vendredi 29 juillet 2016

29 juillet 1830 : Dernier jour des Trois Glorieuses, la Révolution de 1830


Quand on parle de Révolution en France, on se focalise surtout sur 1789. Les révolutions du 19e siècle sont souvent oubliées, méconnues et peu de gens savent qu'au cours d'un seul siècle, l'Histoire de France a connu deux empires, deux monarchies et deux républiques, entrecoupées par trois révolutions ! Aujourd'hui, je vous parle de la révolution de 1830, de ces trois jours qui ont fait basculer la monarchie pour … pour quoi d'ailleurs ? Et pour qui ? Cette révolution est un tour de force politique et je vais vous expliquer cette journée.


Avant de commencer, il faut faire un petit récapitulatif historique : en 1804, Napoléon Bonaparte, Premier Consul puis Consul à vie, fait un coup d’État et devient empereur. Jusqu'en 1814, c'est ce qu'on appelle le Premier Empire. Puis avec les différentes défaites, Napoléon abdique, fait ses adieux à Fontainebleau devant sa garde, puis part pour l'île d'Elbe … avant de revenir une dernière fois le 1e mars 1815, mais la bataille de Waterloo le perd définitivement et il est de nouveau exilé, à Sainte-Hélène cette fois, jusqu'à sa mort en 1821. De là, les Bourbons reviennent sur le trône.

Après la mort de Louis XVI et de son fils le petit Louis XVII, c'est le frère du roi, Louis de Provence, qui prend la couronne sous le nom de Louis XVIII. Ce dernier a le cul entre deux chaises : il a longtemps fait parti des ultras, des royalistes conservateurs à l'extrême, mais ne peut pas renier les acquis de la Révolution ni de l'Empire, tout cela se trouver dans la Charte, sorte de Constitution mettant en place une monarchie constitutionnelle. Malgré une certaine instabilité et des techniques peu catholiques, Louis XVIII arrive à mener une politique libérale et moderne. Mais quand il meurt en 1824, il n'a pas de descendant.

Charles X, roi de France, en costume de sacre, par François Gérard, 1825 (Musée Carnavalet)
C'est donc son autre frère (et donc celui de Louis XVI, hein), Charles d'Artois, qui devient roi sous le nom de Charles X. Alors lui ne fait rien dans la dentelle, il arrive avec ses gros sabots pour tout saboter. La Révolution ? Il s'en fout. Leurs acquis ? Il les éclabousse avec son carrosse ! D'ailleurs, en garçon très intelligent, il se fait sacrer à Reims comme ses ancêtres (sauf son frère Louis XVIII) et veut revenir à une monarchie absolue. Vous la sentez, la révolution, là ? Le type n'a rien compris, reste prisonnier des temps anciens et ne fait pas l'effort de comprendre son temps ni son peuple, entouré par des ultras comme lui qui lui montent le bourrichon. Après, on s'étonne de la mauvaise image des monarchies …

Voilà pour le petit résumé. Nous en sommes donc là en 1830. L'année d'avant, Charles X a renvoyé son ministre de centre-droit, un libéral, pour Jules de Polignac, un bon ultra qui sait bien entouré pour qu'il forme un gouvernement composé exclusivement de royalistes ultras. Ca commence mal, mais le gouvernement s'enfonce dans le pâté avec la dissolution de la Chambre des députés le 16 mai 1830, puisque les royalistes ultras y sont en minorités. D'ailleurs, ils ne sont pas aimés de grand monde, ni du peuple, ni de la presse. Une ordonnance convoque les collèges électoraux pour les 24 juin et 3 juillet. Mais le 31 mai, durant un bal donné par Louis-Philippe duc d'Orléans, on peut entendre des cris hostiles contre le roi et Polignac. Charles X fait savoir le 14 juin, qu'en cas d'hostilités il pourrait se passer de la Charte et « exercer librement et faire respecter les droits sacrés qui sont l'apanage de sa couronne » (paroles rapportées dans le Moniteur). Autant le dire, un coup de force est envisagé. D'ailleurs, les élections sont étrangement repoussées les 13 et 19 juillet.

Cette crise politique, doublée d'une crise économique depuis 1827, commence à chauffer les esprits. Pour détourner les regards sur un éventuel coup d’État et redorer son blason, Charles X a une idée : faire une diversion militaire en attaquant Alger, pour une sombre histoire de traite non payée par le Directoire pour le dey d'Alger. Sauf que personne ne comprend l'intérêt du projet et le Journal des débats résume bien les faits « Serait-il vrai qu'en désespoir de cause le ministère s'en fut remis à la marine et à l'armée du soin de lui ramener des les collèges électoraux la majorité qu'il à perdue à la Chambre des députés ? » C'est pourtant un succès, la ville d'Alger est prise le 5 juillet et le dey capitule. Sauf que la nouvelle arrive à Paris le 9 juillet, après la tenue de la plupart des élections, donc une influence assez minime, il y a assez peu d'enthousiasme populaire malgré les Te Deum sonnés et les défilés militaires.

Envoyer des dizaines de milliers d'hommes pour pas grand chose, ça craint quand même. Surtout que les élections mettent une sacrée déroute au gouvernement : il ne compte que 145 députés contre 274 opposants. Alors bon, autant faire un coup d’État ! Le 25 juillet, le roi suspend la liberté de la presse, dissout une nouvelle fois la Chambre pour organiser de nouvelles élections. Dés le lendemain, avec la publication de ces ordonnances dans la presse, les premières manifestations commencent, et des députés libéraux, organisent une première résistance. Le roi ? Oh lui, il part chasser à Rambouillet ce jour là, oklm.

