dimanche 28 février 2016

Le cimetière du Père Lachaise : un enchantement funèbre



Je vais vous parler d'une balade faite en … novembre. Je ne sais pas si vous vous en souvenez mais au début de ce mois, il faisait encore doux, avec les couleurs automnales, un parfait temps pour une sortie. J'aurais pu choisir un château, un jardin, non j'ai choisi un cimetière. Mais pas n'importe lequel : le cimetière du Père Lachaise, sans doute l'un des plus connus au monde. La preuve ? J'y ai rencontré beaucoup d'américains et plus d'étrangers que de français ! Mais je les comprends, quel bel endroit reposant, esthétique et surprenant. Suivez moi, je vous fais une petite visite …


Quitte à paraître glauque, j'aime les lieux où reposent les morts. Quand je pars à l'étranger, notamment d'anciennes monarchies, j'essaie de visiter les nécropoles comme à Vienne, Berlin ou Copenhague. Je trouve cette façon de sublimer la mort dans des sculptures d'une grande beauté (le double sarcophage de Marie-Thérèse d'Autriche me laisse encore sans voix) absolument éblouissante. En France, j'ai eu l'occasion de me rendre à la basilique Saint-Denis où reposent les rois de France, mais aussi à celle de Dreux où la famille d'Orléans s'unit dans un sommeil éternel. Je suis beaucoup moins cimetières, mais il faut avouer que celui du Père Lachaise associe bien la mort au beau.

Petite histoire du cimetière




Durant l'Ancien Régime, le domaine de Mont-Louis était une belle propriété champêtre de 17 hectares, appartenant aux Jésuites. L'un deux, François d'Aix de La Chaise, confesseur du roi Louis XIV, y fait édifier une belle demeure en 1676, entouré de jardins en terrasse, de potagers et vergers. Il y vivra avec son frère, le comte de La Chaise, jusqu'à sa mort en 1709.

Le domaine de Mont-Louis sous l'Ancien Régime, pas mal pour un confesseur

Il faut savoir que depuis toujours, les cimetières se tenaient à côté de l'église. Si dans les villages, il n'y en avait qu'une, à Paris cela devenait plus problématique. Chaque paroisse, ou presque, possédait son cimetière, souvent petit mais où il fallait entasser le maximum de personnes, c'est à dire des fosses communes. Enfin, seulement pour les pauvres, les privilégiés avaient soit leurs propres sépultures, voire même étaient inhumés à l'intérieur du lieu de culte. Seulement, les morts s'entassent et le temps passe, autant dire que c'était la recette parfaite de l'insalubrité, d'odeurs nauséabondes et des maladies. Rajouter à cela l'aspect esthétique au XVIIIe siècle, il faut y remédier. Après de nombreuses mesures prises et le scandale du cimetière des Innocents (actuellement le quartier des Halles à Paris) se voit fermer en 1785 et les ossements sont transférés aux Catacombes, d'autres suivront. A Paris aujourd'hui, il ne reste que deux cimetières paroissiaux : le cimetière du Calvaire, en haut de la butte Montmartre, et la cimetière de Charonne, dans le 20e arrondissement. Deux autres furent crées à l'extérieur de la ville fin du XVIIIe siècle, et tous les autres datent du XIXe siècle, dont le Père Lachaise.

Napoléon Bonaparte, alors Premier Consul en 1801, fait créer trois grands cimetières au nord, à l'est et au sud de Paris. Le premier a recevoir l'autorisation fut celui de l'est, sur les anciens hectares du domaine de Mont-Louis, soit environ 17 hectares, pour y installer les sépultures mais dans les règles d'hygiène, comme le décret du 12 juin 1804 le préconise : « Le cimetière sera un jardin, on y fera des plantations en prenant des précautions convenables pour la circulation de l'air. » Et chose nouvelle, il sera ouvert au public. Dans ces prédispositions suivront vingt ans après le cimetière de Montmartre au nord en 1824 et de Montparnasse au sud en 1825. La réalisation est confiée à l'architecte Alexandre-Théodore Brongniart, qui y sera lui-même inhumé à sa mort, en 1839. Après quelques années difficiles, le cimetière se met à accueillir de grandes familles, mais aussi personnalités à la mode.

Ma (charmante) visite


Début novembre, dans un doux weekend avec grand soleil, Pipou III (mon appareil photo) et moi-même sommes partis nous perdre au milieu d'illustre et d'inconnus. Enfin pas totalement, j'avais un vieux plan pour me repérer, et voir les personnalités enterrées là, puis un peu flâner tout de même. Et comme j'oublie toujours des choses, mon itinéraire fut assez original, on va dire, comme vous pouvez le constater :

Et encore je me suis mal organisée et il y a des coins entiers non visités.

