jeudi 10 mai 2018

Le Palais des Doges de la belle Venise



Ah, Venise … Un voyage magnifique où j'ai tellement à vous dire. Et commencer par le Palais des Doges – ou Palazzo Ducale – me semble essentiel, présenter le cœur du pouvoir de Venise, avant de vous parler de la ville en elle-même. La Palais n'est pas un palais au sens où on peut l'entendre traditionnellement dans les cours européennes avec les courtisans et centre de la vie nobiliaire. Bien sûr, le Doge y vit avec sa famille, mais le Palais regroupe toutes les institutions du pouvoir et de la justice. On y débat, juge, délibère et emprisonne, tout cela derrière cette magnifique façade. On va pénétrer ensemble dans l'enceinte de ce palais, bien sombre malgré les dorures, mais si fastueux !


Je vais être directe : j'ai adoré Venise, il entre directement dans mon top 4 des voyages, avec Vienne, Copenhague et Lisbonne. J'ai apprécié chaque visite, chaque endroit (malgré parfois un mal de dos de vieille) et je vous ferais d'autres articles sur mes différentes visites. Mais il y a trop à dire sur le Palais des Doges pour le mettre entre deux autres endroits, une histoire trop riche, de trop grandes institutions et trop d'émotions pour un seul endroit. C'est simple, nous y avons passé environ cinq heures entre la visite de la cour, une visite guidée et le palais en lui-même. Nous n'avons pas souffert du monde (on a même eu la cour vide en partant) mais il y avait tellement de choses à voir, de détails qu'il fallait bien une demi-journée pour profiter. De plus, la République de Venise possède un système complexe, très bureaucratique, il peut s'avérer difficile de s'y retrouver. Heureusement, j'avais mon spécialiste de Venise à qui poser des questions (ciao Romain ♥).

Avant d'entrer dans la visite, un petit historique s'impose. Enfin petit, j'espère que vous n'allez pas faire une indigestion d'institutions vénitiennes ! La République de Venise voit le jour à la fin du VIIe siècle pour s'éteindre en 1797 (on dit merci à Napoléon Bonaparte), elle connaît une apogée durant tout le Moyen Âge grâce au commerce en Mer Méditerranée, avant de connaître un déclin à partir du XVIe siècle, puisque l'on fait davantage commerce avec l'Amérique. C'est d'ailleurs davantage le Siècle d'Or espagnol, puis hollandais, mais nous nous égarons. Si Venise perd des territoires, elle se console dans une vie de débauche et de jeux, mais se réfugie dans l'art et l'architecture, en témoignent les églises, les palazzi (les palais) et l'île de Venise en elle-même.

Les institutions vénitiennes s’emboîtent toutes pour garder une cohérence et vivre sous un régime tyrannique, comme ses voisins Milan ou Florence (et on fait coucou aux Sforza et Médicis ! ), tout est pensé pour garder la république intacte. Enfin, une république oligarchique tenue entre les mains des grandes familles (dites patriciennes), mais Venise peut se vanter d'avoir gardé le cap toutes ces années. Je vais essayer d'être concise pour expliquer le plus gros.
Tout en haut de la hiérarchie, il y a le Doge. Avec son mandat à vie, on préfère le prendre vieux pour changer régulièrement, histoire que tout le monde en profite. S'il vit au Palais, il lui est interdit de quitter Venise, ni d'aller au théâtre. Le Doge fait aussi partie du Collège Suprême, avec six conseillers, le chancelier et le président du Conseil des Dix. Et de là sont nommés trois Inquisiteurs de l’État (rien à voir avec l'Inquisition de brûler des hérétiques, même s'ils n'étaient pas les plus sympas). Tout cela forme les organes les plus hauts de la République.






Ensuite vient le Grand Conseil, où sont réunies les familles patriciennes, environ un millier de personnes. Il débat des propositions politiques, promulguent les lois et nomment les hauts magistrats. Mais ce Grand Conseil a lui-même de conseils de niche, spécialisés … Ah, les joies de la bureaucratie ! D'ailleurs, c'est lui qui élit le Doge au terme d'un conclave complexe et très technique ! Le Grand Conseil élit tous les ans le Conseil des Quarante, soit le tribunal de Venise, lui-même divisé en trois : la criminelle, la civile et la nouvelle civile ; mais aussi le Conseil des Dix – où ils sont en réalité dix-sept – chargé d'assurer la sécurité de la Sérénissime, éviter la corruption et garantir les institutions vénitiennes. Pour finir sur une dernière grande institution, on doit parler du Sénat, élu en partie par le Grand Conseil aussi, chargé de la politique extérieure et de la nomination des ambassadeurs. On peut aussi citer la Chancellerie et l'Inquisition, mais j'en reparlerais plus tard.

