vendredi 5 août 2016

Histoire de la Belgique (3) : L'hégémonie Habsbourg



On continue l'histoire de celui qu'on appelle le Plat Pays, et on avance dans le temps. Pour ceux qui ont oublié, je vous ré-explique cette série d'article : suite à la visite d'un pays, je décide de rédiger quelques billets pour vous faire découvrir son histoire, car aucune terre n'est vierge d'Histoire. Et pour commencer, j'ai décidé de faire sur l'histoire de la Belgique. Si le pays en lui-même, avec ce nom là et ces frontières, n'existent que depuis à peine 200 ans, les territoires ont vécu de drôles de choses. Aujourd'hui, on va du 16e au 18e siècle, c'est parti !


Après de l'Antiquité à l'an 1000, puis le Moyen Âge, on continue dans chronologie belge. On a donc laissé notre Belgique entre les mains des bourguignons, avant que la dernière héritière bourguignonne, Marie, ne se marie à Maximilien de Habsbourg, l'héritier du Saint-Empire. De la mort de Marie jusqu'à la fin du 18e siècle, la dynastie Habsbourg a main mise sur les territoires belges.

Maximilien, devenu Maximilien Ie du Saint-Empire, donne à son fils Philippe, autre enfant de Marie de Bourgogne, le titre de prince des Pays Bas. Né à Bruges en 1478, il est un homme ambitieux et se fait émanciper en 1494, il a donc 16 ans et décide de gouverner personnellement. Il veut respecter les particularismes de chaque province, tout en voulant construire une politique centralisée, aidée par la haute aristocratie. En tant qu'héritier, Philippe dit le Beau, doit faire un grand mariage : il épouse en 1496 Jeanne d'Aragon-Castille, fille des rois très catholiques Isabelle Ie de Castille et Ferdinand II d'Aragon. Entre temps, Jeanne devient l'héritière des deux couronnes de Castille et d'Aragon. Quand Isabelle Ie de Castille décède en 1504, son époux veut faire main mise sur les territoires mais Philippe le Beau veut intervenir, il s'agit de l'héritage de sa femme tout de même. Il arrive en Espagne en avril 1506 pour discuter avec son beau-père. Puis il meurt subitement le 25 septembre 1506 d'une fièvre typhoïde. Certains parlent de poisons mais on aime bien parler de poisons dans les morts subites … A partir de là, les territoires belges, dit les Pays Bas, et l'Espagne se retrouvent sous le sceau du même héritier : Charles Quint.

Belgique espagnole : les Habsbourg d'Espagne



Charles Quint, le dernier prince bourguignon

Tout comme son père, Charles est un prince bourguignon dans la tradition : il naît à Gand le 24 février 1500, il est l'aîné mâle des enfants de Philippe le Beau et Jeanne d'Aragon-Castille, et reçoit une éducation des meilleurs professeurs, on lui enseigne les principes de la diplomatie et à ne pas user de la force guerrière. Le pauvre enfant devient orphelin de père à 6 ans. Quant à sa mère, elle sombre dans la folie au décès de l'homme qu'elle aime par dessus tout. Déjà dotée de troubles mentaux avant cela, et enfermée par son époux dans leur palais de Bruxelles, son cas s'aggrave, d'où son nom de Jeanne la Folle. Elle va le voir tous les jours au monastère où il repose, fait ouvrir son cercueil et l'embrasse, refusant de la croire mort. Elle ne veut pas qu'on l'enterre et ne vit que la nuit, en compagnie du cercueil de Philippe qu'elle veille, et se fait interner au château de Tordesillas. Alors Charles grandit sous la tutelle de Marguerite d'Autriche. Veuve malheureuse (deux mariages de moins de 3 ans) mais riche, elle veille sur les enfants de son défunt frères, du moins sur quatre sur six : Eléonore, Charles, Isabelle, Marie.

Charles Quint, par Juan Pantoja de la Cruz, musée du Prado (Madrid)
Émancipé en 1515, Charles voit son destin basculé : Ferdinand II d'Aragon meurt en 1516 et le voici propulsé roi d'Espagne, sous le nom de Charles Ie. Puis en 1519, son autre grand-père Maximilien Ie du Saint-Empire meurt d'une indigestion de melon, il devient empereur sous le nom de Charles Quint. Autant dire, face à cet empire où « le soleil ne se couche jamais », les Pays Bas ne sont qu'une infime partie, mais il laisse en place sa tante Marguerite d'Autriche comme gouvernante des Pays Bas espagnols.

