mercredi 20 janvier 2016

Exposition Florence : Portraits à la cour des Médicis

Portrait d'Eléonore de Tolède, par Bronzino (1543)

En ce moment je cours après les derniers jours d'exposition car je suis de ces personnes de dernière minute, on ne se refait pas. Et aujourd'hui, je vais vous parler d'une très jolie exposition au Musée Jacquemart André sur les portraits à la cour des Médicis avec de beaux tableaux d’époque Renaissance. Suivez moi, que je vous en dise davantage …
 


J’aime beaucoup les expositions du musée Jacquemart André, pas très longues, environ sept-huit petites salles, mais cela permet de cadrer un sujet précis, et ne pas faire une exposition fourre-tout. De plus, visiter l’hôtel particulier d’anciens collectionneurs rajoute du plaisir à cette visite. Je vous ferais un article sur le musée en lui-même une prochaine fois.  Après « Désirs et Voluptés à l’époque victorienne » et « De Watteau à Fragonard, les fêtes galantes », me voici de retour dans ce musée pour un tout nouveau sujet, sur le portrait à Florence sous le règne des Médicis.
Il faut avouer que j’attendais de me plonger dans l’ouvrage de Jacques Heers Le Clan des Médicis pour comprendre les rouages de Florence à cette époque. Autant dire que la simplicité, ils ne connaissaient pas ! Contrairement aux autres villes italiennes, Florence a longtemps refusé d’être gouverné par un tyran. Ses voisins Ferrarre et Milan sont tombés sous le pouvoir de la famille d’Este et Sforza par exemple. Non Florence résiste, préférant un gouvernement « populaire » (oui entre guillemets car il s’agissait souvent d’anciennes familles nobles ou grands bourgeois), la Seigneurie, et de nombreux conseils, prenant parfois un tyran pour mieux le renverser par la suite. Jusqu'au milieu du 15e siècle, autant dire que c'est un joyeux bordel où les factions se déchirent, et font exiler ou executer leurs ennemis, rasent leurs demeures et démontent les alliances.


Et les Médicis dans tout cela ? On ne sait pas vraiment quand ils arrivent a Florence et à part quelques rares traces dans les archives, enfin des mentions de leurs noms, ils n'apparaissent vraiment qu'à la fin du XVe siecle avec Giovanni di Bicci et son fils Côme. Plus usuriers/prêteurs sur gage que véritables banquiers, ils possèdent plusieurs comptoirs en Italie et quelques uns en Suisse ou dans le Saint Empire. Pour s'enrichir, ils utilisent la technique de l'époque : faire plusieurs prêts a un même particulier jusque ce que celui-ci mette en gage ses terres. Et souvent dans l'impossibilité de payer, les usuriers récupèrent un domaine. De fil en aiguille, plus les bonnes alliances politiques, les Médicis prennent progressivement de l'importance. La ville demande a Côme, un homme sage et intelligent, de prendre le pouvoir, mais est chassé par ses détracteurs, il revient triomphant en 1434. La "dynastie" Médicis se met en place pour quatre générations : Côme donc, puis son fils Pierre dit le Goutteux en raison de sa santé fragile et ses crises de goutte, Laurent connu sous le surnom du Magnifique et son fils, Pierre dit le Malchanceux, chassé de la ville en 1494. La famille ne pourra revenir qu'en 1512 pour pouvoir revenir à Florence mais il faudra attendre l'aide de l'empereur Charles Quint, dont les territoires lui appartiennent, pour asseoir a nouveau le pouvoir de la famille Médicis en 1530, trois ans après leur second exil. L'exposition commence dans ces temps troubles et violents, et s'étend durant toute la Renaissance, le siècle d'or de la famille.