Mais dés le 27 juillet, la révolte se confirme et tout le monde se soulève contre Charles X. Tout d'abord, les journaux bravent l'interdiction et sont publiés, la police vient fermer les imprimeries et les premières échauffourées commencent. Pendant que les députés libéraux, réunis chez Casimir Perier, se demandent ce qu'ils doivent faire, la rue monte ses premières barricades, notamment par des étudiants et des ouvriers. On envoie sur les soldats tout ce qu'on trouve sous la main : briques, pavés, pots de fleurs … ce qui compte, c'est de faire bien mal et d'attaquer. Et bien sûr, ça dégénère car les premiers coups de feu retentissent, et les premiers morts tombent. Il faut savoir qu'à la fin de cette première journée, la population reste divisée : on pense davantage à une émeute, et la plupart des gens veulent simplement le renvoi de Polignac et la création d'un nouveau gouvernement.

Le mercredi 28 juillet est une journée décisive, tout a basculé ce jour là. Ce qui n'était la veille qu'une émeute d'étudiants et quelques personnes touchées par la crise économique, devient une véritable insurrection. On voit des gens piller des armureries tout en gueulant La Marseillaise, Paris est jonchée de barricades dans le centre et l'est de la ville, les insurgés sont plus de 10.000. Le gouvernement s'enferme aux Tuileries, et le roi est toujours pépouze au château de Saint-Cloud. Marmont, chef de la 1e division militaire, envoie ce célèbre mot au roi « Ce n’est plus une émeute, c’est une révolution. Il est urgent que Votre Majesté décide des moyens de pacification. L’honneur de la couronne peut être encore sauvé. Demain peut-être il ne serait plus temps. » Et donc Charles X déclare Paris en état de siège. L'armée a donc les pleins pouvoirs mais ne compte que 8.000 hommes, dépouillés par la conquête d'Alger, des incendies en Normandie et à la frontière du Nord par crainte de troubles en Belgique. L'hôtel de Ville est pris par les insurgés et ils hissent le drapeau tricolore en haut du bâtiment. De leur côté, les députés cherchent des compromis avec Marmont pour un cessez le feu. Ce dernier, et Polignac, envoient des missives au roi : le premier pour demander un avis, le second pour conseiller de ne pas céder. Charles X choisit la meilleure solution (du moins selon son énorme ego) : il ne plie pas.

L'attaque des Tuileries le 29 juillet 1830 (Gallica)
On en vient à cette journée du 29 juillet, marquant le triomphe de l'insurrection. Durant la nuit, environ 5.000 barricades sont construites ! Les insurgés attaquent de toute part des soldats en minorité et incapables de tenir tête. Le peuple prend le Louvre, un homme s'assoit même sur le trône et s'écria « Oh la la ! Comme on s'enfonce sur ce siège ! » Mais fort heureusement, il y eut peu de dégradations, à part sur quelques portraits du souverain. A Saint-Cloud, Charles X finit enfin par renvoyer Polignac et confier à Casimir-Louis de Mortemart le soin de constituer un nouveau gouvernement. Mais il est déjà trop tard … Si la plupart ne voulaient pas forcément l'abdication du roi, ils sont forcés de constater que ces trois jours ont mis à mal la monarchie, mais la peur des républicains et d'un retour à 1792 accélère le mouvement. A sa tête, l'homme d'affaires Jacques Laffitte qui a une vision claire des choses : placer le duc d'Orléans Louis-Philippe à la tête du royaume, pour barrer la route aux bonapartistes, aux républicains, mais aussi aux Bourbons. La révolution de rue est terminée, ces trois jours ont changé la face de la monarchie et la fin des Bourbons sur le trône.

Et après ? Après de nombreuses négociations politiques, Louis-Philippe d'Orléans accepte de devenir lieutenant-général du royaume le lendemain, et arrive à Paris le 31 juillet. Cousin du roi, il est issu de la branche cadette des Bourbons, les Orléans, crée par Philippe Ie d'Orléans, fils de Louis XIII et frère de Louis XIV. Fils de Philippe-Egalité qui a voté la mort de Louis XVI, il fut un partisan de la Révolution avant d'être envoyé en exil avant de rentrer en France en 1814 après l'exil de Napoléon Ie.

Louis-Philippe, Duc d'Orléans, arrive à l'Hôtel de Ville de Paris, par Eloi Firmin Feron, 1836 (Château de Versailles)
Puis le 2 août 1830, Charles X abdique en faveur de son fils le duc d'Angoulême, devenu Louis XIX l'espace de quelques instants, et part en exil. Après l’Écosse et Prague, il s'installe à Gorz, en Autriche à l'époque. Il meurt du choléra en 1836 et est inhumé au couvent de Kostanjevica (actuelle Slovénie).


Pendant ce temps là, en France, une nouvelle monarchie constitutionnelle se met en place avec le nouvelle Charte de 1830 : la Monarchie de Juillet. Devenu Louis-Philippe Ie, il est déclaré « roi des français » (et non plus « de France ») le 9 août 1830, il va régner pendant 18 ans, avant d'être à son tour renversé par une autre révolution, en 1848. Mais ceci est une autre histoire !  


2 commentaires:

  1. Je suis nulle en généalogie et, du coup, je ne savais pas que Charles X était le frère de Louis XVI, pourtant je connais les 2 hommes !

    Je connais seulement de nom cette révolution mais c'est vrai qu'on parle plus de celle de 1789

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    1. Louis XVI, Louis XVIII et Charles X étaient frères :) sous Louis XVI, les deux étaient le comte de Provence et le comte d'Artois :)

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