mardi 8 novembre 2016

Lisbonne, Bélèm et puis s'en va



Je n'ai jamais fini mon périple portugais, j'y ai repensé ces derniers jours. Je vous ai conté mes premiers jours dans cette belle ville de Lisbonne, les premières visites et l'impression de douceur de vivre, puis du lundi à Sintra avec ses châteaux de contes de fées. Mais il reste encore deux jours de visites, de bonheur, de soleil et de vacances, à Bélèm, puis à flâner une dernière fois dans Lisbonne avant de faire mes adieux.

Après cette chaude journée à Sintra où l'on en pouvait plus des 20 kilomètres de marche, nous avons décidé de se la jouer un peu plus tranquille le reste du séjour. Bien sûr, toujours des visites et de la marche ! En ce quatrième jour lisboète, direction Bélèm, un quartier de Lisbonne à six kilomètres du centre-ville, gardien de nombreux monuments et musées. Comme je n'ai toujours pas découvert le secret pour me dédoubler afin de tout voir, nous avons fait trois visites, et je vous les recommande tous d'avance !


Pour se rendre à Bélèm, de nombreux bus, tram et même des trains de banlieue vous y emmène selon d'où vous partez. Le bus, c'est assez aléatoire : les horaires affichés changent sans savoir pourquoi, le bus n'arrive pas forcément à l'horaire indiqué, ça roule de manière assez sportive et certains bus n'ont pas d'indication du prochain arrêt. Il faut bien repérer sur le plan la station précédente, guetter les arrêts pour appuyer au bon moment … Bref, on ne se repose pas dans certains bus !

On commence par l'incontournable du coin : le Mosteiro dos Jeronimos, ou le Monastère des Hiéronymites en français. On ne peut pas louper cet imposant édifice au cœur de la ville, immense et décoré à outrance. La construction a été lancée par le roi Manuel Ie en 1502, dans le style dit manuélin (oui comme le roi). Pour faire simple niveau histoire de l'art, c'est un peu leur Renaissance. Il a donc accueilli l'ordre des hiéronymites, un ordre espagnol dédié à Saint-Jérôme. Aujourd'hui, il est inscrit au Patrimoine Mondial de l'Unesco, accueille en son bâtiment le musée archéologique et celui de la marine, que nous n'avons pas fait.









Cet endroit est dingue, on ne sait plus où regarder tant tout est décoré, beau et ouvrage. On visite le nez en l'air, cherchant à comprendre tout ce qu'il se fait, dans le cloître mais aussi dans l'église Santa Maria, absolument superbe, et qui abrite une nécropole royale avec le tombeau notamment de Manuel Ie, mais d'autres tombeaux sont visibles comme celui de l'explorateur Vasco de Gama.

Ce lieu a un caractère surréaliste avec autant de beauté, sachant qu'il a résisté au tremblement de terre de 1755. Mais un tel monument est pris d'assaut par les touristes. Je vous conseille d'y aller à l'ouverture, même avant. Nous sommes arrivés 15min avant l'ouverture et déjà, il y avait de l'attente, ou alors venir en fin de journée.

Mosteiro dos Jeronimos
Praça do Império
10-18h30 du mardi au dimanche
10€ (gratuit avec la Lisboa Card)

Après cette visite qui nous a pris la matinée, il venait le temps de manger. Nous avons longé le Tage (où nous avons découvert le Pradao dos Descombrimentos en restauration) jusqu'à un parc devant la Tour de Bélèm. Parfait endroit pour pique-niquer, avec l'air du fleuve, à l'ombre et vue sur un magnifique monument. J'ai lu à de nombreuses reprises que la visite de la Tour était décevante, et vu la queue pour y entrer, même pas la peine de tenter. Après manger, nous avons donc étudié de plus près. Elle aussi construite par Manuel Ie du Portugal – cela se ressent dans le style – la tour se révèle être un système défensif contre quiconque voulant envahir Lisbonne. Son unique défaite fut à la fin du 16e siècle, face à l'Espagne qui s'empara de la couronne portugaise jusqu'en 1640.





