, mécène, tenant salon, artiste.

Même si j'aime le clinquant et le grandiloquent, ces petites pièces intimistes, et ces objets précieux m'ont donné la chair de poule, il y avait cette fameuse atmosphère, on pénétrait l'intimité de personnalités sensés inaccessibles. Vraiment, mon endroit préféré, un grand coup de cœur.

L'exposition et les appartements


En ce moment, et jusqu'au 27 juillet, se tient une exposition « Napoléon ou la légende des arts », elle a pour but de montrer le style Empire au service de la gloire de l'Empereur bien sûr, de ses goûts, mais comment cela s'est étendu dans le quotidien des français de cette époque. Des meubles solides, imposants mais d'une grande modernité, un nouveau style de peinture et une nouvelle mode traversant l'Europe entière. Les quelques salles montraient des tableaux, mobiliers, sculptures, portraits, mais aussi un magnifique diadème en or, argent et diamants (le summum de la sobriété) pour démontrer ce style si unique. Assez courte mais très intéressante, elle est un excellent préambule pour aborder la visite.



Puis enfin, les appartements, où se mélangent le style des deux empires, le premier ayant inspiré en parti le second, formant une série de pièces aussi riches de décorations que de luxe. Le premier salon est la Salle des Cartes par exemple. Comme son nom l'indique, trois énormes cartes de la région sont accrochés au mur, pendant qu'on exposer l'ancêtre du flipper, des tables de cartes et même un jeu de palet. De quoi se divertir. D'ailleurs pendant les fameuses séries dont je parlais plus haut, l'Empereur n'apparaissait que tard, vers 22h30 (hé oui, certains bossent) et à partir de ce moment là, il menait la danse. Littéralement puisqu'il menait le carillon de Dunkerque (petite écoute ici) où il s'agissait de changer de partenaire après avoir fait quelques pas de danse avec elle, tapé dans ses mains et avec son pied. Puis l'homme sautillait vers la gauche pour changer de cavalière. Maintenant, vous imaginerez Napoléon III sautillant vers une dame en crinolines, ne me remerciez pas.

Je ne vais pas vous détailler toutes les salles, ce serait assez inutile et rien ne vaut de les voir en vrai. En tout cas, si je ne vous ai pas assez dit que c'est de style empire, vous le verrez par vous même : Napoléon 1e (alias Nappy ou Nap, comme il le signait) a pris soin de mettre ses initiales sur les verrous et poignées de porte. Au cas ou, en passant une salle, vous pensiez vous croire à Versailles ou Saint-Germain. Si les salons sont relativement sobre au niveau décoration, autant dire que c'est un choc quand on entre dans la chambre de l'Empereur. BOUM, explosion de rouge cramoisi, de dorures, de luxe ! Un aigle et des superbes plumes surplombent ce lit empire et tout ce mobilier. Absolument splendide, tout ce que j'aime ! Et alors, ensuite on entre dans le cœur de la maison ! Non pas la cuisine mais … la bibliothèque ! Ces étagères jusqu'au plafond avec tous ces ouvrages et ces escaliers coulissant pour y accéder. Je trouve ça d'un luxe inouï et je veux une bibliothèque comme celle-ci. Si vous voulez m'offrir quelque chose à Noël …



Fini le coin monsieur, on passe aux appartements de l'impératrice, ou du moins des impératrices : Marie-Louise d'Autriche et Eugénie de Montijo. Et on commence par le salon de thé de cette dernière. Un magnifique décor au mobilier en tissu vert, où l'on prenait le thé à partir de 17h. Et lors de ces fameuses séries, c'était le moment détente en toute convivialité pour les discussions et de reposer. Cela devait vraiment être agréable, même si s'asseoir en crinolines (et se relever) devait relever de l'exploit. Un petit thé et puis au lit ! Oui, on passe directement à la chambre de l'impératrice ! Encore dans un décor Premier Empire, on sent l'inspiration de Joséphine de Beauharnais, la première épouse de Napoléon 1e : de la soie, de l'or avec ces anges soutenant les rideaux du lit à baldaquin. Ici tout est somptueux, riche et à la hauteur de la première impératrice aux goûts de luxe. Malheureusement, le divorce fut prononcé peu avant la fin des travaux et c'est la seconde qui en profita.