Femme instruite, elle sera notamment une grande diplomate avec la Paix des Dames en 1529, avec la mère de François Ie, Louise de Savoie, où le roi de France renonce à ses prétentions italiennes, surtout après Pavie, récupère la Bourgogne mais rend l'Artois et la Flandres à son rival. Grande mécène, elle accueille les grands écrivains et poètes à Malines, devenu le berceau de la Renaissance. Elle donne une nouvelle impulsion à la dynamique de la région. Mais elle décède de la gangrène le 1e décembre 1530. Charles Quint met donc sa sœur Marie comme gouvernante. Elle a reçu la même éducation que son frère, c'est donc une femme lettrée, intelligente, bonne musicienne et sensible aux beaux arts. Depuis sa naissance, elle est destinée à l'héritier de Hongrie et se marie à l'âge de 10 ans à Louis Jagellon, puis couronnée à 15 ans le 11 décembre 1521, mais l'union ne donne pas d'enfants. Louis II de Hongrie meurt en août 1526, à l'âge de 20 ans, durant une guerre contre les turcs et meurt noyé sous son cheval, c'est quand même con. Marie de Hongrie fuit et fait le serment de ne jamais se remarier. Si elle est une femme de poigne et intelligente, elle n'a aucun appui dans les Pays Bas, lorsqu'elle y arrive en 1531, et doit dépendre son frère, et d'un conseil de régence. C'est elle qui décide de s'installer à Bruxelles, comme l'a fait avant elle son lointain aïeul Philippe le Bon, au Coudenberg. La ville s'impose pour devenir la capitale avec le lieu de résidence du gouverneur mais par ses institutions politiques.

Grâce à ses institutions et à la diplomatie impériale, les Pays Bas espagnols, appelés aussi Dix Sept Province, retrouvent un âge d'or ! Tout d'abord au niveau agricole, avec des techniques modernes et performantes, pouvant exporter à travers l'Europe. L'industrie drapière s'éloigne de la dépendance anglaise, les laines sont désormais espagnoles, la qualité est moindre mais moins cher, et plus adapté au goût de l'époque. Mieux encore, Anvers, avec ses 100.000 habitants, devient une plaque tournante du commerce mondial avec l'importation des produits de luxe (livres, verre, diamants).

Comme cela était trop beau, paix et respect des territoires, il fallait bien une merde : ce sera la réforme protestante, crée par Luther et Calvin. Le premier trouve des fidèles dans le nord des territoire, notamment dans le comté de Hollande, tandis que Calvin s'étend au sud. Charles Quint met en place une lutte contre l'hérésie et François Vander Hulst accède au poste de Grand Inquisiteur. Seules les grandes villes commerçantes, comme Anvers, bénéficient d'une souplesse, pour cause économique. Il ne faut pas oublier que les provinces belges apportent beaucoup d'argent au trésor impérial par les impôts et les taxes ! Mais il ne faut pas oublier François Ie qui a un grand rôle là-dedans : juste pour emmerder son rival, il soutient les protestants, sale troll. Si l'empereur, accepte la tolérance religieuse dans l'Empire, il veut que les états espagnols (dont font partie les Pays Bas) restent catholiques. Mais s'il y n'y avait que la religion qui pose problème.

Portrait de Marie de Hongrie, par Hans Maler zu Schwaz (Coburg)
Seulement, quand on règne sur autant de territoires, on ne reste jamais au même endroit. Et en octobre 1539, une révolte éclate à Gand : en effet, les bourgeois se rebellent fiscalement, ils ne veulent pas payer les sommes fixées pour lutter contre les français. Charles Quint se trouve en Espagne et doit se rendre dans les Pays Bas. Par dépit, l'empereur demande l'autorisation à François Ie de passer, s'appuyant sur leur réconciliation par le Pape il y a peu. Charles espère passer vite. Il n'aime pas les mondanités (ni François Ie), il vient de perdre l'amour de sa vie, la princesse Isabelle du Portugal, et il est malade. Parti le 27 novembre de Saint-Jean-de-Luz, il ne quittera le territoire français que deux mois plus tard, après que son rival ne lui ait montré ses châteaux de la Loire, entre autre Chambord, mais aussi donné de grandes fêtes en son honneur, avant de lui faire visiter le clou du spectacle : le château de Fontainebleau. Épuisé et toujours malade, Charles Quint arrive enfin à Gand, et réprime violemment la révolte et les humilie : les révoltés sont en noir, tête et pieds nus, une corde de condamné autour du cou et contraints de s'agenouiller dans la poussière devant leur maître, puis une dizaine sont décapités.

