mardi 18 août 2015

18 août 1572 : Mariage d'Henri de Navarre et Marguerite de Valois



Aujourd'hui, ni mort ni trucs glauques, mais un mariage ! Un peu de gaieté, du riz jeté et de l'amour à foison ! … Ah non, au 16e siècle, on n'épousait pas toujours la personne qu'on aimait, encore moins quand on naît dans les familles royales. Tant pis, ça fait tout de même une belle fête dans Paris où on peut jouter, boire et danser pendant plusieurs jours ! Allez, on retourne sur le grand événement d'août 1572, enfin le plus joyeux : celui du mariage de la princesse Marguerite et du roi Henri.

En ce jour ensoleillée de la mi-août 1572, passé l'Assomption de Marie du 15 août, la foule s'amasse autour de Notre-Dame de Paris, pour voir passé les époux dans leurs grandes tenues. Mais qui sont-ils ?

Par galanterie, on commence par la demoiselle. Fille du roi de France Henri II et Catherine de Médicis, Marguerite de Valois est la dernière fille viable et l'avant-dernière enfant (les deux dernières sont des jumelles, l'une morte-née et l'autre à deux mois), née le 14 mai 1553 à Saint-Germain-en-Laye, où elle grandit avec ses frères et sœurs. Jeune fille éduquée, elle apprend le latin et le grec, l'histoire de France, la géographique, adore les romans de chevalerie, cite Plutarque, pratique la chasse et la danse. Bref, une jeune fille accomplie de son époque. Sa gouvernante Charlotte de Vienne, Madame de Curton, lui apprend les manières de cour, se tenir en société, ce qu'elle fait fort bien. Une chose est sûre, elle adore sa famille : lors du grand tour du roi Charles IX, elle relate dans ses mémoires le bonheur d'assister au baptême de son neveu, fils de sa sœur Claude de Lorraine, ou la rencontre émouvante avec sa tante Marguerite de Savoie. Elle sait aussi sa position, qu'elle est, comme ses frères et sœurs, un pion du clan Valois sur l'échiquier européen.

On cherche donc à la marier. Tout d'abord au roi Sébastien du Portugal, un garçon un peu fou, violent, austère et n'a qu'une idée en tête : chasser les païens et les hérétiques. Un type charmant en somme. Fort heureusement pour Margot, le roi refusera finalement la proposition. Puis on espère lui faire épouser Philippe II d'Espagne qui vient de perdre sa femme bien-aimée … Élisabeth de France. Mais si, souvenez vous, celle qui se mariait le jourde la mort de son père Henri II. Ambiance. Plus terre à terre, Philippe préfère épouse sa nièce, c'est plus sain pour la dynastie.
Entre temps, la voici tombée amoureuse d'Henri de Guise, dit le Balafré, chefs des catholiques (et plus tard de la Ligue). Un homme dangereux pour la Cour et Henri (futur Henri III) met un terme violent à cette idylle. Si ce n'est pas le seul amant de Marguerite, je vous arrête de suite : les relations incestueuses avec ses frères, c'est du délire. Les rumeurs de l'époque sont propagés par les ennemis de la Couronne, et Dumas a intensifié la chose. Dumas je t'aime, mais par ta faute, on voit Margot comme une catin. Si vous voulez en apprendre plus, je vous invite à écouter l'émission Au Cœur de l'Histoire sur elle.

Il faut dire qu'elle est belle. Brantôme, grand écrivain de l'époque, fait son portrait : son beau visage, si bien formé, en faict la foy ; et diroit on que la mere nature, ouvriere très parfaicte, mist tous ses plus rares sens et subtilz espritz pour la façonner. Car, soit qu'elle veuille monstrer sa douceur ou sa gravité, il sert d'embrazer tout un monde, tant ses traicts sont beaux, ses lineaments tant bien tirez, et ses yeux si transparans et agreables, qu'il ne s'y peut rien trouver à dire : et, qui plus est, ce beau visage est fondé sur un corps de la plus belle, superbe et riche taille qui se puisse veoir, accompaignée d'un port et d'une si grave majestée, qu'on la prendra tousjours pour une deesse du ciel, plus que pour une princesse de la terre.
Personnellement, on ne m'a jamais dit ça, ça envoie du lourd ! Allez passons au futur marié.


Henri (ou Henry) de Navarre, fils d'Antoine de Bourbon, chef de la Maison Bourbon, et de Jeanne d'Albret, reine de Navarre. Là encore, il y a du niveau dans la famille. Il naît le 13 décembre 1553 à Pau, dans le royaume de Navarre. Il est élevé à la dure, André Castelot dit « à la rustique » où, après avoir épuisé sept nourrices, on le nourrit de viande, de fromage, d'ail bien sûr, il joue et se bat avec les montagnards du coin, bien sûr on ne le lave qu'en cas de maladie, d'où la légende de son odeur, Le chevalier de Bellefort le décrit comme « gaillard, courtois et accostable, bien disant dans sa langue ». Il n'est pas un rustre non plus, on l'éduque, on lui apprend le français, à lire, sa mère le convertit au protestantisme (alors que son père prend les armes pour les catholiques) et puis à partir de 9 ans, il est à la cour de France.



