lundi 6 juin 2016

Les Tours de La Rochelle, les phares-prisons de l'Atlantique



Je connaissais La Rochelle de nom sans jamais y avoir mis les pieds, et j'y ai passé deux jours merveilleux sous la soleil (sans doute le dernier depuis), à arpenter les rues et à m'extasier devant certains lieux. Dans ce premier article, je vais me focaliser sur le monument majeur de la ville – ou plutôt les, puisqu'il y en a trois –, que j'ai adoré visiter, sur le plan historique et architectural : les tours de La Rochelle, triomphantes sur le vieux port. De tours de résidence à phare ou prisons, ces trois tours ont une grande histoire à raconter. Suivez moi …


Juste après mon weekend à Bruxelles, je suis partie pour La Rochelle. Arrivée le dimanche soir, j'ai eu le temps d'une douche, de changer mes affaires du sac et dormir pour repartir le lundi matin. Mais là, point de vacances ou repos, je venais passer un concours de la fonction publique. Comme je pensais le concours le mardi matin, j'ai posé mon lundi et mardi. Pas de bol, ma convocation annonçait ça finalement mardi après midi, mais si j'ai perdu des jours de travail, j'ai gagné en heures de visite dans une jolie ville où j'aurais aimé en découvrir plus. Je vous ferais un autre article avec mes autres visites et une vision plus générale de mon court séjour à La Rochelle, mais j'aimerais parler d'abord de ces tours impressionnantes et très intéressantes.

Rares vestiges médiévaux de la ville, après le rasage des enceintes par le cardinal de Richelieu en 1628, elles témoignent l'importance du port de La Rochelle depuis le Moyen Âge. Deux d'entre elles furent transformées en prison, pour des Chouans durant la Révolution Française, elles ont aussi servi de cellules à des marins, notamment anglais, ou des militaires effrontés, avant de devenir d'êtres inscrits aux Monuments Historiques en 1879. Pour simplifier, je vais découper mes visite par tour, dans l'ordre que je les ai visitées. C'est parti !

La Tour de la Chaîne


Drôle de nom pour une tour mais elle s'explique facilement : on manœuvrait une chaîne depuis cette tour pour interdire l'accès au port, et on y percevait les taxes. Une logique imparable. C'est grosse tour ronde fut construite fin 14e siècle et a subit de nombreux travaux au fil du temps, pour la moderniser mais aussi pour la réparer. Si cette tour abritait le logis du capitaine et de sa famille, elle a aussi servi de poudrière, autant vous dire que ce n'était pas toujours de grande sûreté.





La nuit : un port au clair de lune, Joseph Vernet
C'est peut être la tour la plus « pauvre » en visite. Contrairement aux autres, elle n'a pas servi de prison et ne garde pas de trace sur les murs. Mais on y découvre une exposition permanente intéressante sur le débarquement en Nouvelle-France. Colonie française depuis 1534, elle s'étendait au Québec, Acadie, le Canada et la Louisiane, la plupart ont été vendu ou repris par les anglais. Le but était de peupler ces colonies et d'y établir des comptoirs de commerce. Mais voilà, la plupart des colons étaient des hommes, il fallait donc envoyer des femmes à marier pour agrandir la population, les fameuses Filles du Roi, la plupart envoyées sous Louis XIV entre 1663 et 1673. Âgées entre 15 et 30 ans, elles venaient souvent d'hospices ou d'orphelinats, voire des prostituées, et venaient en Nouvelle-France pour se marier, arrivant dans leur nouvelle terre avec une dot fournie par le roi. Et bien évidemment, elles partaient de La Rochelle.

Embarquement des filles de joie pour la Louisiane, 1726,  (Musée Carnavalet)

Carte de l'océan atlantique par Pierre de Vaulx, 1613  (Gallica)

La petite exposition était très intéressante et bien expliquée. Les panneaux peuvent parfois un peu rebuté les gens, qui préfèrent un peu d'animation souvent plus ludique, mais cela permet de comprendre l'importance de ces colonies françaises et surtout l'importance à l'époque.

La Tour de la Lanterne


Pour arriver à cette tour, il faut longer les anciens remparts et le port, et on comprend d'emblée que la tour de la Lanterne (appelée aussi la tour des Prêtres ou celle des Quatre Sergents) fut construite plus tardivement et n'avait pas du tout la même vocation ! En effet, celle-ci date de 1468 et servait principalement de phare et d'amer, donc pour guider les bateaux à arriver au port. Cette tour avait donc un rôle de guide et de surveillance.