C'est dans une fin de règne en demi-teinte que Charles Quint décide d'abdiquer en 1556, pour se retirer au monastère de Yuste, où sa sœur Marie de Hongrie le rejoint. L'empire qui ne se couche jamais est scindé en deux : son fils Philippe II hérite de la couronne d'Espagne, des Pays Bas et du royaume de Naples et Sicile, et son frère Ferdinand Ie comme roi des Romains, puis empereur du Saint-Empire Romain Germanique, roi de Hongrie et Bohème.

Philippe II, le tyrannique


Philippe, né à Vallaloïd en Espagne en 1527, est le premier prince véritablement espagnol, de sang, de sol et de mentalité, à régner sur les Pays Bas. Et cela va se ressentir dans ses relations avec les Pays Bas, notamment au niveau des impôts. Au cours du règne, ils vont être les vaches à lait de l'Espagne, du fait de sa richesse et sa densité démographique, de sa richesse commerciale. Surtout que Philippe II a besoin de liquidités pour reprendre ses guerres contre la France. Les états généraux refusent une taxe régulière mais veulent bien accorder une rallonge. Totalement insuffisante, et met en faillite Anvers. Heureusement, cette guerre purement franco-espagnole se termine en 1559, avec le traité de Cateau-Cambrésis, où comme souvent, la paix se concrétise par un mariage : Philippe II épouse Élisabeth de Valois, fille d'Henri II, qui meurt le jour des noces le 10 juillet 1559.

Philippe II, roi d'Espagne, par Sanchez Coello
Pendant ce temps, dans les Pays-Bas, le roi d'Espagne installe comme gouvernante Marguerite de Parme, fille naturelle de Charles Quint. Née en Flandre, élevée par sa grande-tante Marguerite d'Autriche puis sa tante Marie de Hongrie, la jeune Marguerite est donc éduquée comme une princesse, avec une volonté de lui inculquer l'importance des arts. Elle est recommandée par son père à son demi-frère Philippe II pour gouverner les Pays Bas. Le 25 mai 1559, elle devient gouvernante et les états généraux lui donnent les pleins pouvoirs, mais doit quand même devoir rendre des comptes à un nouvel organe, la Consulte, et au roi d'Espagne. Marguerite de Parme a du pain sur la planche : la question religieuse devient de plus en plus houleuse, tout en essayant de contenir les mécontents de voir des partisans du roi d'Espagne dans les conseils à la place des grandes familles locales. L'hostilité gronde, et certains ayant signé une pétition contre la politique absolutiste de Philippe II, appelé le Compromis des Nobles, ils l'apportent à la gouvernante qui promet d'essayer de tempérer. Un des membres de la Consulte se serait écrié : « Ce ne sont que des gueux ! »

Philippe II en a assez de ce remue-ménage religieux sur ses provinces belges et il décide de mettre en place des sanctions. En 1567, il congédie Marguerite de Parme pour Ferdinand Alvare de Tolède, duc d'Albe. Ce militaire espagnol s'engage dans le conflit débuté en 1566 par Guillaume d'Orange, et punit à tour de bras. La répression est sanglante, et entre 1567 et 1569, on compte plus de 8.000 exécutions ! Mais cette politique répressive ne fonctionne pas, il faut changer de gouverneur, et le choix se porte sur Luis de Requesens y Zuñiga en 1573, puis sur un autre enfant naturel de Charles Quint, Don Juan d'Autriche, un militaire ambitieux qui rêve d'être reconnu comme un infant d'Espagne. Mais en deux années, à part quelques victoires militaires pour préserver les provinces du Sud catholiques (les calvinistes ont déserté), il meurt du typhus en 1578.

