Charles X, dernier roi
de France, dernier Bourbon sur le trône de France, est bien mal
connu, et peu de monde sait ce qu'il lui est arrivé après la
révolution de 1830. Pourtant, il lui en est arrivé des choses.
Rares sont les souverains morts loin de leur pays, et encore moins
des souverains déchus en ce 19e siècle si riche en événements.
Aujourd'hui, on suit les derniers jours du dernier roi de France, et
de ce qu'il est devenu ensuite …
Charles
d'Artois est le troisième fils survivant (sur cinq) du
Dauphin Louis de France. Il n'est pas né chez les pouilleux
car son grand-père n'est autre que Louis XV, et descend de la
lignée des Bourbons. A sa naissance en 1757, il est titré
comte d'Artois et n'est pas destiné à régner. Il est éduqué
comme un prince où on lui apprend l'histoire, la géographie, le
latin et l'allemand. Il épouse Marie-Thérèse de Savoie (ils
sont bien sûr cousins germains) et il a deux fils avec elle,
Louis-Antoine duc d'Angoulême, et Charles-Ferdinand duc de
Berry. A la Cour, il prend le parti réactionnaire à son frère
Louis XVI, celui des
ultra-royalistes (ou ultras), et cherche à faire renvoyer le
ministre Necker. A la Révolution Française, Charles
d'Artois est sans doute le premier émigré, il part le 16
juillet 1789 ! Il va chez son beau-père à Turin avant de
se rendre en Grande Bretagne en 1795, et réside à Londres jusqu'en
1814, à la chute de Napoléon 1e. Son frère devient Louis
XVIII et c'est le début de la Restauration. Là encore,
il devient le chef des Ultras, et est pour un retour à l'Ancien
Régime sans passer par la case Révolution, alors que Louis XVIII
adopte une monarchie constitutionnelle. Son frère décède en
1824 sans descendance, il devient roi, sous le nom de
Charles X. Contrairement à son prédécesseur, le nouveau
souverain a de grosses rancunes envers la Révolution Française et
décide simplement de passer outre, faire comme si elle n'existait
pas. Une monarchie constitutionnelle ? Mais non, revenons à
l'absolutisme avec sacre à Reims, drapeau blanc et un gouvernement
d'ultras.
Charles, comte d'Artois, par Michel Van Loo (Château de Versailles) |
Oui, Charles
X n'était pas un fin politicien ni tacticien pour deux
sous, et cela conduisit aux fameuses Trois Glorieuses les 27, 28
et 29 juillet 1830 où le souverain est déchu de son trône.
Sous la contrainte, Charles X abdique le 2 août 1830
en faveur de son petit-fils, Henri d'Artois (ce qui ne se fera
pas). Dans la logique, c'est à son fils, Louis-Antoine, duc
d'Angoulême, que revient la couronne sous le nom de Louis XIX
mais ce dernier contresigne l'abdication à son tour. Pendant que son
cousin devient Louis-Philippe 1e,
roi des Français (notez la nuance, il n'est pas roi de France),
la famille royale déchue quitte le château de Rambouillet pour
Cherbourg où ils embarquent pour la Grande-Bretagne, où Charles
a déjà connu l'exil durant la Révolution Française. Ce petit
monde s'installe à Holyrood en Écosse pendant deux années, avant
d'arriver en Autriche le 19 septembre 1832, sous la protection
de l'empereur François 1e d'Autriche. On ne peut les laisser
à Vienne, on leur cherche un logement avant de s'arrêter sur le
château des rois de Bohème à Prague. Malgré les hivers rudes et
grosses chaleurs estivales, Charles X se
montre en bonne santé malgré ses soixante dix-sept ans en 1834, on
note surtout chez lui une fatigue et une mélancolie lancinante.
En 1836, il est
l'heure d'une nouvelle errance. Sur le voyage, le duc et la duchesse
d'Angoulême tombe malade – une épidémie de choléra – puis le
jeune Henri d'Artois (titré duc de Bordeaux), mais tout le
monde en réchappe. Le 8 octobre 1836, la famille en exil s'arrête à
Linz pour fêter les 79 ans de Charles X,
qui a pris le titre honorifique de Comte de Ponthieu. Fatigué,
Charles se confie à un de ses proches « Ma vie a été
plus longues que celle de mes ancêtres ; mais de cruels
malheurs et trente années d'exil l'ont rendue bien amère. Peu de
temps s'écoulera d'ici au jour où vous suivrez les funérailles du
pauvre vieillard. »
Enfin, ils arrivent à
Göritz, entre Venise et Trieste (aujourd'hui Nova Gonica en
Slovénie), dans le magnifique palais Coronni-Cronberg, laissé
par le comte Coronni. Il s'agit d'une villa à l'italienne avec
façade aux portiques doriques et terrasse en fer forgé. Loin de
Prague, il y règne une douceur maritime, avec flore abondante et des
palmiers, cet endroit est idéal pour le vieux Charles, déjà
apaisé et loin de ses vieux démons. Il profitait d'ailleurs de ce
temps pour marcher au moins une heure par jour en compagnie de son
fils, du jeune duc de Bordeaux et son ami Blacas.
