mercredi 14 février 2018

3 beaux mariages d'amour



Oh de l'amour pour la Saint Valentin, que c'est original … Mais en Histoire, mariage et amour sont rarement compatibles. Les mariés ont rarement leur mot à dire sur leurs épousailles, on les marie au gré de la politique, des traités à signer, et il faut faire avec. La plupart du temps, les époux s'entendent plutôt bien, certains même développent des sentiments sincères au fil des années, une tendresse ou une amitié. Mais un mariage où l'amour s'en mêle, ce n'est pas donné à tout le monde ! Voici trois histoires qui se finissent tout de même bien en amour (car en politique, ce n'est pas toujours ça).


Je vous parle souvent de mariages sur le blog, qu'ils soient heureux ou non d'ailleurs. C'est très souvent l'occasion de grandes festivités dans les grandes familles, de déployer tout le faste possible. C'est aussi le point d'orgue d'une politique matrimoniale à l'échelle européenne (ailleurs aussi, mais on reste en Europe pour cet article), un mariage garantit une paix entre les deux familles/royaumes, pour un temps du moins. Car la politique et les alliances changent tellement, ça va, ça vient. Mais l'amour alors ? Oh, ça, les maris la trouvent chez d'autres femmes, et les épouses … elles font ce qu'elles peuvent (et prennent parfois des amants, mais vaut mieux pas se faire choper). Le mariage d'amour est vraiment un concept récent, et encore aujourd'hui, certaines familles font des mariages arrangés, même si c'est plus rare (en Europe, je le précise bien). Cela n'empêche pas certains couples de s'aimer follement au cours des siècles. On peut citer Cléopâtre et Marc-Antoine, Marie-Thérèse d'Autriche et François III de Lorraine, la reine Victoria et Albert … et il y en a eu d'autres, fort heureusement. Je vais traiter trois histoires d'amour à trois périodes différentes et dans trois pays différents, quel challenge.

Henri III et Louise de Lorraine-Vaudémont (16e siècle)

La seconde moitié du 16e siècle n'est pas seulement peuplée de guerres de religion et meurtres sanglants, on peut voir émerger un peu d'amour dans les hautes sphères. Alors non, ce n'est pas du tout Marguerite de Valois et Henri de Navarre, loin de là. Mais il faut se tourner vers Henri III qui a connu un peu de bonheur dans son règne si chaotique. Quant à Louise de Lorraine-Vaudémont, c'est une véritable Cendrillon … Mais commençons par le début. Le roi Charles IX est sur le trône et Catherine de Médicis cherche une place pour son fils préféré, le jeune Henri et le fait élire au trône de Pologne en 1573. Mais la route est longue jusqu'à Cracovie, et il s'arrête notamment à la cour de Lorraine, où le duc Charles III donne des fêtes en son honneur. C'est là qu'il rencontre Louise de Lorraine-Vaudémont, de la branche cadette de Lorraine. A son départ, il lui demande de prier pour elle et la quitte « la larme à l'oeil ». N'y voyez pas d'amour, le cœur d'Henri est tout entier à une autre dame, mais Louise l'a touchée d'une certaine façon, et il ne l'oubliera pas.

Il ne resta pas longtemps en Pologne car son frère Charles IX meurt le 30 mai 1574 sans descendance. Henri, devenu Henri III, quitte la Pologne d'une façon romanesque et retourne en France. Il aime une femme et veut l'épouser, il s'agit de la belle Marie de Clèves, sa passion dévorante depuis des années. Mais sa mère, ne voyant pas d'un bon œil cette idylle, maria la jeune femme au prince de Condé, un prince protestant réfugié au Luxembourg. Le jeune monarque de 23 ans se voit déjà au bras de son aimée, mais il faut attendre : Marie de Clèves est enceinte, il faudra attendre l'accouchement pour demander l'annulation du mariage. Seulement, Marie meurt en couche le 30 octobre 1574, laissant Henri dévasté, tombant dans la piété exacerbé et le goût du morbide.

