Les Journées
Européennes du Patrimoine sont l'occasion de pousser des portes
fermées au public le reste de l'année, ou de découvrir des
facettes inconnues. Chaque année, je m'y prépare et je suis parée
pour parcourir Paris en long et en large pour en prendre pleins les
yeux, me dire que nous avons un patrimoine exceptionnel et que chaque
ville a des trésors méconnus. C'est parti pour vous raconter ma
journée et, qui sait, vous donner envie de les visiter l'année
prochaine !
Chaque année, quand le
site des Journées Européennes du Patrimoine dévoile son programme,
j'y passe des heures pour savoir où aller, et débattre avec mes
amis sur le programme de la/des journée(s). L'an dernier, j'ai
affronté la longue file d'attente de l’Élysée (et j'y ai
survécu, ils devraient en faire un t-shirt) et j'ai décidé que
plus jamais, je n'attendrais devant un bâtiment. Bien sûr, ma
passion est de visiter les lieux de pouvoir, mais surtout les
ambassades. Que ce soit la Pologne ou la Suisse en 2016, ou la Grande
Bretagne en 2015, j'essaie d'en faire au moins une chaque année car
ce sont souvent de beaux hôtels particuliers qu'on ne peut pas
visiter en temps normal. Pour 2017, je me retrouvais seule dans mon
parcours, ma chère acolyte Emma de Vague Culturelle ayant quitté la
capitale pour la jolie ville d'Arras. J'avais prévu six
visites le dimanche, j'ai subi des échecs et eu de belles
découvertes, je vous raconte tout ça !
Hôtel de Beauvais – Cour administrative d'appel de Paris
Cet hôtel particulier
situé dans le Marais, au 68 rue François-Miron (4e
arrondissement), a toujours été une fascination architecturale
pour moi, avec sa cour ovale, son péristyle et sa construction
alambiquée. Construit en 1655 par Antoine Le Pautre
pour le couple de Beauvais, Pierre de Beauvais et Catherine
Bellier, première femme de chambre de la reine Anne
d'Autriche. Mais oui, vous connaissez cette femme en
général sous le nom délicieux (non) de Catheau la Borgnesse,
celle qui aurait déniaisé le jeune Louis XIV. Une femme à
la position enviable à tel point que le 26 août 1660, quand
Louis XIV entre dans Paris avec sa nouvelle épouse
Marie-Thérèse d'Autriche, il
passe rue Saint-Antoine, sous les fenêtres de l'hôtel, et on voit
au balcon la reine-mère et le cardinal de Mazarin !
A partir du 18e siècle,
les propriétaires se succèdent et quelques transformations sont
effectuées, comme sur la façade de l'hôtel, notamment le comte
Maximilien Emmanuel Franz van Eyck,
ambassadeur de l'électeur de Bavière, qui invite le jeune Mozart
à jouer dans ces lieux, mais aussi fait de son ambassade un tripot
de jeux. Non, il n'y a pas de petits profits dans la vie ! A la
Révolution, il est bien sûr saisi et à partir de là, c'est un peu
n'importe quoi. L'intérieur est détruit pour en faire 40 logements,
cela devient aussi une clinique d'accouchement … avant d'être
laissé à l'abandon en 1985. Après une restauration bien
méritée, l'hôtel accueille en 2004 la Cour administrative
d'appel de Paris.
Donc comme je disais, il
ne subsiste rien de l'intérieur à part deux escaliers de l'époque
des Beauvais, l'architecture extérieure et … un sellier médiéval.
Oui, avant l'hôtel de Beauvais, des moins de l'abbaye de Chaalis ont
une maison à cet endroit. Très belle salle, très peu modifiée au
fil des siècles. J'ai adoré entrer dans cette cour, découvrir
toute son histoire, et même si l'intérieur est devenu moderne, il y
a encore le fameux balcon. De plus, une juriste a expliqué le
fonctionnement de la Cour d'appel administrative et aussi un peu le
tribunal administratif, ce qui était intéressant de comprendre un
peu nos institutions.