J'ai pris plaisir à prendre des petits chemins, observer les mausolées, les tombes, les sépultures, sculptures, certaines d'une grande magnificence, d'autres d'une grandeur élégante, des fleuries, des abandonnées … Au cœur de Paris et pourtant isolée, je me sentais transportée dans une autre époque, celle du XIXe siècle, durant la période romantique où la mort avait un attrait séduisant. Observer les noms, les dates, trouver des résistants, des enfants, des couples mariés, des familles au caveau démesuré, chaque tournant donne lieu à des surprises.


Alors quand on me demandait à tout prix les tombes de Jim Morrison, Edith Piaf ou Marcel Proust, j'avais envie de leur dire de se perdre, de regarder. Certes, moi aussi j'ai cherché Molière et La Fontaine, la famille Murat, Héloïse et Abélard, Sarah Bernhardt, Frédéric Chopin, Oscar Wilde, Alfred de Musset … Bref, que de beau monde de tous milieux, mais je me suis extasiée sur des inconnus aux tombes plus belles que les illustres. Une bonne balade de plus de 3 heures où je n'ai pas vu tout le monde, mais où mes yeux se sont extasiés sur les beautés funèbres de Paris.
Héloïse et Abélard, les amants médiévaux

Vivant Denon (1747-125), écrivain, graveur, ayant aidé l'organisation du
Musée du Louvre à la Révolution française.
Frédéric Chopin (1810-1849), compositeur
Elisabeth Stroganoff Demidoff (1779-1818), princesse russe. On raconte que
son tombeau mène directement vers les enfers.
 
Les sépultures du dramaturge Molière (1622-1673) et Jean de La Fontaine (1621-1695), poète. Inhumés au cimetière
de la chapelle Saint-Joseph, ils furent transférés au musée des monuments français puis au Père-Lachaise en 1816.


Allan Kardec (1804-1869), philosophe spirite. Derrière sa sépulture, des recommandations 
sont donnés pour le ne pas toucher le buste, ne pas déposer de bougies ou faire une 
quelconque manifestation. Par contre, c'est énormément fleuri. La philosophie spirite 
est toujours très populaire en Amérique du Sud
 
Oscar Wilde (1854-1900), écrivain. Avant, embrasser sa sépulture était sensé porté bonheur. D'où la vitre de protection.
Alfred de Musset (1810-1857), poète et dramaturge. On ne le voit pas, mais derrière se tient la sépulture de sa soeur.

Sarah Bernhardt (144-1923), comédienne et demi-mondaine fastueuse.
Victor Noir (1848-1870), journaliste tué par un cousin de l'empereur Napoléon III. D'un réalisme saisissant, il est l'objet de divers cultes où il faut le toucher. Le visage, les pieds ont subi l'érosion, ainsi que son entrejambe, touché (on ne sait
pas trop pourquoi) par les femmes infertiles désireuses d'avoir des enfants.

Mais il n'y a pas que des célébrités dans ce cimetière, il suffit de lever les yeux pour voir lieux magnifiques. Je vous en propose un petit panel.












Aux beaux jours, je vous conseille cette très belle visite. N'oubliez pas un plan si vous avez envie de voir certaines personnalités, certains sont téléchargeables en ligne, des formats papier sont vendus au marchand de journaux à la sortie du métro, mais ensuite laissez vous porter par une forme curieuse, un trait de lumière, un nom insolite.





6 commentaires:

  1. J'ai découvert ce cimetière il y a trois ans. Cela ne me ravit pas autant que toi mais c'est une visite "originale" ! Je me rappelle bien de la tombe d'Oscar Wilde. Par contre j'avais pris une visite guidée, car c'est tellement grand

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    1. Il y a souvent des visites guidées et ce n'est pas plus mal car on s'y perd rapidement :)

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  2. Cela fait des années que je n'étais pas au cimetière du Père Lachaise, mais j'en garde un excellent souvenir : c'est tellement rare de pouvoir véritablement visiter un cimetière d'exception sans tomber dans une ambiance "glauque" ou funeste. Et merci pour ton approche historique très intéressante !

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    1. Merci beaucoup <3
      Oui il y a de beaux cimetières où on n'a pas l'impression de côtoyer la mort, ni tomber dans le pathos, c'est ce qui donne toute l'atmosphère, je pense.

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  3. J'ai beaucoup de mal avec les cimetières mais à force d'entendre parler de celui-ci il faudrait vraiment que j'y aille un jour !

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    1. Je pense que c'est à faire une fois, histoire de se faire un avis :) Je ne suis pas fan des cimetières, mais celui là a vraiment une atmosphère particulière, je trouve.

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