Qui alors pour prendre cette place que personne ne veut, avec une guerre où tout le monde s'enlise, mettant à mal l'économie locale ? Philippe II appelle son neveu, Alexandre Farnèse, fils de Marguerite de Parme. Il faut dire qu'il est le bon candidat : acquis au parti espagnol, intelligent, aimant l'art, l'équitation, les sciences et en plus de cela, très bon militaire. Il va gouverner 14 ans et va aider à la séparation des provinces. La guerre d'indépendance se transforme en guerre de religion avec la radicalisation des calvinistes, qui s'attaquent aux symboles catholiques. Farnèse reprend les villes du sud comme Mons, Gand, Bruxelles et Anvers. Dans cette dernière, le gouverneur propose un marché des plus tolérants : les marchands ont quatre ans pour partir ou se convertir au catholicisme.

En 1581, l'acte de La Haye signe la scission entre les sept provinces du nord, face au reste des provinces. Elles devinrent les Provinces Unies, et même si la guerre se poursuit jusqu'en 1609, la séparation est actée (même si elle ne sera officielle qu'en 1648). Les provinces du Sud restées dans le giron espagnol subissent un grand revers économique : Anvers n'a plus accès au port et des cités ont souffert, il faut les reconstruire. Le règne de Philippe II écrit une page sombre de l'histoire de territoires belges, mais aussi de l'Espagne …

Le règne d'Isabelle et Albert d'Autriche, les bien-aimés


Portrait Albert et Isabelle d'Autriche gouverneurs des Pays Bas (BAlaT)
Ne sachant comment contrôler ces provinces si remuantes, Philippe II a une idée : il marie sa fille favorite Isabelle d'Espagne à son neveu Albert d'Autriche (les mariages entre cousins sont très répandus entre Habsbourg, en famille ce n'est pas sale), devenu gouverneur des Pays Bas espagnols. Il décide que les territoires soient héréditaires aux descendants du couple, même s'il reste un satellite espagnol, et retournera à la couronne quand il n'y aura plus de descendants directs. C'est l'Acte de Cession du 6 mai 1598, quelques mois avant la mort de Philippe II.

Jusqu'en 1609, la guerre continue face aux Provinces Unies, et ne trouvent finalement une trêve le 6 avril 1609 : les gouverneurs gardent le port d'Ostende, le roi Philippe III doit reconnaître les Provinces Unies indépendantes et ces dernières ont le droit de commercer avec les Indes occidentales. A partir de là, la paix relative permet aux territoires de se relever. Et le couple ne ménage pas ses efforts : assainissement de la monnaie, création de l’Édit Perpétuel (le premier code de loi belge), développe de l'industrie de luxe (verrerie, soieries, dentellerie … ). De plus les archiducs respectent les particularismes de chaque région et jouissait d'une relative autonomie. Le couple encourage aussi la foi catholique à travers les pèlerinages et l'essor des congrégations religieuses, mais aussi à la construction de nombreux édifices, et font appel à de grands peintres comme Pierre-Paul Rubens ou encore Anton Von Dyck.

Tout était parfait. Albert d'Autriche meurt en son palais de Bruxelles le 13 juillet 1621. Le couple n'a eu que des enfants morts en bas âge, c'est la fin de la trêve. Philippe IV d'Espagne laissa sa tante Isabelle gouvernante des Pays Bas jusqu'à sa mort en 1633, mais après le calme vient la tempête …

 Pompes funèbres de l'archiduc Albert d'Autriche (Bruxelles), par Jacob I Franckaert s (BAlaT)

Une fin de siècle contrastée


Pendant que les espagnols reprirent les combats contre les Provinces Unies (c'est ce qu'on appelle la Guerre de Quatre-Vingts ans), celle-ci est englobée dans un autre conflit : la Guerre de Trente Ans, depuis 1618. Partie d'une révolte de protestants tchèques réprimée avec violence par les Habsbourg ainsi que la défenestration de Prague, celle-ci a déchaîné l'Europe (un peu comme en 1914 … ) et devenue une guerre catholiques contre protestants, sauf pour les français qui ne veulent pas que les Habsbourg soient les plus forts. Et les Pays Bas espagnols vont devenir le champ de bataille de l'Europe pendant presque trente années. Cela se termine par le traité de Westphalie, il conclue les deux guerres qui se sont imbriquées, en 1648. Les Provinces Unies sont officiellement indépendantes et c'est l'essor de la Maison d'Orange et le siècle d'or pour ce nouveau royaume.