Ambassade de République Tchèque
Après deux échecs de
visite dont je vous parlerais à la fin, je me retrouve à l'autre
bout de Paris, 15 avenue Charles-Floquet (7e arrondissement),
devant un hôtel particulier avec vue sur la Tour Eiffel. Ce joli
bâtiment est construit en 1912 par l'architecte Pierre
Humbert pour la princesse de Ligne tout fraîchement divorcée,
Élisabeth de La Rochefoucauld. A
partir de 1919, la Légation Tchécoslovaque occupe les lieux
comme locataire avant de l'acheter en 1924 pour 4,5 millions de
francs. La Tchécoslovaquie se divise en deux pays en 1993 : la
République Tchèque garde le bâtiment tandis que la Slovaquie
s'installe dans le 16e arrondissement, rue Ranelagh.
Comme pour l'hôtel de
Beauvais, pas d'attente et le plaisir de découvrir le rez de
chaussée à travers quatre pièces d'un luxe inouï, notamment le
Grand Salon avec ses trompes l’œil associés à la musique. Le
petit jardin est apaisant et on se dit qu'on y vivrait bien. La
visite est courte mais les détails sont nombreux, et la tranquillité
des lieux permet de prendre son temps.
Château de la Muette – OCDE
Toujours plus loin dans
l'ouest parisien, je pousse mon aventure dans le 16e arrondissement
pour me rendre au Château de la Muette, siège de
l'Organisation de Coopération et de Développement Économiques
(OCDE). La visite guidée présente deux bâtiments, en premier lieu,
les salles de conférences dans un environnement moderne et se
voulant un modèle écologique. La volonté de l'OCDE est de donner
un espace aux gouvernements pour permettre de dialoguer sur
différents thèmes et mutualiser leurs efforts. Aussi intéressant,
soit-il, j'étais venue essentiellement pour la seconde partie :
le château de la Muette. Ancien château offert par Charles IX
à sa sœur Marguerite de Valois, le château voit aussi
abriter les amours de la duchesse de Berry, fille du Régent
Philippe II d'Orléans, qui le
transforme au goût du moment, et y reçoit même le tsar Pierre le Grand. Louis XV fait entièrement reconstruire la
château et y accueille ses maîtresses, que ce soit les sœurs de
Nesle, Madame de Pompadour ou encore Madame Du Barry.
Après avoir été vendu sous la Révolution Française, le château
est acquis par Pierre Erard qui veut redonner vie aux lieux.
Mais après sa mort et ceux de ses héritiers, le domaine est vendu
en parcelle et les derniers vestiges du château disparaissent en
1926.
Donc oui, tout ce que je
vous ai raconté est d'un autre château, aujourd'hui disparu. Mais
ce château là ? Il se situe bien sur le même terrain, à
quelques mètres de l'ancien vrai château. En 1912, le baron
Henri de Rothschild acquiert
22.000m² de ce terrain et décide d'y faire construire un château,
ressemblant à l'ancien château de la Muette, il y importe des
boiseries des autres demeures familiales et en fait sa résidence
principale. Comme souvent, durant l'Occupation allemande, le château
est réquisitionné et devient le quartier général du commandement
de la marine allemande puis il est vendu en 1948 à
l'Organisation européenne de coopération économique (OECE), devenu
aujourd'hui l'OCDE.
J'ai quand même appris
le fonctionnement de l'OCDE, ce qui est toujours bien de comprendre
ce qu'on visite. Le château en lui-même a gardé quelques salles
grandiose comme l'actuelle salle George Marshall, ancienne salle de
bal ou le Grand Salon, aujourd'hui la salle de réunion pour le
Conseil des représentants.
Bibliothèque de l'Arsenal
Après un autre échec,
je me retrouve sans visite à 14h, c'est beaucoup trop triste de
s'arrêter là. Et quand je vois que la Bibliothèque de l'Arsenal
n'a pas d'attente, je saute dans le métro pour m'y rendre. Dernier
vestige de l'Arsenal de la capitale accolée à l'ancien rempart, il
comptait de nombreux bâtiments allant jusqu'à la Bastille !