Seulement, en tant que roi, il est de son devoir d'avoir une descendance, ce que ses frères François II et Charles IX n'ont pas fait. Catherine de Médicis recherche les princesses de l'Europe entière pour trouver un bon parti, mais Henri fait la fine bouche. Il refuse Catherine de Navarre, car elle est protestante (elle épousera le duc Henri II de Lorraine) ; Élisabeth d'Autriche, la femme de son frère défunt, mais elle refuse aussi de son côté et retourne vivre à Vienne (elle ne se remaria jamais et fonda un couvent) ; l'infante Isabelle d'Espagne car elle n'a que sept ans (elle épousé Albert d'Autriche et ils formèrent un couple de gouverneurs des Pays Bas espagnols). Alors que sa mère a trouvé une princesse suédoise pour lui, il annonce qu'il a choisi son épouse : ce sera Louise de Lorraine-Vaudémont. C'est sûr que sur le plan dynastique, la jeune femme ne fait pas le poids avec les précédentes, mais c'est ce que le roi veut et Catherine de Médicis ne peut rien refuser à son fils.

Qui est cette future reine de France ? C'est une belle demoiselle blonde de tout juste vingt-un ans, avec de grands yeux bleus, une allure élégante et douce. Elle est la fille de Nicolas de Vaudémont et Marguerite d'Egmont, mais sa mère est morte jeune et la demoiselle a connu deux autres belle-mères. Tout d'abord Jeanne de Savoie-Nemours, une femme adorable, qui l'éduqua et l'introduisit à la Cour de Nancy, comme une seconde mère pour Louise. Puis Catherine d'Aumale, une vraie marâtre, dure et jalouse, qui enferma sa belle-fille et l'isolait du monde. Une vraie Cendrillon je vous dis, car qui aurait pu parier qu'elle épouserait un roi de France ?

Ils se revirent à Reims le 11 février 1575, la veille de leur couronnement, et le charme opéra. Louise ne voyait que plus que par Henri, et ce dernier s'abandonna aussi à l'amour. Leur mariage eut lieu dans la foulée, le 15 février 1575, où c'est Henri en personne qui habilla et coiffa sa femme pour qu'elle resplendisse.

Leur amour résista au temps et aux angoisses. Alors oui, Henri III n'est pas fidèle, il a quelques maîtresses de passage, mais Louise ne se laisse pas faire, et contrairement aux autres, elle se révolte. Elle obtient le renvoi de la cour d'une demoiselle en 1580 après être tombée sur des lettres entre elle et son époux. Mais leur plus grand souci est l'absence d'enfant. Ensemble, ils testèrent toutes les médecines, parcoururent les cures thermales et priaient, jusqu'à l'excès pour b. Il aurait pu la répudier (à l'époque, c'était toujours la faute de la femme …) mais il ne put le faire. Il faut dire qu'ils étaient très liés. Bien que discrète, la reine Louise accompagne son mari dans toutes les festivités, fêtes et cérémonies. Ils se voient tous les jours, le souverain se rend chez sa femme après le dîner (c'est à dire le déjeuner aujourd'hui) et passent une partie de leurs soirées ensemble. En 1581, Catherine de Médicis entre chez son fils à l'improviste et voit Louise assise sur les genoux de son mari. Ce geste anodin aujourd'hui était drôlement cocasse pour que l'ambassadeur d'Espagne le mette dans son rapport !

Mais le couple doit aussi résister aux temps difficiles en politique, notamment face aux Guises. Louise reste auprès d'Henri après la mort du duc de Guise à Blois en 1588, mais elle doit le quitter quand il décide de prendre les armes pour reconquérir Paris et son trône. Elle l'attend au château de Chenonceaux, que sa belle-mère lui a légué. Le 4 août 1589, elle reçoit une lettre où elle apprend qu'Henri III a été victime d'un attentat, mais elle ne sait pas encore qu'il est mort. A partir de là, son combat sera la vengeance. Selon elle, Jacques Clément n'a pas agi seul, le reste de la famille de Guise se trouve derrière cette histoire. Elle n'obtiendra qu'une demi-compensation en 1594, quand la Papauté décide que le défunt roi est en paix avec l’Église et n'est plus excommunié.