Portrait de Charles II d'Espagne, par Luca Giordano
La paix ? Pas vraiment, car la guerre franco-espagnole se poursuit avec plusieurs batailles comme celle des Dunes en 1658 près de Dunkerque. La paix n'est signée qu'en 1659, conclut par un mariage entre Louis XIV et Marie-Thérèse d'Autriche. Dans la dot de la princesse, une partie de l'Artois, des cités de Flandre et du Hainaut. Mais la dot n'est pas totalement versée et le nouveau roi d'Espagne, Charles II, est marqué par la consanguinité : le gamin ne sait parler qu'à 4 ans et marché à 8 ! De constitution chétive, il a de nombreuses crises d'épilepsie … En même temps, son père Philippe IV a épousé sa nièce, son grand-père s'est marié à sa cousine, et son arrière-grand père sa nièce aussi ! Et après on s'étonne … paie ton sang pur !

Gravure de Maximilien-Emmanuel de Bavière (Gallica BNF)

Bref, les guerres s'enchaînent et ce sont les Pays Bas méridionaux (qui ont à peu près la forme de la Belgique actuelle) qui trinquent : la guerre de Dévolution en 1667-68, la guerre de Hollande de 1672 à 1676, puis la guerre de la Ligue d'Augsbourg de 1688 à 1697. Toute l'Europe est contre la France de Louis XIV, mais celui-ci continue de combattre. C'est durant cette guerre que le roi de France bombarde Bruxelles en août 1695. Fort heureusement, le gouverneur des Pays Bas réussit à reconstruire la ville. Maximilien-Emmanuel de Bavière, neveu par alliance de Charles II, met moins de cinq ans pour redonner à la Grand-Place de Bruxelles la beauté qu'on lui connaît aujourd'hui. Seul une partie de l'hôtel de ville a survécu (en pierre, contrairement à la ville de bois), le reste a été entièrement refait et garni de dorures. D'ailleurs la statue équestre, aujourd'hui celle de Charles de Lorraine, était celle de Maximilien-Emmanuel de Bavière, en remerciement de la part des bruxellois.

Siège de Namur par le roi Guillaume III d'Angleterre, guerre de la Ligue d'Augsbourg (Gallica)

Mais en 1700, Charles II meurt sans enfant et s'ouvre la guerre de Succession d'Espagne. Si le roi consanguin a désigné son cousin le duc d'Anjou, petit fils de Louis XIV, comme son successeur. Mais vous imaginez les Bourbons avoir des territoires de l'Espagne jusqu'au Pays Bas méridionaux ? Pas le Saint-Empire qui s'empresse d'avoir un candidat de la famille Habsbourg, et encore une fois l'Europe se déchire, notamment sur les territoires belges. Tout ça pour … mettre le Philippe d'Anjou sur le trône, ça valait le coup d'une guerre. Par le traité d'Utrecht de 1713, le désormais Philippe V d'Espagne renonce à la couronne de France pour lui et ses descendants, et perd des territoires, notamment les Pays Bas méridionaux qu'il cède au Saint-Empire.

Nouveau tournant dans la Belgique : si elle reste dans le giron Habsbourg, elle est englobée dans le Saint-Empire Romain Germanique pendant presque un siècle.

Belgique autrichienne : les Habsbourg d'Autriche


Le Saint-Empire Romain Germanique est un des plus grands royaume d'Europe, mais aussi le plus morcelé allant des Pays Bas méridionaux jusqu'à Naples et en Hongrie, on y parle des dizaines de langues, différents cultes se croisent, difficile parmi cela d'avoir une uniformité. Les territoires belges restent donc un ensemble de principautés avec un gouverneur, comme cela a toujours été. L'empereur Charles VI demande à sa sœur l'archiduchesse Marie-Elisabeth d'Autriche de devenir gouvernante des Pays Bas. Avec un tempérament aussi dévot qu'autoritaire, elle s'octroie certaines libertés au lieu de s'en référer à Vienne. Par exemple, elle prend la défense pour les anciens droits des provinces et s'oppose à certaines réformes.

