lundi 4 janvier 2016

4 janvier 1802 : Mariage d'Hortense de Beauharnais et Louis Bonaparte


Pour le premier article de l'année, on va se réjouir un petit peu et parler mariage ! Bon d'accord, une union pas du tout heureuse, mais malheureusement comme beaucoup à l'époque … Il s'agit de tout de même du mariage de la fille de l'impératrice et du frère de l'empereur, on ne peut pas tout avoir non plus. Mettons notre plus bel habit de style empire, et retournons au début du XIXe siècle.



Drôle de mariage en ce jour tout de même. Voici Hortense de Beauharnais, dix-neuf ans, magnifique jeune femme pleine de vie, devant l'autel pour épouser Louis Bonaparte, vingt-quatre ans, jeune homme intelligent mais atteint de paralysies dues à une maladie vénérienne. Assez peu assortis, leur mariage au Palais des Tuileries annonce un avenir sombre entre ces deux contraires assez peu faits pour partager leur vie ensemble.

Mais alors pourquoi s'acharner, alors que la demoiselle aurait pu faire un mariage peut être plus prestigieux, ou même pourquoi pas d'amour ? Cela n'est l'effet que des intrigues de la mère d'Hortense, Joséphine de Beauharnais. Épouse du premier Consul, elle n'arrive pas à lui donner d'héritier, Hortense est issue de son premier mariage comme son fils Eugène, et pour continuer à s'assurer de sa place, et celle de ses enfants, au sein du clan Bonaparte qui la hait, a voulu caser sa fille avec le frère cadet de Napoléon. Ce dernier trouve les bons mots d'ailleurs « J'ai élevé Louis, je le regarde comme mon fils. Ta fille est ce que tu chéris le plus au monde. Leurs enfants seront les nôtres. Nous les adopterons, et cette adoption nous consolera de n'en pas avoir. » (Mémoires de la reine Hortense) Il faut dire que Joséphine aime tellement sa fille qu'elle ne se consolerait pas de la voir partir loin d'elle, cela aidait aussi à monter ce plan.

Qu'en pense l'intéressée ? La demoiselle a le cœur romanesque, rêve d'une belle histoire, de grandes envolée, de bonheur. Mieux, son cœur bat pour quelqu'un d'autre. Michel Duroc, dit « l'ombre de Napoléon », est le premier aide de camp du Premier Consul, son émissaire diplomatique, l'homme de confiance. Un homme beau et intelligent, de bonne morale, de confiance et généreux, il semblait le parfait parti pour Hortense mais le jeu complexe de la politique ont raison d'eux. Elle devra épouser un Bonaparte, lui s'unira avec une noble espagnole, Marie-des-Neiges Martinez de Hervas, avec qui il aura deux enfants avant de mourir à cause d'un boulet de canon en 1813.



Une fois le couple consulaire d'accord, il fallut informer la jeune Hortense, savoir quel était son avis sur la question. Bourrienne, serétaire intime de Napoléon Bonaparte, fut envoyé pour lui en parler. Il employa une tournure assez partiale, à la limite de la culpabilité, qu'Hortense rapporte dans ses mémoires :
« Je suis chargé de vous proposer une chose que votre mère et le Consul désirent vivement. Ils veulent vous unir au colonel Louis Bonaparte. Il est bon, sensible. Il a des goûts simples. Il appréciera tout ce que vous valez et c'est le seul époux qui puisse vous convenir. Cherchez autour de vous ; qui voudriez vous épouser ? Le moment est venu d'y songer sérieusement. Personne jusqu'à présent ne vous a plu et si votre cœur s'arrêtait à un choix qui ne fut pas agréé de vos parents, consentiriez vous à leur désobéir ? Vous aimez la France. Voudriez vous la quitter ? Votre mère ne pourrait supporter la pensée de vous voir unie à un prince étranger qui vous séparerait d'elle pour toujours. Son malheur, vous le savez, est de ne plus espérer d'enfants. Il est en vous de le réparer et d'en prévenir peut être un plus grand. Sachez qu'on ne cesse de former des intrigues autour du Consul pour l'amener au divorce. Votre mariage est seul capable de resserrer et de raffermir des nœuds dont dépend le bonheur de votre mère. Hésiteriez vous à le faire ? »