Son amour pour Henri est tel qu'elle fait de sa chambre à Chenonceaux un vrai mausolée qu'on peut encore visiter aujourd'hui, tout de noir, avec le portrait de son mari au-dessus de la cheminée. Personnellement, j'ai ressenti tellement de chagrin dans cette chambre, un vrai deuil d'amour …

Catherine Pavlovna de Russie & Guillaume de Wurtemberg (19e siècle)

Catherine Pavlovna est une princesse russe, fille du tsar Paul 1e de Russie et Sophie-Dorothée de Wurtemberg. On la dit peu jolie, mais cultivée et pleine de charmes, elle entretient une relation privilégiée avec son frère aîné, le tsar Alexandre 1e. De son côté, Guillaume de Wurtemberg, prince allemand et héritier de la couronne de Wurtemberg. Il eut une éducation très stricte sous l'égide d'un père autoritaire et difficile, au point que le jeune Guillaume chercha à s'enfuir du royaume, mais il fut arrêté à temps et enfermé. Une fois libéré, il fait des études et part en France.

Un temps, il fut d'actualité de marier les deux cousins. Et oui car Sophie-Dorothée de Wurtemberg est la tante de Guillaume. Mais l'arrivée de Napoléon 1e au pouvoir en France fit changer pas mal de plans. L'empereur voulait que ses frères et sœurs épousent de grandes familles européennes pour asseoir sa dynastie. Par exemple la sœur de Guillaume, Catherine, épousa Jérôme Bonaparte et il devint roi de Westphalie. Lui a peur de se retrouver marier à une Bonaparte et épouse Caroline Augusta de Bavière, fille du roi Joseph 1e de Bavière. Il l'apprécie mais ne prend même pas la peine de coucher avec elle, ou de la toucher, il s'agit juste de se protéger contre Napoléon 1e. Quand ce dernier divorce de l'impératrice Joséphine en 1809, il cherche une nouvelle épouse. Et quoi de mieux qu'une alliance franco-russe ? Il voudrait bien épouser Catherine, mais, ô que c'est dommage, celle-ci est fiancée. En vérité, on la marie un peu à la va-vite avec un duc allemand, Georges d'Oldenbourg. Les Romanov, en particulier Alexandre 1e et sa mère, refusaient de s'allier avec « l'ogre corse ». Finalement, Napoléon 1e épousa Marie-Louis d'AutricheCatherine et Georges s'entendirent bien et la princesse resta au chevet de son mari jusqu'à sa mort, en 1812.

Mais alors leur amour dans tout cela ? Ils la doivent … à Napoléon 1e. Après son abdication en 1814, les pays européens se sont réunis pour partager l'Europe. Catherine accompagne son frère Alexandre 1e, ainsi que sa jeune sœur Anna pour qu'elle épouse le roi Guillaume II des Pays Bas. Tout le gratin européen est donc à Vienne, dont Guillaume de Wurtemberg. Et ces deux là se croisent pour la première fois : c'est le coup de foudre ! Oh que c'est mignon … mais il y a un souci : Guillaume est toujours marié. Heureusement, le divorce existe, il rend sa liberté à Caroline Augusta de Bavière, qui s'en va épouser François 1e d'Autriche, devenant ainsi impératrice. Les deux amoureux purent se marier en toute tranquillité début 1816 à Saint-Pétersbourg. On dit merci à Napoléon 1e pour cette union !