La dame au voile, Ridolfo del Ghilandaio (1510-15)

Au travers des cinq premières salles, on peut voir l'évolution du portrait, des austères portraits sous la République de profil dans la première salle aux fastes des courtisans avec de nombreux détails et allégories, colorés et fastueux. Il est intéressant de voir l'évolution du portrait en raccord avec le retour des Médicis, connus pour leur faste et leurs dépenses pour les fêtes mais aussi pour les arts. Et lorsque Cosme 1e (différent du Côme de 1434) épouse une princesse espagnole, Éléonore de Tolède, celle-ci apporte un appui princier mais aussi la grandeur espagnole, donnant un nouvel essor a Florence. D'ailleurs, Cosme 1e est nommé Grand-duc de Toscane, contrairement à ses prédécesseurs qui ne possédaient aucun titre de noblesse, par l'empereur Charles Quint. On atteint là l'apogée du portrait de Cour, comme pouvait le faire par exemple François Clouet à la cour du roi de France Henri II quelques années plus tard.
Portrait de Cosme 1e de Médicis, par Bronzino (1560)

L'exposition le montre bien par ses salles chronologiques, en adéquation avec la politique médicéenne et le tournant se fait donc avec le portrait d'Eléonore de Tolède par Bronzino, d'ailleurs choisi comme vitrine de l'exposition sur les affiches (et ici en tête d'article), et l'on peut voir des portraits beaucoup plus fastueux et surtout beaucoup plus codifié. Dans les postures, les vêtements, le cadrage, le décor, tout est soigneusement en harmonie pour mettre en valeur. Bien loin des portraits au cadrage serré comme La dame au voile de Ghirlondaio, le peintre place des allégories et des objets pour comprendre le sujet peint.

Portrait d'une dame en rouge, par Bronzino (1525-30)
On voit bien par exemple de cette dame le caractère aristocratique de celle-ci, dans sa pose, ses bijoux, cette magnifique robe d'un rouge flamboyant, les livres derrière représentant la culture et le courant humaniste, sans oublier le petit épagneul, chien à la mode dans le grand monde et symbole de fidélité. On ne se trouve pas devant un simple tableau, mais une présentation de la personne peinte.

Quant aux deux dernières salles, elles se concentrent sur le courant maniériste mais aussi sur l'école florentine de peinture créée sous Cosme 1e de Médicis, et tout le courant artistique de la Renaissance, créant un renouveau, un nouveau à l'art, aux arts. La dernière salle se termine sur la fin du siècle et comment l'évolution du portrait est amené à évoluer, avec par exemple l'expansion des peintures d'enfants, mais aussi des portraits de Cour, les portraits royaux qui vont se codifier au fil des siècles.

J'ai beaucoup aimé cette exposition, linéaire, simple de compréhension, de beaux tableaux présentés, des explications sur certains portraits. Le seul point négatif serait la taille des pièces mais dans un hôtel particulier, difficile de pousser les meubles, peut être seulement pousser les groupes à la rigueur ...

Florence et les Médicis connurent une période riche durant tout le 16e siècle, et on peut le voir par la présence de trois papes, par les beaux mariages faits par les autres grands-ducs de Toscane: François 1e, fils de Cosme, épouse Jeanne d'Autriche, fille de l'empereur; Ferdinand 1e, son frère, épouse Christine de Lorraine ... Deux filles Médicis seront reines de France : Catherine, nièce du pape Léon X, épouse Henri II de France et ses trois fils seront les derniers rois de la dynastie Valois ; et Marie, fille du grand-duc François 1e, se marie avec Henri IV (ancien Henri de Navarre) et fonde avec lui la dynastie des Bourbons, qui perdure encore de nos jours. Le règne des Médicis s'achève avec Jean-Gaston de Médicis en 1737 puisqu'il n'a pas de postérité, pas plus que la dernière des Médicis, sa sœur Anne-Marie-Louise, qui fit don de toutes les collections d'art de la famille à la ville de Florence à la condition que rien ne soit vendu et que ce soit ouvert au public. Quant au titre du grand-duché de Toscane, il retourna dans la famille impériale Habsbourg.

Bref, je vous conseille cette exposition qui, malheureusement, se termine le 25 janvier. N'hésitez pas à vous y rendre, et à visiter au passage ce magnifique lieu, dont je vous ferais un article prochainement. Si vous l'avez vue, n'hésitez pas à donner votre point de vue.



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