Ambiance. Hortense demande huit jours de réflexion pour donner sa réponse. Dans ses mémoires, elle raconte que sa raison lui dit de dire oui mais que son cœur la tourmente. Refuser les passions de l'amour pour la sagesse, difficile quand on est si jeune et si passionnée. Après avoir demandé quelques conseils, notamment à Madame Campan, ancienne femme de chambre de Marie-Antoinette et amie de Joséphine, avant de finalement accepter. Telle un personnage de tragédie grecque, elle consent à se sacrifier, non sans doute quelques larmes.

Portrait de Louis Bonaparte, de Charles Howard Hodges

Quelques temps avant la cérémonie, on apprit qu'un autre frère de Napoléon Bonaparte, Lucien, avait demandé la main d'Hortense mais le Consul avait refusé tout net. Lucien avait essayé donc de dissuader Louis d'épouser la jeune femme, en vain. Mais il ne fit pas grand chose pour essayer de se rapprocher d'elle. Il ne lui parlait rarement en public, ne demandait jamais audience. Par contre, il lui écrivit une lettre de vingt pages sur sa vie, son ancien amour, ses goûts, et espérait qu'il épousait une jeune femme tranquille, indifférente aux mondanités. Bon déjà, lui non plus ne semblait pas emballé ! Le mariage fut repoussé à plusieurs reprises, jusqu'à ce 4 janvier 1802, jour de noces !

Le mariage fut en comité réduit mais non moins élégant : la mariée portait une robe garnie de fleurs, Napoléon lui avait donné une parure de diamants, les témoins furent des proches du Consuls et la cérémonie dans les grands appartements des Tuileries (aujourd'hui disparu). Rien de bien grandiose, juste officialiser cette union dont personne semble ne vouloir, Joséphine a fait repousser plusieurs fois la date, elle pleura au mariage. Hortense, tétanisée par tout cela, a tellement peur d'être inaudible, que son oui est un peu trop fort. Puis direction rue de la Victoire, où un hôtel particulier est destiné au couple. Le cardinal Caprara les attend dans une chapelle provisoire pour la bénédiction nuptiale, en même temps que Joachim Murat et Caroline Bonaparte, mariés avant le rétablissement du culte catholique en France. Hortense y voit un mauvais présage : eux sont un couple si heureux, elle a peur de prendre tout le malheur.




Et finalement ? Elle eut raison. Louis Bonaparte possède un bien mauvais caractère, se froisse rapidement et est atteint de neurasthénie pathologique qui se transforma en maladie de la persécution. Le couple se déchire, s'éloigne. Quand Napoléon, devenu empereur en 1804, donne le royaume de Hollande à son cadet, Hortense rechigne à l'accompagner et ne passe que très peu de temps à ses côtés. Ils réussissent malgré tout à avoir des enfants : Napoléon-Charles, adopté par l'empereur pour en faire son héritier mais décède en 1807, Napoléon-Louis, et Louis-Napoléon, futur Napoléon III. Louis ne voulut pas reconnaître cet enfant, il le fera sous pression de l'empereur. Le couple s'éloigne et Hortense, amoureuse devant l’Éternel, s'éprend de Charles de Flahaut, aide de camp de Murat et aura un enfant illégitime, le futur duc de Morny. A la chute de l'Empire en 1814, puis en 1815 après les Cent Jours, chacun mènera sa vie de son côté sans jamais se croiser, Louis en Italie, avant de décéder en 1846 à Livourne, et Hortense en Suisse avant de quitter ce monde à Arenberg en 1838. Et vive les mariés !

2 commentaires:

  1. Horteeeense <3 J'adore Lucien qui veut l'épouser et tente de persuader Louis de ne pas se marier avec elle. Lucien... !

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