Dépôt d'armes et munitions, l'arsenal était géré entre autre par
le Grand maître de l'artillerie de France donné à de grands
personnages de France comme Maximilien de
Béthune, duc de Sully et grand ami d'Henri IV, les
ducs de La Meilleraye père et fils, le duc du Maine, fils bâtard de
Louis XIV ou le dernier, Louis Charles de Bourbon,
comte d'Eu. La charge est supprimée pour être réunie sous le
ministère de la Guerre, et le bâtiment accueille notamment
Antoine-René de Voyer d'Argenson, marquis de Paulmy, qui y
installe sa collections de livres et autres manuscrits qu'il met à
disposition d'intellectuels, avant de tout vendre à Charles
d'Artois, frère de Louis XVI et futur Charles X.
Comme toujours, la
Révolution Française passe par là et le pavillon devient un dépôt
littéraire avant de devenir une bibliothèque en 1797, sous son nom
actuel, Bibliothèque de l'Arsenal. Elle est rattachée à la
Bibliothèque Nationale de France en 1934.
La visite présente bien sûr la bibliothèque, ouverte au public, avec notamment cette salle de lecture aménagée sous le Second Empire, donnant une atmosphère particulière. J'adore ce genre de salle ancienne, donnant goût aux bibliothèques d'autrefois. Mais l'intérêt des Journées du Patrimoine est de découvrir ce qui ne se voit pas habituellement. Et là, on est gâtés ! Tout d'abord un appartement du 17e siècle de Charles de La Porte, duc de la Meilleraye, avec des décors peints au murs, mais surtout la deuxième pièce avec le Cabinet des « Femmes fortes » avec quatorze héroïnes de l'Ancien Testament telle Judith ; des reines des amazones notamment Hyppolite ou Antiope ; des femmes de l'histoire romaine comme Lucrèce ; et enfin des figures de l'Histoire telles Jeanne d'Arc ou Marie Stuart.
Accolé à la
bibliothèque, l'hôtel particulier s'ouvre exclusivement pour ce
weekend et l'on découvre de magnifiques pièces, comme celle du
salon de musique, quelques pièces en enfilade du style purement 18e
siècle … comme toujours, un régal pour les yeux.
Une visite non prévue et
finalement un gros coup de cœur pour l'endroit. Je remercie le CM de
la BNF pour avoir tweeter qu'il n'y avait pas d'attente, je n'aurais
pas pensé à y aller !
Si finalement, je suis
contente de mes journées, j'ai vécu donc trois échecs dans mon
plan de visite. Tout d'abord l'ambassade de Chine où il y
avait au moins 3 heures d'attente. Il faut dire que j'y suis arrivée
à midi et que c'était la première fois qu'ils ouvraient. J'ai
préféré passer mon tour. L'ambassade du Brésil a aussi été
un échec : ouvert seulement l'après-midi, il fallait
s'inscrire pour les visites. Ce sera sans moi alors. Le dernier, et
sans doute ce qui m'a le plus agacé a été l'hôtel Arturo Lopez
à Neuilly sur Seine. Perdu un peu au milieu de nul part, il fallait
être motivé pour venir … pour finalement m'annoncer qu'il y avait
une erreur, que le lieu était en fait fermé … MAIS que je pouvais
venir à leur vente d'objets de collection. Je ne sais pas si c'est
pour attirer du monde à leur vente ou une idiotie de ne pas avoir
prévenu, mais ça ne m'a pas donné envie d'y retourner un jour.
Au final, quatre visites
sympathiques et 10 kilomètres de marche dans les pattes, je pense
que ces Journées du Patrimoine ont été une réussite !
J'espère vous avoir donné des adresses possibles pour l'an
prochain. Quant à moi, je recommencerais, soyez en certains !
Et vous, qu'avez vous visité ? Si vous avez des lieux
intéressants (à Paris ou ailleurs), n'hésitez pas à en parler !
De jolies découvertes ! J'aime beaucoup la dernière, la bibliothèque ! :)
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