Puis nous avons repris notre route, en s'arrêtant à un foodtruck de frozen yogurt fort appétissants, immenses pour moins de 5€. Parfait pour se rafraîchir en cette chaude journée. Retour vers le Mosteiro, où nous avons croisé un défilé de leur garde républicaine, très sympathique. Et hop, nouveau bus pour monter la colline à la conquête d'un château. Typiquement, c'est là qu'on a raté notre arrêt, nous obligeant à faire un léger détour où nous avons découvert une tour d'église dans un parking, quoi de plus normal.

Comme je vous le disais, nous allions visiter un château, mais il faut savoir qu'il existe. Le Palacio de Ajuda n'était même pas dans mon guide, je l'ai trouvé par hasard au fil de mes recherches et il n'est pas étonnant d'y voir peu de monde. Après le tremblement de terre de Lisbonne en 1755, le palais royal a été détruit et il faut une nouvelle demeure à la famille royale. C'est sur les hauteurs de Bélèm que commencent les travaux à partir de 1795, puis plusieurs fois stoppés, notamment sous l'extension impériale de Napoléon Ie. Pire, en 1807, la famille royale portugaise s'exile au Brésil pour échapper à l'invasion des troupes impériales françaises, le roi Jean VI n'a pas envie de devenir comme son voisin, Ferdinand VII d'Espagne, prisonnier à Valençay pendant qu'un Bonaparte prend le trône ! Pourtant les travaux continuent lentement, et quand Jean VI du Portugal revient en 1820, le château n'est pas terminé. Autant vous le dire de suite, le château n'a jamais été terminé.

Plan du Palacio de Ajuda en 1866

Comme vous pouvez le voir sur ce plan, ce qui est en noir a effectivement été construit, plus une partie et quelques murs. Les travaux se stoppent net en 1908, après l'assassinat du roi Carlos Ie et son fils héritier, Louis-Philippe. Si la famille royale s'est installée dans les ailes déjà aménagées, on peut voir que le projet était absolument immense et sans doute irréalisable. On voit que l’œuvre n'a jamais été terminée quand on pénètre dans la cour du château. Mais ce qui a été réalisé montre la splendeur du projet.





A l'intérieur, nous avons typiquement un décor du 19e siècle, très chargé et luxueux, très représentatif des goûts de l'avant-dernière reine du Portugal, Maria-Pia de Savoie, femme de goût et extrêmement dépensière. On y retrouve le style Second Empire, absolument pas sobre de l'époque Napoléon III, comme on peut retrouver dans certaines salles du Louvre, de Fontainebleau ou encore Compiègne. La demeure a tout le confort moderne avec de nombreuses salles de bain aussi. On passe de salle en salle avec toujours plus de choses à regarder, à observer, à imaginer la vie de la famille royale, mais aussi les galas, les grandes fêtes.













Pour protéger les décors, certaines salles du rez de chaussée ont les rideaux tirées et sont assez sombres, mais difficile de ne pas admirer tout ce luxe et cette beauté. Et que de belles salles, comme l'immense salle à manger, le grand escalier ou la salle du trône. Comme il n'y avait personne, contrairement à la Pena de Sintra, j'ai nettement plus apprécié la visite. Le palais mériterait d'être plus connu, il serait vraiment dommage de passer à côté lorsqu'on est en visite à Lisbonne.

Palacio de Ajuda
Largo Ajuda, Bélèm
10h-18h, fermé le mercredi
5€

Autant rester dans le thème royal pour le reste de l'après midi, nous redescendons pour visiter le Musée des Carrosses. Celui là, je l'attendais avec impatience car j'ai eu un petit arrière-goût d'inachevé à la Galerie des Carrosses de Versailles. Quant à Compiègne, les carrosses ne sont visibles que de loin pour l'instant. Ce superbe musée regroupe tous les types de véhicules depuis le 17e siècle jusqu'au début 20e ! Et il y en a : chaises à porteurs, carrosses simples, carrosses de parade, calèches … De la plus simple à la plus décorée, c'est à en devenir fou tellement tout es beau. D'ailleurs, le premier musée, dans un bâtiment ancien, ne garde qu'une petite partie des carrosses, ainsi qu'une jolie collection de portraits des souverains portugais à l'étage. Il faut traverser vers un bâtiment ultra-moderne pour visiter le reste.

