jeudi 28 janvier 2016

28 janvier 1393 : Le bal des Ardents



Une drôle d'idée, une farce stupide qui tourne au tragique, à la mort, ça arrive, surtout en Histoire. T le roi Charles VI prouve qu'on porter la couronne et ne pas être épargné par ce genre d’événements. Pourtant tout se passait bien à la base, une grande fête, tout le monde dans ses plus belles tenues, un événement de Cour en cette fin de quatorzième siècle. Que s'est-il passé vraiment ? C'est ce que nous allons voir …


Pour se remettre dans le contexte, cela fait maintenant presque treize ans que Charles VI, fils de Charles V le Sage, règne sur le royaume de France. Il se retrouve en pleine guerre contre l'Angleterre, la fameuse Guerre de Cent ans, qui ne s'achèvera qu'au règne suivant, en 1453, au terme de nombreuses batailles, comme celle d'Azincourt en 1415. Le souverain a 24 ans, marié à la princesse Isabeau de Bavière avec qui il a eu déjà 5 enfants, et au moment de cette journée, la reine est encore enceinte de trois mois. Si son début de règne s'avéra relativement tranquille, le guerre civile entre Armagnacs, parti de son frère Louis 1e d'Orléans, et les Bourguignons, s'intensifie, au point de créer de véritable problèmes diplomatiques. Mais ce n'est pas le sujet du jour, revenons à nos moutons avec ce drame.

La journée commençait pourtant si bien. En ce 28 janvier 1393, a l’hôtel Saint-Pol – demeure du couple royal en plein cœur de Paris – on célébrait les noces ! Catherine de Fastavarin, deux fois veuve, et confidente de la reine qu'elle avait suivi en France, se remariait une troisième fois avec l chevalier de Vermandois, membre de la Maison du Roi. Ce fut donc tout naturellement que le roi Charles organisa la noce en sa demeure, en gage d'amitié. Charles VI, après sa première crise de folie quelques mois plus tôt dans la forêt du Mans, se trouvait en pleine possession de ses moyens et voulait profiter des festivités.
Gravure : Bal des Ardents, Matthäus Merian the Elder (1710)

Après les somptueuses noces et un grand banquet, on ouvrit le bal. Certaines grandes personnalités, comme le duc de Bourgogne, n'y assista pas. Des proches du roi eurent l'idée saugrenue de se déguiser en sauvages, avec des tenues de lin recouvertes de poix. Un divertissement qui plut immédiatement au souverain, et il voulut en être. Même avec toute sa tête, on ne pouvait pas dire que Charles VI fut le plus futé des souverains. Parmi ces hommes se trouvaient l'écuyer d'honneur du roi, Hugonin de Guisay, Jean III comte de Joigny, Yvain de Foix (fils bâtard de Gaston Phoebus), Ogier de Nantouillet et Charles de Poitiers, autant dire pas les pouilleux du coin ! Les six hommes s’éclipsèrent pour endosser leurs cotes de lin cousus sur eux par des valets, et on on installe la poix et les poils pour donner un air hirsute à ces jeunes gens habituellement bien distingués. Voici la fine fleur de la Cour sous les traits de sauvages a la gueule noircie. Seulement voila, le lin et la poix sont hautement inflammables ... Vous la sentez venir, la tragédie ? Le roi exigea de faire reculer les porte-torches et même d'en éteindre certaines. Les voici sortir de la pénombre, six affreux sauvageons, sautant dans la foule, à hurler comme des loups, faire des gestes obscènes, « lutinant des dames » comme dirait Georges Bordonove sous le regard amusé de l'assemblée qui se prêtait au jeu.

Jusque la, à part un divertissement d'un goût douteux, tout se passait à merveille. Mais voici que le frère du roi, Louis d'Orléans, entra dans la pièce obscure et se demanda ce qu'il se passait. Il prit une torche et l'approcha d'un des hommes qui s'enflamma aussitôt ! Seulement voilà, les cinq jeunes gens s'étaient attachés les uns aux autres, seul le roi demeurait libre, et le feu se propagea à grande vitesse. On assistait là à de véritables torches humaines, avec cris et odeur de chair cramée incluses. Le roi aussi prenait feu et alors qu'on arrivait pas à éteindre les pauvres hommes, il fallait sauver Charles ! Ce fut la jeune Jeanne de Boulogne, duchesse de Berry, sa tante, qui eut la présence d'esprit de soulever sa lourde traîne et la jeter sur le souverain. Comme dirait le chroniqueur Jean Froissart « Elle l'a bien bouté dessous sa gonne ». Sur les cinq autres, Joigny mourut sur le coup asphyxié, Nantouillet se jeta dans une cuve à vaisselle. Quant aux trois autres, la poix fondue sur la peau continuèrent leur agonie durant trois jours, où les médecins tentèrent de calmer la douleur en les badigeonnant de miel, de feuilles de péta-site et nettoyés avec une décoction de millepertuis.
Illustration du Bal des Ardents dans les Chroniques de Jean Froissart par le Maître d'Antoine de Bourgogne

Tout se finit bien pour Charles VI malgré tout, mais d'autres soucis viennent : la rumeur court que le roi est mort et que son frère l'a fait assassiné, avec la complicité de la reine enceinte, Isabeau. Les ducs de Bourgogne et Berry, absents de la fête, quittèrent leurs hôtels pour courir au palais. Le peuple parisien se souleva contre les deux régents soit-disant régicides. Pour calmer la colère, il fallut que le roi se montre le lendemain à neuf heures, avec sa femme son frère et ses oncles, pour une procession jusqu'à la cathédrale Notre-Dame.


Est ce que cet incident eut un effet sur la folie du roi ? Apparemment non, puisque sa nouvelle crise de démence à l'été, mais entre temps il avait tenu conseil, négocié avec les anglais et participé aux festivités, avant d'à nouveau sombrer et laisser le pouvoir entre les mains de son épouse et de son frère. Quelle triste noce tout de même, l'histoire ne dit ce qu'il advint de ce mariage, s'il fut heureux ou non, surtout après un tel présage ! Si quelqu'un le sait, qu'il me fasse signe !  

1 commentaire:

  1. Je me rappelle effectivement avoir lu des passages sur cet épisode dans mes livres d'Histoire. Assez impressionnant. Ces soirées déguisées étaient assez à la mode il me semble à l'époque. On voit aujourd'hui les séries historique s'en inspirer dans certains épisodes (Tudor, The white queen...). Merci pour cet article.

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