Mais pourquoi la tour des Prêtres ? Vous vous souvenez sans doute des guerres de religions, la Saint-Barthélémy et le massacre des protestants. Ici, c'est plutôt l'inverse : La Rochelle est un bastion huguenot, et en 1568, on détruit les églises et poursuit les catholiques. Treize prêtres sont arrêtés puis enfermés dans la tour, avant d'être égorgés et jetés dans la mer. Ambiance. Et la tour des Quatre Sergents ? Cela remonte à la Restauration en 1822. Pour situer rapidement, Napoléon est définitivement exilé à Sainte-Hélène en 1815 et Louis XVIII (frère de Louis XVI) rétablit la monarchie sous le nom de Restauration. Seulement tout le monde ne semble pas d'accord, notamment le 45e régiment d'infanterie qui refuse de crier « Vive le Roi ». Pour éviter que cela ne se propage dans Paris, on délocalise le régiment à La Rochelle, mais ça ne se calme pas. Parmi eux, quatre jeunes sergents âgés de 20 à 26 ans veulent continuer le mouvement, voire même renverser la monarchie. Ils sont dénoncés et enfermés à la Tour de la Lanterne, puis sont jugés à Paris et guillotinés en place de Grève à Paris, le 21 septembre 1822.









Oui, il s'agit bien d'un jeu de dames gravé sur le sol ! 




Mais outre ces grands événements, la tour était une prison depuis le 16e siècle, elle fut notamment une prison de marins et corsaires à l'époque moderne, avant de devenir une prison militaire en 1820. On comprend mieux les nombreux graffitis gravés sur les murs, on en recense plus de 600 ! D'ailleurs dans la salle du dortoir au 3e étage comptait environ 100 détenus.

J'ai passé beaucoup de temps à examiner les graffitis, souvent de grande beauté et finement exécutés. Pour cause de travaux, certains étages supérieurs étaient très sombres, et comme j'étais seule à ces endroits, j'ai vraiment eu la trouille ! J'aurais bien voulu monter tout en haut, sur la galerie à presque 40m de haut mais c'était fermé, dommage il paraît que le point de vue est sensationnel.

La Tour Saint Nicolas


Construite au début du 14e siècle, les travaux sont interrompus car les anglais prennent La Rochelle durant la Guerre de Cent Ans. Lorsque le roi de France Charles V la reprend en 1372, les travaux reprennent et la tour cylindrique est achevée en 1376. Si ses fonctions sont défensives, elle sert aussi de résidence avec ses appartements et sa chapelle. Mais elle devient aussi une prison à l'époque moderne : des protestants entre 1682 et 1686 après la révocation de l’Édit de Nantes, mais aussi des Chouans durant la Révolution Française.

Malheureusement, arrivée à 17h à cette tour, j'ai dû la faire au pas de course pour essayer de voir un maximum. J'ai adoré l'ancienne chapelle sculptée, où l'on pouvait assister d'en bas, ou depuis l'énorme de salle du capitaine avec une ouverture vers ladite chapelle. Par contre le niveau 2 est un véritable labyrinthe tournant autour de la grande salle, et cela s'explique par un système ingénieux pour que les résidents et les gens d'armes n'aient pas à se rencontrer.













On y croise aussi quelques graffitis de prisonniers, toujours aussi intéressants à regarder, et j'ai adoré le chemin de ronde, où on peut apercevoir au loin le fort Boyard.

J'ai vraiment aimé visiter ces tours aux histoires passionnantes. Par contre, je préconise une bonne condition physique et/ou prendre son temps lors de la montée des (très) nombreuses marches. Vu que les trois tours sont un peu éloignées, notamment Saint Nicolas où il faut contourner le port pour s'y rendre, j'ai fait cette dernière un peu au pas de course avec la fermeture et j'ai fini un peu sur les rotules :) Je vous conseillerais donc de soi faire la visite en deux temps (matin et après midi, ou même lendemain car le billet est valable plusieurs jours d'après la billetterie) ou alors, comme moi, d'être ultra-motivée. J'étais ébahie par les graffitis des prisonniers sur les murs, de véritables chefs-d’œuvre selon moi. Comme j'y suis allée un lundi après midi, il n'y avait pas grand-monde, j'étais même toute seule dans la tour de la Lanterne (et j'ai bien eu peur dans les derniers étages sombres ! ), mais je me doute qu'avec la saison touristique, cela va être un peu un luxe !


On se retrouve bientôt pour parler du reste de la ville, je vous dis à très bientôt sur le blog !

4 commentaires:

  1. Oh je pensais pas que La rochelle était chargé d'histoire !
    En tout cas ça donne envie !

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    1. Parfois il y a des villes dont on ne soupçonne pas l'immense histoire qu'elle peut avoir !

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