La suite des appartements sont tout aussi luxueux, par une succession de salons aux différents décors, mais toujours avec goût. Mais le clou de ces appartements, c'est la salle de bal ! Une magnifique salle avec des colonnes et les peintures au plafond représentant les victoires napoléoniennes. Ça ne vous rappelle rien ? La prochaine fois, regardez le plafond de la Galerie des Glaces et les grandes victoires de Louis XIV, vous comprendrez. Construite pour le mariage de Marie-Louise et Napoléon en 1810, on s'imagine aisément en robe empire, ces jolies robes fluides, en soie blanche, serrée sous la poitrine mettant le décolleté en valeur et ces hommes en uniforme militaire. Ou, si vous êtes sur l'autre empire, les grandes crinolines de toutes les couleurs, ces épaules dénudées … et ces hommes toujours en costume militaire. Ça donne envie de danser le carillon de Dunkerque tout ça !


J'aime ces appartements, on sent la vie, on peut aisément deviner comment ces séries se passaient, on imagine tout ce monde dans ces fauteuil si confortables à discuter, rire. Ce genre d'ambiance fait l'âme d'un bâtiment et c'est que j'aime y retrouver.

Le musée du Second Empire


Après un petit pique-nique dans l'immense parc, nous voici de retour pour une nouvelle visite. Quand on vous dit qu'on a pas chômé. Cette fois-ci, direction le musée du Second Empire. Contrairement au musée de l'impératrice, celui-ci arbore une sphère plus officielle, montrer un certain goût de l'époque et surtout de nombreux tableaux.

Au fil des pièces, on peut imaginer tout le luxe de cette époque, un style au mélange de plusieurs inspirations des différentes époque, avec un goût pour le clinquant et le précieux, comme les grandes armoires réalisées pour l'Exposition Universelle de 1855, la première à Paris. On peut aussi y admirer toutes les décorations obtenues par Napoléon III et son fils le Prince Impérial par les différents souverains européens (la Légion d'Honneur, la Toison d'Or, l'Ordre de la Jarretière … ), mais aussi un superbe lit destiné à la base à Élisabeth d'Autriche (alias Sissi) qui n'est finalement jamais venue, et a donc raté ce superbe lit et mobilier tout de vert et de dorure.



Le clou du musée sont ses deux dernières salles. La première est consacré au peintre Franz Xaver Winterhalter, célèbre pour ses superbes portraits de grandes personnalités de cette époque. Au cours de la visite, on peut voir qu'il a représenté Napoléon III et Eugénie à maintes reprises, mais il est aussi connu pour ses portraits de la reine Victoria, l'impératrice de Russie, la duchesse de Leuchtenberg ou la reine des Belges. Bref, que du beau monde. Et un de ses plus grands chef-d’œuvre est sans aucun doute celui de l'impératrice Eugénie entourée de ses dames d'honneur. Un magnifique cadre champêtre, des belles dames en crinolines. Pour la petite histoire, mise à part la duchesse de Bassano (la dame en noir à sa droite), toutes les autres étaient des dames du palais. La différence ? La dame d'honneur seconde l'impératrice, peut entrer dans les appartements privés. Les dames du palais accompagne l'impératrice dans ses déplacements et l'occupent. Et enfin, la dernière salle est occupée par des sculptures de Carpeaux. Artiste phare du Second Empire, il a fait plusieurs moulages du Prince Impérial enfant en compagnie de son chien Néro. J'avoue ne pas y connaître grand chose en sculpture mais j'aime beaucoup le style de l'artiste, puisant son inspiration dans la Rome baroque de l'époque.


Ce musée est vraiment intéressant, de plus la guide connaissait vraiment bien les lieux et semblait calée en arts décoratifs. Même si je n'ai pas retenu toutes les informations – mea culpa – il était très intéressant de les écouter pour comprendre ce style et cette époque.

Le musée national de la voiture et du transport


La dernière visite du jour. Chanceuses, nous étions que toutes les deux avec la guide. A savoir qu'au cours des visites, nous avons été maximum 6, ce qui est génial pour discuter avec les guides et poser des questions. Là, je l'avoue, je n'y connais rien en voiture, j'avais qu'une envie : voir les carrosses. Seulement voilà, la verrière de la Cour abritant les carrosses et les berlines menace de s'effondrer, et bien qu'il y ait des filets de protection, nous ne pouvions que rester à l'entrée. Mais la collection reste impressionnante, et les véhicules absolument somptueux ! Vu le luxe, tu m'étonnes que les carrosses roulaient lentement et qu'il fallait 4 heures pour faire Paris-Versailles ! Ma petite déception passée, la guide nous a présentées tout un tas d'automobiles du début du siècle, où il ne fallait pas dépasser les 12km/heure au début 1910. Quand on sait maintenant que certain râlent de rouler en ville à 30. On y croise la voiture de Roland Garros, véritable voiture de sport où l'on peut rouler jusqu'à 70km/h en 1916 ! De la pure folie à l'époque !