Pour vous situer, il est le petit-fils de Marguerite d'Angoulême, sœur du roi François Ie, autant dire qu'il est un cousin royal. Il suit donc les cours au collège de Navarre, fondé au Moyen-Âge, avec le futur Henri III et Henri de Guise, trio d'Henri, même si les deux derniers ne s'entendaient pas vraiment. Il y apprend le grec latin, bon en grammaire, même s'il reste ignorant en matière de science. Pour compenser, il est excellent cavalier, adore les joutes, nage et danse. Autant dire que cela en fait un homme bien fait. Il n'est pas moche par ailleurs, avec son teint hâlé et le « poil ardent » autrement dit, roux. Oui nous avons eu un roi roux ! Dés son adolescence, il est un amoureux des femmes et dans ses mots, a toujours gardé la formule « un million de baisers » avant de signer. Il est donc le fiancé de Marguerite, alliance conclue entre la grande marieuse Catherine de Médicis et Jeanne d'Albret, qui meurt avant de voir son fils marié, le 10 juin 1572. Le voici à présent roi de Navarre, et paré à épouser la belle Marguerite. Voici donc nos deux époux prêts à s'unir !

Il faut dire que le mariage n'est pas comme les autres. Elle est catholique, a bien exprimé son avis ne de pas vouloir épouser un protestant, et il est protestant. La foule voit donc se construire des échafauds en hauteur, avec des couloirs conduisant du palais de l'évêque à la cathédrale. Les hommes d'Henri viennent chercher la princesse qui a dormi à l'évêché pour la conduire devant la cathédrale. Comment était-elle habillée ? Marguerite nous le décrit elle-même « … moi habillée à la royale avec la couronne et couet d'hermine mouchetée qui se met au-devant du corps toute brillante des pierreries de la couronne, et le grand manteau bleu à quatre aulnes portée par trois princesses. ». Côté Navarre, il faut quitter l'habit de deuil pour quelques heures et revêtir des habits très riches et beaux.

La famille royale est, pardonnez l'expression anachronique, sur son trente-et-un : le roi Charles IX est « en soleil », Catherine a mis tous ses diamants et brillait au soleil, Henri d'Anjou arbore un costume jaune pâle de satin avec des broderies d'argent et de perles. Après tout, c'est un mariage royal ! Normalement, la cérémonie a lieu dans la cathédrale mais ici, l'affaire est toute autre, elle se fait devant le grand portail ! Hé oui, avec un roi protestant, pas question d'entrer dans une lieu papiste ! Le silence de Marguerite sur le parvis de Notre-Dame au moment du consentement des époux est une invention du XVIIe siècle, une pure légende. Bien sûr, il y a une messe de mariage, mais tout est pensé : deux chemins sur ces échafauds sont prévus, l'un pour entrer dans l'église, l'autre pour partir. Henri prit ce second chemin, n'entrant donc pas dans l'église. Il attend à l'évêché la fin de la cérémonie pour embrasser sa nouvelle épouse.


Enfin, les fêtes commencent, et dureront trois jours ! On commence par un festin à l'évêché Les mets sont accompagnés de chars avec des rochers factices qui défilent avec des dieux et monstres marins, sur fond de musiques et de vers en français. Le lendemain, le roi de Navarre invite tout le monde à l'hôtel d'Anjou et puis donne un bal au Louvre. Le troisième jour, on joue le spectacle le Paradis d'Amour, à la fois joute et mascarade, considéré comme le premier ballet, sur le thème des conquêtes héroïques. Des chevaliers errants, joués par Navarre et ses hommes, tente de monter à l'assaut du paradis, qui sont les Champs Elysées (même place que ceux d'aujourd'hui, mais avant c'était bien des champs). Il s'y trouve un arc de triomphe a escalader et derrière, une roue avec douzes nymphes gardées par des preux chevaliers., joués par les princes Valois, Charles, Henri, François. Les assaillants tombent en enfer. Puis après des vers de Ronsard, les princes dansent avec les nymphes et les chevaliers sont délivrés grâce aux dames, brisant leurs chaînes fictives par la grâce de l'amour, la poésie et la musique. Doit-on y voir un message clair au protestant ? A vous de voir …

Le dernier jour, on joue à nouveau au Louvre. Une course à la bague est organisée, les frères Valois et leurs gentilshommes contre Navarre et ses amis. Le clan Valois se travestit en amazone, avec poitrines découvertes et arc en bandoulière et les autres en turcs, avec des turbans, de grandes robes de drap d'or. Non mais c'est sympa le mariage royal à la Renaissance, puis moins sanglant que la dernière fois.

Enfin, ce n'est pas sûr, car l'Histoire se souvient du massacre de la Saint-Bathélémy, où Marguerite n'a aucun pouvoir : considérée comme suspecte par les huguenots car elle est catholique, et de même pour les catholiques car elle est la femme d'un protestant. Après ces journées sanglantes, le couple est assigné un temps à résidence à la Cour de France et Henri contraint de se convertir au catholicisme pour sa sûreté. C'était bien la peine de préparer un mariage comme ça alors qu'il aurait suffi d'une conversion !

Voilà ce qu'on pouvait dire sur les noces vermeilles ayant uni ce couple royal tumultueux, dont la vie conjugale ne sera pas facile ! Mais ceci est une autre histoire …




5 commentaires:

  1. J'ai beaucoup aimé lire ton article et surtout la conclusion sur la conversion ;)
    Effectivement, celui-ci est beaucoup moins sanglant que le mariage de la soeur d'Henri II !

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    1. Paradoxalement, le mariage d'Elisabeth (celle qui épouse Philippe II lors du mariage sanglant) a été très réussi, les époux s'aimaient. Là, le mariage fut réussi mais ce fut 7 années assez catastrophiques. Comme quoi, peut être qu'une mort noue des liens !

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  2. L'Henriot, encore et toujours ! J'aime bien les festivités, avec les nymphes, les amazones, etc,. Je prends note pour l'organisation d'un certain mariage :face:

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    1. Je sais pas si le marié voudra mais vu qu'il ne décide pas ... :face:

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  3. Je connais le couple grâce au livre de Dumas. Un article sur un sujet plus joyeux. J'aime beaucoup comment tu racontes l'histoire ! ;-)

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