Portrait de Marie Thérèse d'Autriche, par Martin van Meytens 1742
(Galerie Nationale de Slovénie)
Sa mort coïncide avec le décès de l'empereur mais aussi la guerre de Succession de l'Autriche : en effet, le seul fils de Charles VI n'a pas survécu et n'a que deux filles. Il s'employa toute sa vie à reconnaître Marie-Thérèse d'Autriche comme son héritière, mais comme souvent, tout le monde dit oui devant, et attaque derrière. Pendant 8 ans, les combats se font rudes, et ce sont toujours les mêmes qui trinquent : les territoires belges virent de nombreuses batailles sur leur territoire comme à Gand, Ostende, Bruges, Namur … Encore une fois, ce n'est vraiment pas la joie, et pire encore, durant deux ans, de 1746 à 1748, le maréchal Maurice de Saxe occupe les territoires au nom du roi de France, Louis XV. Finalement, tout se termine assez bien pour les Habsbourg : lors du traité d'Aix la Chapelle en 1748, Marie-Thérèse d'Autriche confirme sa place d'impératrice (surtout au travers de son époux François III de Lorraine, devenu François Ie du Saint-Empire) et sa plus grosse perte reste la Silésie au profit de la Prusse.

Pour en revenir à notre Belgique, l'impératrice met à sa tête son beau-frère Charles de Lorraine. Frère de François, il avait épouse la sœur de Marie-Thérèse, l'archiduchesse Marie-Anne, décédée en 1744. Pendant presque trente, le gouverneur des Pays-Bas met tout en œuvre pour rendre sa Cour de Bruxelles attrayante comme auparavant, avec pour mot d'ordre de l'impératrice « Soyez le premier coq du pays ». Et il s'en sort très bien : il favorise les manufactures, il crée l'Académie impériale et royale des Sciences et des Lettres à Bruxelles en 1772, encourage les Lumières. Il redonne vie à l'agriculture avec le développement de nouvelles cultures comme la pomme de terre. Au niveau architectural, il embellit sa capitale et reconstruit le Coudenberg détruit dans un incendie. Il est tellement populaire qu'on lui offre une statue de bronze où il apparaît en majesté ! Il s'éteint le 3 juillet 1780, et on peut voir une foule considérable se déplacer à Bruxelles pour lui rendre hommage. Marie-Thérèse d'Autriche désigne sa fille Marie-Christine et son époux Albert de Saxe-Teschen comme gouverneurs avant de s'éteindre à son tour le 29 novembre 1780.

Portrait de Joseph II, anonyme
Joseph II, fils et successeur de Marie-Thérèse, va faire un tour sur ses terres, à la grande surprise des belges qui n'avaient plus vu leur souverain depuis Philippe II, et c'était pour leur défoncer la tronche. Homme intelligent et autoritaire, il vient surtout faire une inspections en vue des prochaines modifications. Il écoute les doléances et érige une série de réformes, sans faire attention à la montée des mécontents. Car l'empereur a une vision manichéenne des choses et n'aime pas qu'on le contredise : c'est lui le chef, point barre. Il s'en prend au clergé, il bafoue les particularismes et anciennes coutumes et si on n'est pas d'accord avec lui, il s'impose avec brutalité. C'est ce qu'on peut appeler un despote éclairé.

En 1783, un édit supprime les ordres (plus de 160 couvents sont fermés) et l'année d'après, le mariage devient un contrat civil. Bon, il fait aussi des choses bien mais pas forcément accepté à cet époque : il confie l’État à des structures civiles et non plus ecclésiastiques et abolit la torture. Mais c'est davantage la manière de faire qui dérange, et surtout qu'il réglemente tout : il en vient même à légiférer sur la longueur des chandelles ! Les gouverneurs ? Le couple d'archiducs exprime le mécontentement de la population, mais ne peut pas faire grand-chose. On se souvient d'eux surtout pour la construction du palais de Laeken, aujourd'hui résidence royale.

Une révolte brabançonne se soulève en 1787 mais est étouffée grâce à des négociations et concessions. Mais un vent de mécontentement souffle sur les territoires, Joseph II devient de plus en plus impopulaire. Et vous savez à quelle date nous sommes ? 1789, cette année sera agité pour l'Europe, mais cela fera l'objet d'un prochain article …  

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