Quel est le rapport avec le Palais des Doges ? Hé bien, toutes ces institutions se trouvaient au Palais ! Donc vous pouvez le devinez, cela ne laissait pas de place aux courtisans venus danser et lancer des ragots comme dans les palais traditionnels, même si le Doge était tenu d'organiser un grand banquet chaque année. Sur ses bas de laine perso, la République ne paie pas les teufs ! Maintenant que vous comprenez la fonction du Palais, il est temps de vous en faire une petite visite.

Pour nous, la visite a été en deux parties : nous avons d'abord commencé par une visite guidée d'endroits cachés, puis la visite classique. Je vais faire pareil sur le blog. Alors, quelle est cette visite ? Il s'agit d'Itinéraires Secrets, où l'on visite des salles cachées du Palais des Doges et la fameuse prison des Plombs. La visite commence au rez-de-chaussée avec le Puits. Alors on arrête d'imaginer Blanche-Neige, on est dans une prison horrible, au niveau du canal avec des conditions de détention épouvantable : à dix dans une cellule de quatre, avec juste une paillasse, l'eau pouvant entrer dans les cellules, les chiffres des portes écrites à l'envers … Plus qu'une prison, c'était vraiment l'Enfer. On sent d'ailleurs l’humidité à l'intérieur et quand on entrait ici, pas sûr d'en sortir vivant … Par de petits escaliers, on accède à la Chancellerie, et au bureau du grand Chancelier. De petites pièces, avec des panneaux de bois au mur, sobre et surtout, le lieu du secret absolu. Et que faisait cette institution au milieu des autres ? Le Grand Chancelier ne venait pas de familles patriciennes mais de la bourgeoisie, permettant à la République d'avoir les bourgeois et marchands de leur côté, enfin surtout leur argent. Il était nommé à vie, et avait en remerciement la possibilité d'être anobli ! Pour simplifier, il est une sorte de Premier Ministre, ses secrétaires rédigeaient l'ensemble des textes de lois, des traités de commerce, de paix, constituaient des archives, bref la base de toute bureaucratie. Et malgré tous ces papiers, rien ne devait être vu dans son bureau, avec de nombreuses cachettes. Le rôle du chancelier est compliqué, personne très important, mais en même temps dans des bureaux secrets, il était la plaque tournante de la République !






On continue la visite, et après quelques bureaux de la Chancellerie, on passe … à la salle de torture ! Sympa la transition, puis surtout de travailler à côté du gars hurlant à la mort. Mais là encore, les vénitiens ont pensé à tout : la torture et l'Inquisition travaille seulement de nuit, laissant la Chancellerie et les autres institutions travailler sans cris durant la journée. Et en plus, une mise en scène impeccable. Le condamné est éclairé grâce à la fenêtre en hauteur, les inquisiteurs sont plongés dans l'ombre, et tout autour, des cellules de prisonniers spectateurs de la torture. Un autre niveau de la justice. Pour la torture, rien de sanglant, que de l'efficacité : le bourreau attache les mains dans le dos du suspect par une corde suspendue au plafond, puis le soulève petit à petit … Oui, ça devait faire mal et avec toute cette mise en scène, les torturés devaient avouer souvent.




Là, on continue de monter, jusqu'à se retrouver sous les toits. La fameuse prison des Plombs. A première vue, c'est tout de même plus luxueux que le Puits. Mais le toit du Palais des Doges était recouvert de plomb (d'où le nom), cela donnait une température glaciale en hiver, et une fournaise en été. Ici, les prisonniers ont plus de confort, à condition qu'ils paient. Et qui est le plus célèbre prisonnier de la prison ? Giacomo Casanova ♥ Il est d'ailleurs le seul (avec son complice) à s'être évadé de prison. Il faut que je vous raconte l'anecdote de sa première évasion ratée : dans sa première cellule, Casanova creuse un trou sous son lit, et pense s'échapper ainsi, mais il est changé de cellule la veille de son évasion prévue. Heureusement qu'il ne l'a pas fait, car juste en-dessous de sa cellule se trouvait … la salle de l'Inquisition, où ces messieurs travaillaient de nuit ! J'imagine bien la scène, où il saute, arrive dans cette salle face à ce tribunal suprême constitué de trois personnes, et où il fallait vraiment éviter d'être en face. « La Quarantie, la prison ; L'Inquisition, la sépulture » résume bien …