Zita de Bourbon Parme & Charles de Habsbourg (20e siècle)

Pour une fois qu'ils ne s'agit pas d'un mariage entre cousins … Charles de Habsbourg est le petit-neveu de l'empereur François-Joseph, second héritier après François-Ferdinand d'Autriche. C'est un jeune homme blond, la lèvre un peu épaisse et les oreilles décollée, mais intelligent, bon cavalier et un homme adorable. Zita de Bourbon-Parme est d'une grande famille italienne affiliée à toute l'Europe, elle descend directement de Louis XIV par son père ! Bien qu'italienne, la jeune Zita grandit en Autriche, et ne part pour l'Italie que l'hiver. C'est une très jolie jeune femme brune, pieuse et parlant plusieurs langues. Et comme toute belle histoire, il faut un petit coup de pouce au destin …

Quand je parlais qu'ils n'étaient pas cousins, ils sont tout de même un peu lier, par alliance. La tante de Zita, Marie-Thérèse de Bragance, a épousé le grand-père de Charles aux troisièmes noces de celui-ci, elle est donc sa belle-grand-mère (cela se dit ? Bon, on va dire que oui). La jeune Zita apprécie sa tante, une femme respectable avec un grand cœur et la visite souvent car les deux femmes vivent non loin l'une de l'autre. Forcément, Charles et Zita se sont déjà rencontrés durant leur enfance mais se retrouvent en 1909, car le régiment de l'archiduc stationne non loin de chez sa tante, à Franzensbad. C'est là que les deux se retrouvent, elle a 17 ans et lui 22 ans, et ils se plaisent follement. Zita raconte elle-même « Nous étions bien sûr heureux de nous revoir et devînmes proches. De mon côté, les sentiments se développèrent graduellement au cours des deux années suivantes. »

La famille Habsbourg cherche justement à marier le jeune homme, second dans l'ordre de succession impérial, et Zita forme plus qu'un bon parti avec son arbre généalogique. En plus ils se plaisent ! Seulement une rumeur court que la jeune femme va se marier avec le duc de Madrid, de la branche cadette des Bourbons d'Espagne. Charles a peur de perdre sa belle, court chez Marie-Thérèse de Bragance qui le rassure, mais lui confie que la jeune femme est sollicitée. « Bien, je ferais mieux de me dépêcher quand même, ou elle se fiancera à quelqu'un d'autre. » a dit Charles.

Autant dire qu'il n'a pas tardé et se rend à la Villa Pianore demander la main de sa belle. Ils se fiancent le 13 juin avant de se marier au château de Schwarzau le 21 octobre 1911. C'est une grande et belle réception, une des dernières des monarchies européennes avant la Grande Guerre. Sincèrement amoureux l'un de l'autre, il se jurent de s'aider « mutuellement à aller au ciel » et le vieil empereur François-Joseph lance même un toast en l'honneur des mariés. De cette union naît huit enfants, dont l'héritier Otto en novembre 1912.


Seulement voilà, tout se précipite. L'archiduc François-Ferdinand est assassiné à Sarajevo le 28 juin 1914, puis s'en suit la Première Guerre Mondiale qui voit l'Europe se déchirer. L'empereur François-Joseph meurt le 21 novembre 1916, en plein conflit, et Charles devient l'empereur Charles 1e d'Autriche-Hongrie. Le couple impérial, bien que jeune et populaire, par leur amour, leur amour du peuple et leur générosité, ne résiste pas à la guerre et l'empereur abdique le 12 novembre 1918 … enfin pas vraiment selon Charles, qui dit à son épouse avant de signer la reddition « « Jamais, un souverain ne peut abdiquer, il peut être déposé, déchu de ses droits. C'est la force. Mais abdiquer, jamais, jamais. J'aime mieux mourir avec toi. Alors Otto nous succédera. Et même si nous devions tous tomber, il reste encore d'autres Habsbourg. ». Le couple déchu doit quitter l'Autriche, partant vivre en exil. La Suisse, la Hongrie puis Madère jusqu'en 1922 pour Charles qui décède d'une pneumonie mal soignée. Ses derniers mots sont pour Zita « Je t'aime tant. » Si ce n'est pas de l'amour … Zita, encore belle et à tout juste trente ans, portera le veuvage jusqu'à la fin de sa vie en 1989.

Bonne St Valentin à tous et toutes ♥

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