Une initiative du
tonnerre (expression à l'ancienne, fille des années 80) a été
lancée entre le Ministère de la Défense et le Centre des Monuments
Nationaux : organiser des visites guidées deux fois par mois de
l'Hôtel de Brienne, siège dudit ministère. Bonne nouvelle, car à
part pendant les Journées du Patrimoine, impossible d'entrer dans
les locaux du gouvernement. Et, il faut l'avouer, pénetrer dans des
hôtels particuliers parisiens, c'est ma petite passion ! Donc,
on repart pour le 18e siècle, on va aussi croiser les Bonaparte,
Georges Clemenceau et même Charles de Gaulle pour une riche visite,
et en prendre pleins les yeux ! Alors, suivez moi …
Je tiens à le dire de
suite : je ne parlerais pas de politique actuelle ici. Ce n'est
ni l'objet de l'article ni celui de la visite. On va parler surtout
Histoire et patrimoine, pour ne pas changer. Voilà, maintenant, on
peut commencer. Depuis la mi-janvier, deux fois par mois, l'Hôtel de
Brienne, actuel lieu du Ministère de la Défense, ouvre ses portes
aux visiteurs pour une visite guidée des lieux. Forcément, ça m'a
parlée, ainsi qu'à mon amie Emma de Vague Culturelle, et ni une ni
deux, nous avons réservé nos places à la visite pour le samedi 11
février.
L'histoire de
l'hôtel particulier
Alors qu'au 17e siècle,
la tendance est de construire un hôtel particulier dans l'actuel
quartier du Marais, non loin de la place Royale (aujourd'hui, place
des Vosges) pour se trouver à proximité du Palais du Louvre et du
Palais Royal. Mais quand Louis XIV s'installe définitivement
à Versailles en 1682, il faut avoir une route pour se rendre
directement dans la demeure royale. Alors, côté rive droite, on
construit vers le faubourg Saint-Honoré (comme l'hôtel de Charost),
et côté rive gauche vers le faubourg saint Jacques. De ce côté-ci,
les rues Saint-Dominique, de Grenelle et de Varenne sont le viviers
des ministères et des ambassades dans de magnifiques hôtels
particuliers du 18e siècle.
Plan de Paris de 1739, par Louis Bretez et Claude Lucas (Harvard Library) L'hôtel de Brienne se trouve en bas à gauche, "hôtel de Conty"" |
Avec la Révolution,
Louis a été guillotiné le 10 mai 1794, en même
temps que Madame Élisabeth, sœur de Louis XVI, et
Etienne-Charles a été arrêté, mais meurt d'une crise
d'apoplexie le 19 février 1794. L'hôtel est bien sûr
confisqué, rendu à la comtesse après la chute de Robespierre,
puis revendu. Puis en 1802, Lucien
Bonaparte, frère de Napoléon Bonaparte, achète
l'hôtel et le décor dans le style de l'époque, y dessine ses
propres meubles, mais n'y vit que deux années. En 1804,
disgracié par son frère, il est obligé de le vendre à sa mère,
Laetizia Bonaparte, dit « Madame
Mère ». Pourquoi disgracié ? Oh, il a épousé une femme
dont il était amoureux, sans le consentement de Napoléon,
quelle idée … Donc Madame Mère continue la décoration dans le
style dit Empire, puisque fin 1804, nous sommes sous le Premier
Empire, jusqu'en 1815 où elle se casse car son fils part en
exil et il en va de même pour tous les Bonaparte.
A partir de la
Restauration, l'hôtel de Brienne devient la résidence du ministre
de la Guerre, puis celui de la Défense (terminologie différente
depuis la Seconde Guerre Mondiale, cela fait moins bourrin je pense,
plus diplomatique). Georges Clemenceau
y vécut, et a organisé la victoire française de 1918. On peut
signaler la présence du général Charles
de Gaulle, secrétaire d'État à la guerre en juin 1940,
puis comme chef du gouvernement provisoire du 25 août 1944 au
26 janvier 1946. Aujourd'hui, les différentes infrastructures
du ministère de la Défense sont regroupées à Balard (dans le 15e
arrondissement) mais le ministre de la Défense a toujours son bureau
à l'hôtel de Brienne.