(Je m'excuse pour les photos, Pipou III m'a lâché au début du second musée, j'ai du faire avec mon téléphone.)



Amélie d'Orléans, reine du Portugal, par Vittorio Matteo Corcos, 1905










Je pense qu'il est vraiment difficile de ne pas aimer ce musée. Bien agencé et expliqué, on le suit de manière chronologique, pour voir l'évolution dans la manière de se déplacer, et celui son rang social. On y croise des carrosses du 18e siècle ayant servi lors du mariage du futur Carlos Ie avec Amélie d'Orléans en 1886, mais aussi le véhicule du Pape au 18e siècle … Seul manquait à l'appel la calèche où eut lieu l'assassinat de Carlos 1e et de son fils héritier, en 1908. Il a été prêté pour une exposition, mais l'on pouvait voir une réplique miniature.

Museu Nacional dos Coches
Praça Afonso de Albuquerque
10h-18h du mardi au dimanche
6€ (gratuit avec la Lisboa Card)

Pour reprendre des forces, et puisqu'il était l'heure de goûter, nouveau passage chez Santini, chaîne de glaces absolument délicieuses que j'avais déjà dégusté le samedi. Trois boules pour 3,9€, et vu le goût qu'elles ont, on ne peut pas résister ! Avec nos glaces, direction la gare non pas pour rentrer en ville mais pour partir à la plage. Oui, si proche de la mer, on ne pouvait pas lui tourner le dos. Et quitte à y aller, autant faire ça bien, direction Cascais, une station balnéaire réputée pour la beauté de ses plages. Je vous l'avoue, je ne me suis pas baignée, l'eau de l'Atlantique était beaucoup trop froide (mais bravo à mes trois tarés qui l'ont fait ! ), je me suis contentée de tremper mes jambes jusqu'aux genoux, très agréable après toute cette marche et la chaleur ambiante.



Le soir, trop fatigués, nous avons préféré profiter de l'appartement, donc dîner à la maison à jouer, rire et papoter. Un peu de repos pour la dernière ligne droite !

Ce mercredi, c'était le départ de Cécile, nous n'étions plus que quatre pour cette dernière journée tranquille avec deux visites sympathiques. Le première est la Igreja de Sao Vicente de Fora, un ancien monastère dédié à Saint Vincent depuis le 12e siècle. Évidemment dévastée par le séisme de 1755, il fut restauré au fil des années et abrite une énorme collection d'azulejos sur les fables de la Fontaine, mais surtout la nécropole des rois du Portugal de la dynastie Bragance, de Jean IV au 17e siècle à Manuel II début 20e siècle.









La nécropole est d'une étonnante simplicité, il ne s'agit que de tombeaux très sobres, épurés, les uns à côté des autres dans une salle, avec juste au centre les tombeaux de la reine Amélie d'Orléans, décédée en France en 1951, et son fils Manuel II, dernier roi du Portugal, décédé en 1932 en banlieue de Londres, sans oublier Carlos 1e et l'infant Louis-Philippe. A noter que la reine Maria-Pia de Savoie repose à Turin où elle a fini sa vie après l'exil de la famille royale en 1910.

Encore une fois, les lieux étaient presque vides, on devinait aisément le repos des moines en ces lieux. Le coin musée dispose d'une belle collection d'objets liturgiques et les azulejos sur les fables de La Fontaine sont étonnantes, davantage en ces lieux.