Charles X, roi de France, par Thomas Lawrence, 1825 (Windsor Castle) |
Le 2 novembre 1836,
toute la famille s'apprête à fêter la Saint Charles, mais l'ancien
souverain tombe malade. Pendant la messe du matin, Charles
X est pris de frissons, et indisposé toute la journée.
Il essaie de cacher sa faiblesse pendant les visites, dit des paroles
aimables mais se couche sans dîner, trop épuisé. Son état
physique change rapidement, ses yeux deviennent cerclés de violet,
et sa peau pâlit, il se tord de douleurs et vomit durant la nuit. Le
5 novembre, le docteur Bougon, son médecin depuis vingt ans,
déclare qu'il s'agit du choléra ! « J'ai bien
souffert cette dernière nuit mais je ne pensais pas que cette
maladie dût tourner si court » et le roi déchu
demande à se confesser. On lui demande s'il donnait le pardon :
« Comment ne leur pardonnerais-je pas ? Je l'ai fait
depuis longtemps, je leur pardonne encore, et de grand cœur, que
Dieu les garde. » Ses petits enfants, Henri et
sa sœur Louise, viennent le voir et Charles leur
demande de prier pour lui. Dans la journée, le malade se sentit
légèrement mieux puis, il cessa de parler, même de gémir, jusqu'à
sa mort, le 6 novembre 1836 à
une heure du matin. Son fils, Louis-Antoine, lui ferma les
yeux.
Mais comment, et où,
organiser les funérailles d'un roi en exil ? Le comte de
Metternich, chancelier impérial, annonce que les obsèques
seraient « réglées d'après l'étiquette qui aurait
fait loi si Charles X était mort à Paris. », autant
dire qu'il eut des obsèques royales. Le 11 novembre, le
cortège s'ouvre avec les pauvres de la ville, un flambeau à la
main, un simple char funéraire tiré par six chevaux blancs encadrés
par douze valets aux armes de la France, tandis que des troupes
autrichiennes en tenue d'apparat blanc et or forment une haie longue
sur un kilomètre, du palais à la cathédrale. Charles
X est enterré au monastère de la Castagnavizza, à
quelques kilomètres du palais et qu'il rêvait de visiter lors de
ses promenades. Cela deviendra le Saint-Denis de l'exil car
son fils Louis-Antoine y est enterré en 1844, son épouse
Marie-Thérèse de France en 1851, le duc de Bordeaux (devenu
comte de Chambord) en 1883 et son épouse Marie-Thérèse de
Modène en 1886.
En France, on interdit
les messes pour célébrer la mort de l'ancien roi, mais bien sûr
quelques oraisons funèbres sont prononcées dans les campagnes ;
les ambassadeurs étrangers ne doivent pas porter le deuil mais
certains transgressent la règle comme en Russie ou en Autriche.
Chateaubriand a eu le bon mot « Cette race qui n'a
pas toujours su bien vivre sait admirablement mourir. »
Charles
X a passé une grande partie de sa vie en exil, n'a régné
que quatre années, et repose aujourd'hui loin de sa patrie. Se pose
la question du rapatriement, beaucoup d'associations ont demandé à
ramener les dépouilles royales à la basilique Saint-Denis, mais les
moines du monastère entretiennent les sépultures avec soin, puis le
comte de Chambord a demandé que son corps ne soit jamais rapatrié
en France. Les derniers Bourbons reposent donc en Slovénie …
Par son immense défaut de culture politique et d’intelligence, Il a puissamment contribué à l’élimination du sentiment royal et à l’implantation des idées révolutionnaires. Irresponsable (?) depuis toujours, gamin mal élevé, mauvais roi, la France n’a pour lui qu’un sentiment fragile et mitigé. Un règne aux conséquences tragiques, en core aujourd’hui.
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