La visite de l'hôtel particulier
Avant de rentrer, il faut
montrer patte blanche : son billet (réservation obligatoire),
sa carte d'identité, contrôle à l'entrée, et le guide fait même
l'appel, sait on jamais. Après tout cela, nous voici dans la cour de
l'hôtel particulier, et l'on se sent un peu privilégié, il faut
bien l'admettre. Le guide nous fait un rapide historique des lieux,
et enfin, nous entrons dans l'hôtel particulier. Le hall est
majestueux avec et on peut voir une arcade, ancienne porte menant à
un salon, aujourd'hui muré. Le rez-de-chaussée ne se visite pas car
s'y trouve le bureau du ministre et sans doute de quelques uns de ses
collaborateurs, secret défense (ou alors Jean-Yves Le Drian joue
à Dance Dance Révolution dans son bureau et refuse de ranger son
tapis de danse). Alors direction l'immense escalier d'époque,
absolument magnifique avec les la balustrade en fer forgé. Le guide
nous a fait imaginer Napoléon 1e montant les escaliers à
toute allure pour voir sa maman, et parler politique familiale.
D'ailleurs, une copie du tableau de Napoléon
Bonaparte au col Saint Bernard nous attend, rappelant la
présence des Bonaparte dans ses lieux.
Le mobilier des
différentes pièces proviennent du Mobilier National, sans forcément
de rapport avec la décoration d'époque. Aux murs, des portraits de
militaires, qui n'ont pas forcément passé la porte de l'hôtel,
mais cela est fait pour rappeler la portée militaire des lieux. J'ai
particulièrement adoré le salon demi-ovale, tout en doré, avec de
magnifiques cheminées, et un mobilier de style empire très chic,
avec vue sur le jardin privé du ministère. Jardin où il y avait
une porte côté de la rue de l'Université appelée « porte
des amours » où arrivaient discrètement les maîtresses, ou
filles d'un soir, des propriétaires des lieux. D'ailleurs dans la
jardin, un énorme marronnier impressionne par sa taille. Il y a de
quoi, il est tricentenaire ! Et durant l'Occupation, il
s'agissait d'un lieu de rendez-vous pour les résistants, car l'hôtel
n'a pas été occupé par les nazis.
Le guide a insisté pour
faire sa visite dans un ordre chronologique, donc l'avant-dernière
pièce concerne celle de Georges Clemenceau.
Restaurée en 2014 par le ministre Jean-Yves Le Drian, la pièce
retrouve son atmosphère et son décor de début de siècle, avec les
bureaux de Clemenceau : le principal et son double cartonnier.
Ce double cartonnier, entièrement démontable (Ikea d'Empire), est
appelé Daru, du nom du secrétaire général de la guerre sous
l'Empire, a été témoin de la bataille de Moscou en 1812, et
a été ramené en France. Un bureau voyageur, toute une histoire !
Dans des vitrines, on peut aussi admirer quelques effets de
Clemenceau, sa bibliothèque, des reproductions de cartes …
tout cela donne une belle atmosphère à la salle, avec un goût
d'histoire
La visite s'achève dans
le bureau qu'occupait Charles de Gaulle.
Ce dernier n'est pas dans l'état exact, mais il donne une certaine
idée de l'esprit De Gaulle, avec quelques effets dans la
bibliothèque, mais surtout des documents de Napoléon
1e, le grand stalkeur du jour. On y aperçoit un portrait
du Maréchal Ney, maréchal d'empire, vêtu d'une fourrure
offerte par le tsar de Russie, la base.
La visite a duré environ
2 heures, notre guide était drôle, très pointilleux sur les
techniques, les artistes mais aussi drôle et avec bons nombres
d'anecdotes. Non seulement, on en prend pleins les yeux mais aussi
plein la tête. Je conseille vraiment, si vous ne savez pas quoi
faire un samedi matin. Pour l'instant, les visites s'arrêtent au 29
avril, avec les élections présidentielles, mais elles valent le
coup. Réservez vite s'il reste de la place !
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