mardi 5 septembre 2017

5 septembre 1725 : Mariage de Louis XV et de Marie Leszczynska

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Oh, un mariage royal sur le blog, ça faisait longtemps (non). A la fois politique mais sincère, une union improbable mais finalement bien accordée, Louis XV et Marie Leszczynska n'auraient jamais dû se marier. Le roi d'un royaume puissant et la princesse sans royaume, quelle idée ! Et pourtant … Allons à la noce dans nos plus beaux atours, après nous, ici c'est Versailles (enfin Fontainebleau) !


Le jeune roi Louis XV se marie, cela mérite une grande fête et de grandes réjouissances. Mais qui est cette jeune femme au nom prononçable ? Où est passée la petite fiancée espagnole ? Beaucoup de questions et d'histoire, faisons bref pour une remise en contexte. Louis XV, arrière-petit-fils de Louis XIV, devient roi le 1e septembre 1715. Trop jeune, cinq ans, la Régence s'organise jusqu'à sa majorité en 1723 et c'est son cousin, Philippe II d'Orléans, qui régit le royaume. Et en tant que Régent, il cherche à marier son souverain. Et, depuis que vous suivez le blog, tout mariage est politique, que ce soit pour apaiser les tensions, sceller un traité de paix, par stratégie familiale … même les mariages d'amour ont un fond politique ! Après une guerre contre l'Espagne en 1719-1720, le Régent décide de fiancer le petit Louis XV à Marie-Anne-Victoire d'Espagne, fille du roi Philippe V d'Espagne, lui-même oncle de Louis XV. On va être clair : en famille, ce n'est pas sale, surtout à l'époque. Après tout, les familles royales ne sont pas si nombreuses donc forcément toutes connectées, tout le monde est cousin, il ne faut pas s'offusquer. Bref, les fiançailles sont célébrées et comme le veut la tradition, la fiancée vient à la Cour parfaire son éducation. Louis XV a onze ans et Marie-Anne-Victoire trois ans.

Mais pourquoi n'est-elle pas devenue reine alors ? La politique, encore et toujours. Le Régent meurt le 2 décembre 1723, quelques mois après la majorité du roi, et le nouveau ministre, le duc de Bourbon, aime défaire ce que son prédécesseur (et ennemi) a fait. Et comme il manque de crédit auprès du souverain, qui lui préfère le cardinal de Fleury, il espère que la future reine soit plus malléable. De plus la santé du roi est fragile, il faut qu'il se marie vite et que la future reine soit apte à faire rapidement des enfants. La petite Marie-Anne-Victoire d'Espagne n'est encore qu'une enfant, cela ne peut aller, et les fiançailles sont rompues début 1725.

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Louis XV, roi de France et de Navarre, par Jean-Baptiste Van Loo, vers 1723 (
Château de Versailles)
Il faut trouver une jeune femme avec des critères simples : famille royale, en âge de faire un enfant, catholique. Autant dire qu'il n'y en a pas beaucoup, et après avoir repris la liste plusieurs fois, on s'accorde sur Marie Leszczynska, fille du roi déchu de Pologne, Stanislas Leszczynski. Je vous en avais parlé dans un précédent article, il est élu roi de Pologne avec l'aide du roi Charles XII de Suède en 1704, et est renversé en 1709, et après avoir vécu en Suède, la famille se retranche en Lorraine à partir de 1718 en vivant sans faste. La famille mise tout sur la jeune Marie, qui doit épouser le duc de Bourbon, ce qui était déjà inespéré pour eux. Marie Leszczynska est une jolie femme catholique de vingt-deux ans (Louis en a quinze) « le teint beau, coloré, l'eau fraîche et quelques fois l'eau de neige faisant tout son fard […] elle parle allemand, fort bien français, sans accent […] elle a l'esprit souple … » mais d'une famille détrônée et désargentée. Politiquement parlant, c'est un peu nul, et en France, on se moque de ce bas mariage. En Lorraine, la famille ne s'attendait pas à une telle ascension, Stanislas tombe à genoux devant sa famille, lettres en main venant de France « Vous êtes reine de France ! »

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Marie Leszczynska, reine de France, par Jean-Baptiste Van Loo, 1725 (Château de Versailles)
La mariage s'organise en deux temps comme le veut la tradition. Un premier mariage par procuration (histoire de faire le voyage tranquille) puis la cérémonie à la Cour. A la demande de Marie, la première cérémonie se déroule le 15 août 1725, car le jour de la Vierge. La cathédrale de Strasbourg accueille ce mariage par procuration devant le cardinal de Rohan, évêque de Strasbourg et Grand Aumônier de France. Marie Leszczynska (ou Leczinska pour le franciser) était une belle mariée dans sa robe de brocart d'argent, sertie de diamants et semée de roses de soie, remontant l'allée au bras de son père, avant de s'agenouiller sur l'estrade cramoisie avec des fleurs de lys, face à l'autel et à côté de son mari par procuration, Louis d'Orléans, fils du Régent et cousin du roi. Comme souvent après une cérémonie, un grand banquet est servi au palais du gouverneur, et même feux d’artifices, bals populaires où l'on pouvait entendre « Vive le Roi ! Vive la Reine ! ».

Le lendemain, le 16 août, il est temps de partir pour Paris mais une future reine ne peut pas tracer façon Fast&Furious sur les routes chaotiques de France, encore moins avec tous ses carrosses pour sa suite, les malles, la vaisselle … Plusieurs arrêts sont prévus, notamment à Metz ou encore Châlons en Champagne en grande pompe. Si seulement la pluie n'était pas au rendez vous … Cela devient à un point où on est obligé de décharger la vaisselle dans une grange pour que les dames de compagnie puissent avoir un carrosse, au grand amusement de Marie.