Les fameuses voitures à manivelles, des omnibus déjà équipés de roues de secours, une voiture qui se démonte et se remonte … Tout un tas de véhicules venus d'un passé pas si lointain, témoin d'une évolution de folie. De même avec les vélos, au début des draisiennes du 19e siècle où l'on freine avec ses pieds (bonnes chaussures obligatoires), en passant par le grand-bi, vous savez ces vélos avec la roue immense à l'avant, ou même les premières vitesses et chaînes, tout est incroyable. La collection accueille aussi un authentique char romain, des traîneaux, et enfin, pour retourner dans l'empire, une calèche d'apparat du Prince Impérial enfant.

Je suis sortie ravie de cette incroyable visite, même quand on est pas connaisseurs en véhicules, les voir et savoir comment ça fonctionne, cela est toujours intéressant. Ce fut la dernière visite du château, le seul coin non visité furent les appartements du roi de Rome (fils de Napoléon 1e, connu sous le nom de l'Aiglon) et l'appartement double du prince, fermés aujourd'hui et seulement en visites par des conférenciers. Je les avais visités il y a trois ans, ils sont magnifiques, je vous les conseille aussi. Je vous conseille tout, de toute façon, même le parc.

Le parc


Par la chaleur qu'il faisait et vu toutes les visites effectuées, nous n'avions pas vraiment le temps de visiter le parc, nos pieds n'auraient pas supporté. C'est un magnifique parc à l'anglaise, donc faussement sauvage, avec quelques bâtiments cachés comme une orangerie, de nombreuses sculptures à l'antique, une tonnelle avec des fleurs grimpantes et une immense terrasse.



Mais le petit bijou du parc, c'est bien sûr le jardin des roses. A côté d'une ancienne serre devenue le salon de thé du château, c'est un petit bijou. Il y a une petite fontaine au milieu et surtout ces centaines de roses de toutes les formes, couleurs et senteurs. Un endroit superbe, apaisant, donnant l'envie de se poser sur le petit banc avec son livre et ne plus penser à rien.

Conclusion


Un petit bijou mal connu puisqu'il n'est ni en Île de France, ni dans un circuit de château. Le seul autre à proximité est Pierrefonds, mais il faut une voiture pour visiter celui-ci, alors que Compiègne a l'avantage d'une gare et le château en centre-ville. Il faut bien sûr aimer, ou du moins être curieux, du Second Empire principalement mais aussi du Premier. Ici, on se trouve bel et bien dans une demeure napoléonienne et ça se ressent. Malgré de nombreux travaux à faire, il reste un petit bijou qu'il faut voir, pour le plaisir des yeux mais aussi des oreilles, grâce à l'intervention des nombreux guides. Je suis revenue de cette visite aussi enchantée que fatiguée mais ravie d'une telle journée chargée de luxe et d'histoire, allez y !

Pour s'y rendre en train depuis Paris, il y a des trains à Gare du Nord toutes les demi-heures environ. Selon les trains, le voyage dure entre 40min et 1h, puis le château est à 10-15min à pied de la gare, c'est très bien indiqué en ville.
Le château est fermé le mardi, il est gratuit pour les moins de 26 ans et les chômeurs (entre autre). Voici leur site internet pour plus d'informations : http://palaisdecompiegne.fr/

Y êtes vous déjà allés ? N'hésitez pas à partager votre expérience dans les commentaires.

A très vite pour un nouvel article, très éloigné du Second Empire …  

2 commentaires:

  1. Tu me donnes envie d'y retourner ! Belle chronique, où tu as ajouté des informations en plus ce que les guides nous ont dit. Nappy Ier et Nappy III te remercient (oui ils me parlent).

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    1. Oui j'aime aller fouiller les détails, c'est ma passion ! Et si les Nappy me remercient, j'en suis ravie <3

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