Igreja Sao Vicente da Fora
Largo de Sao Vicente
10h-18h du mardi au dimanche
5€ (gratuit avec la Lisboa Card)

La dernière visite de notre séjour a été pour moi une petite déception. Mon guide présentait le Museu Nacional de Arte Antiga comme un incontournable de la ville avec des collections exceptionnelles à couper le souffle.
Non.
Bien sûr, le musée reste très intéressant mais à l'étage des arts décoratifs, les porcelaines Ming côtoyait des arts orientaux, sans parler de la faïence et des paravents asiatiques. Si la peinture est agréable, on notera que la peinture portugaise se représente quasi exclusivement en peinture religieuse, avec des bébés Jésus pas toujours très réussi. Le musée est immense certes, mais je ne le trouve pas indispensable, sauf si vous adorez les musées.





Museu Nacional de Arte Antiga
Rua das Janelas Verdes
10-18h du mardi au dimanche
6€ (gratuit avec la Lisboa Card)

Pour le goûter, nous avons joué la carte du touriste pur, à la Confeitaria Nacional, salon de thé-pâtisserie ouverte depuis 1829, au charme très agréable. En général, ce genre d'endroit profite des touristes pour gonfler ses prix. Là, pas du tout, les gâteaux sont environ à 2-3€ et les boissons dans la même gamme de prix. 



Mais le clou du séjour se passa le soir. Nous avions prévu d'aller boire un verre avant d'aller dans un restaurant en centre-ville. Le Pensao Amor est une ancienne maison close reconvertie en bar, avec des salles aux tentures rouge, des miroirs et des dessins d'ébats amoureux, une atmosphère sensuelle et un peu coquine. Quand on s'enfonce dans les salles, on découvre une librairie de littérature érotique et aussi un petit magasin de lingerie et objets coquins. Un endroit vraiment atypique, il faut l'avouer. Mais quand la serveuse nous a annoncés qu'il y aurait un show burlesque ce soir, au diable le restaurant en centre-ville, on devait voir ça ! Surtout que pendant notre apéritif, on pouvait assister aux répétitions de la maîtresse de cérémonie.

Vite vite, manger dans le quartier. Nous avons déniché un Irish Pub sympathique pour déguster un fish & ships copieux, ainsi qu'une bière. Je n'ai pas noté l'adresse exacte mais ce n'était pas non plus l'endroit du siècle. A notre retour, il y avait déjà foule pour voir le spectacle. Nous avons bu un coup pour vite se diriger vers la scène. Comme nous partions le lendemain matin, pas question de rentrer trop tard mais nous avons assisté à la première partie avec la maîtresse de cérémonie et trois show-girls aux atmosphères différentes : la première se la jouait veuve joyeuse tout de noir, la seconde dans un monde circassien, et la troisième en jolie poupée aux allures 19e siècle.



C'est vraiment un endroit surréaliste ! Alors les cocktails sont un peu plus chers qu'ailleurs, mais on paie aussi l'ambiance et la décoration. Et quand on vit à Paris, c'est toujours moins cher … Pensao Amor Rua Nova do Carvalho 36.

Le jeudi matin, dernier petit-déjeuner à l'appartement et dernières choses à mettre en sac avant le départ. Pour ne pas nous embêter à marcher jusqu'au métro pour prendre les transports, on a joué nos stars en commandant un Uber. Disponible en 3min, 10€ pour 4 personnes, c'était royal et nous sommes arrivés largement en avance à l'aéroport pour passer les contrôles tranquillement et manger. Nous étions dans le second terminal de l'aéroport, dans le coin low cost … et ça se voit : peu de magasins et de places, et pour manger il y a une sandwicherie et un McDonalds, qui fut le dernier repas sur le territoire. Le retour s'est effectué aussi avec Transavia, où nous avons eu un retard car une hôtesse a passé 30min a scruté tous les bagages pour déterminer s'ils pouvaient potentiellement aller en soute ou non … Enfin une fois installés, je me suis endormie et puis le retour à Paris. Cela faisait un choc.


Sans la grosse frayeur le premier jour, j'aurais apprécié encore plus. Mais j'ai aimé cette ville, cette douceur de vivre, cette gentillesse des gens et le coût de la vie si bas. Après des années dans les pays du Nord, je ne savais pas à quoi m'attendre, et je n'ai vraiment pas été déçue. J'y retournerais, c'est certain …  

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