Pendant ce temps, Louis XV attend à Fontainebleau, il veut voir cette jeune femme avec qui il allait se marier. Le portrait lui avait plu et quand il sait qu'elle se trouvait à quelques kilomètres, il partit au devant d'elle. Comme par miracle, il avait cessé de pleuvoir, un arc-en-ciel se trouvait au-dessus d'eux tandis qu'ils descendaient de leurs carrosses respectifs et Marie se précipite vers lui pour se mettre à ses pieds mais le souverain la relève et l’étreint devant une foule qui les acclame. Louis XV, réputé taciturne et renfermé, se montre joyeux et chaleureux et fait monter sa promise dans son carrosse jusqu'au château de Fontainebleau pour le mariage.

Ce mercredi 5 septembre 1725, c'est le grand jour. Marie Leszczynska est prise en main pour se préparer à la cérémonie. Pendant trois heures, on lui met du rose aux joues, on fixe ses cheveux, on place la couronne fermée de diamants surmontée de fleurs de lys sur sa tête, et on l'habille. Quel raffinement : une jupe de velours violet, brodée d'hermine avec fleurs de lys en or, un corsage couvert de pierreries aux manches agrafées de diamants, et enfin sur ses épaules, le grand (et lourd ! ) manteau d'hermine. C'est du style de mariée.
Pendant ce temps, Louis XV s'impatiente dans l'antichambre. Lui est tout d'or des pieds à la tête avec un gros diamant sur son chapeau à plumes blanches, et bien sûr, le manteau d'hermine. Enfin, le cortège royal s'avance, traverse la galerie François 1e vers la chapelle de la Trinité. Tout le monde est sur son 31, à qui serait en plus grand apparat et bling-bling. Viennent d'abord les grands dignitaires, puis le roi, la reine avec le duc de Bourbon à son bras (en remplacement de Stanislas, pas au mariage) et dont le manteau est portées par trois princesses de sang accompagnées de deux seigneurs chacune (pour vous dire la lourdeur).

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L'Auguste Cérémonie du mariage de Louis XV, Roi de France et de Navarre avec Marie Leczinski,
princesse de Pologne faite par Mgr le Cardinal de Rohan Prince du S.t Empire, Archevêque de Strasbourg
le 5 septembre 1725 (Gallica, BNF)
La chapelle est tendue de velours bleu aux armes de la France avec bancs et estrades recouverts de velours violet fleurdelisé, rappel de la jupe de la mariée, top de la classe ! Toute la Cour est bien sûr là, sans oublier les ambassadeurs étrangers. Louis et Marie s'agenouillent devant l'estrade et la bénédiction est donnée encore une fois par le cardinal de Rohan, assisté de deux évêques. Les mariés échangent les anneaux et embrassent le vieil Évangéliaire enluminé. Un mariage traditionnel jusqu'au bout, car dans les cierges des mariages se cachaient 25 louis d'or que l'on donne bien sûr au cardinal. Après la signature au registre paroissial, les mariés se retirent au son du Te Deum. Marie peut retirer son manteau d'hermine, pesant sur ses épaules au point qu'elle a presque fait un malaise.

Mais ce n'est pas terminé ! Le midi, un dîner (oui, c'est le terme à l'époque) au grand couvert est organisé pour Marie avec les princesses pour ouvrir sa corbeille. Un peu une arnaque d'ailleurs car la plupart des bijoux qu'elle reçoit, elle les remet aux dames de sa Maison, mais la jeune femme a un mot sincère à cet instant « C'est la première fois de ma vie que j'ai pu faire des présents ». Puis c'est le retour des festivités avec des divertissements avec du Molière puisqu'on présente Amphitryon et le Médecin malgré lui, avant un souper en musique. Il devait y avoir un feu d'artifice mais le mauvais temps gâta tout. Au grand plaisir de Louis XV qui avait hâte de se retrouver seul avec son épouse. Le souverain fit la cérémonie du coucher avant de se faire escorter par le duc de Bourbon, duc de Mortemart et le marquis de La Rochefoucauld jusqu'à la chambre nuptiale où Marie l'attendait déjà.

Alors, cette première nuit ? D'après le marquis de Villars « Ils montrèrent l'un envers l'autre une vraie satisfaction de jeunes mariés » Mieux, le duc de Bourbon écrit à Stanislas Leszczynski que Marie a reçu « sept preuves de tendresse ». Bon au moins c'était une nuit agitée ! Plus amusant, les nuits suivantes sont similaires au point que le cardinal de Fleury demande au roi des « nuits de jeûne » pour se reposer, ce à quoi Marie a répondu « si l'on voulait un dauphin, il fallait prendre les moyens. »


Les époux s'apprécient et de leur union naît dix enfants, huit filles et deux garçons ! Après une grossesse à risque, Marie ferme la porte conjugale, de peur que le prochain enfant ne la perde. Si Louis XV a commencé à avoir discrètement une relation avec Louise Julie de Mailly-Nesle en 1733, elle devient favorite à partir de 1738, et l'on connaît le bal des favorites, dont Madame de Pompadour … Oh, peut être vous voulez savoir ce qu'est devenue Marie-Anne-Victoire d'Espagne ? Oh, après être retournée en Espagne, elle finit par épouser un autre roi, Joseph 1e du Portugal, devint régente à la mort de son époux. Ah, les mariages et les alliances, ça va, ça vient …

1 commentaire:

  1. Un couple atypique mais attachant ! J'ai beaucoup de tendresse pour eux, je ne sais pas pourquoi... peut-être parce que le tout jeune Louis XV a su se montrer aimant et attentif, à l'opposé de ce qu'on a pu dire de lui par la suite. ;) Et Marie Leszczynska est l'une des reines de France les plus attachantes, je trouve.

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