On redescend et on atterrit dans les dernières salles via … une porte secrète ! En face c'est un placard basique, et celui là a l'air d'un placard mais il cache un escalier. Malheureusement, la salle des Inquisiteurs est en restauration, mais cette visite était très intéressante, et donne un œil neuf sur le Palais des Doges, avec ses secrets. Si vous voulez faire cette visite, il faut réserver en avance, il y avait des visites en français deux fois par jour, je vous donne le lien : Itinéraires Secrets.





Et maintenant, la visite classique. Pour un palais où chaque salle est une institution différente, on ne manque pas de classe. Des dorures, sculptures, stuc, peintures à en perdre de la tête. La Salle du Collège, du Conseil des Dix et du Grand Conseil sont bien sûr les plus belles. Cette dernière est un véritable chef-d’œuvre architectural rien qu'avec ses dimensions : 54 m de longueur, 25 m de largeur, et 15,40 m de hauteur ! Pour vous situer, elle est un peu plus courte que la Galerie François 1e à Fontainebleau mais quatre fois plus large ! Même la Galerie des Glaces ne la bat pas en largeur, il en faut deux pour arriver à la largeur de la Salle du Conseil. Et au mur, cette énorme fresque du paradis peinte par le Tintoret achève tout.








Si quelqu'un sait ce que fout l'armure d'Henri IV à Venise, je suis preneuse ! 

Je ne vais pas vous faire un parcours détaillé du Palais des Doges, mais toutes les salles ont une fonction précise, servent à une institution, tout est calibré et pensé en terme de pratique, aussi bien que de décorations avec les allégories sur les plafonds et le choix des peintures. Encore une fois, on n'est pas chez des amateurs.








Par contre, il n'est pas possible de voir les appartements du doge, servant de salles d'exposition et ayant l'air en assez mauvais état. Par contre, une autre visite guidée existe sur ses appartements privés, je ne l'ai pas faite, l'occasion de revenir ! La visite se poursuit en traversant le pont des Soupirs. STOP, je tiens à le dire, il n'a rien de romantique ! Il sert de pont entre le tribunal et la nouvelle prison, les soupirs étant ceux des condamnés regardant une dernière fois Venise. Rien d'amoureux, de romantique, pas besoin de faire des selfies devant, merci ! Par contre, la visite est très intéressante. Par rapport aux deux prisons précédentes, les prisonniers avaient un air frais et de la lumière, les conditions s'étaient améliorées. Ce que j'ai adoré, comme toutes les anciennes prisons (comme Vincennes ou La Rochelle), ce sont les graffitis. Non, pas Kévin+Mathilde 2012, mais ceux des prisonniers, sur les rebords de fenêtres ou ces immenses dessins sur les murs et le plafond. Les portes sont petites (avec mon 1m61, elles m'arrivaient à la taille), il faut se baisser pour admirer cela, et je pense que beaucoup passent à côté.








Avec tout cela, nous y avons passé l'après-midi et après une dernière fois à prendre en photo la cour et admirer l'escalier des géants, nous sommes sortis par la porte della Carta pour retrouver la Place Saint Marc avec ses touristes. 



Un graffiti de 1640 dans la cour ! 







Une visite dépaysante, instructive pour mieux comprendre le système complexe de la République de la Sérénissime, mais aussi un enchantement artistique ! Chanceux peut être, nous n'avons pas souffert de la foule et avons pu prendre le temps de tout regarder, admirer les tableaux, chercher les détails et prendre notre temps. S'il n'y a qu'une visite à faire à Venise, c'est bien le Palais des Doges ! Quant au reste de mes visites, elles arrivent bientôt …

Et vous, avez-vous déjà visité le Palais des Doges ? N'hésitez pas à donner votre avis en commentaire et raconter quelques anecdotes ♥



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