dimanche 24 avril 2016

24 avril 1558 : Mariage de François II et Marie Stuart


Après les morts, je me spécialise dans les mariages. Après tout, il fallait bien des mariages pour perpétrer les dynasties, surtout royales. Pas question d'avoir un polichinelle dans le tiroir avant de passer devant l'autel, sinon sacrilège ! Et encore plus au 16e siècle. Bon d'accord les deux mariés du jour n'auront pas le temps d'avoir d'enfant, mais on ne le savait pas vraiment au moment du mariage. Plus que l'union entre deux pays, on scelle celle de deux royaumes. Le futur roi de France et la petite reine d'Ecosse ne sont pas restés mariés longtemps, voici leur histoire …


A cette époque, les mariages ne sont pas toujours heureux et très souvent arrangés. Surtout dans les hautes sphères du pouvoir. Tout le monde trouvait cela normal qu'on cherche à marier des héritiers du trône aux meilleurs partis possibles. L'amour ? Ce n'était pas un critère de sélection, même si tout le monde espérait que le couple s'entende, au moins pour partager le lit conjugal le temps de faire des enfants. Les protagonistes furent fiancés à quatre ans, et on a tout fait pour qu'ils s'aiment jusqu'à ce qu'ils aient l'âge d'enfin se marier. Mais qui sont-ils ?

Marie Stuart enfant, par François Clouet
Marie Stuart naît tristement six jours après la mort de son père, le roi Jacques V d’Écosse. Sa mère, Marie de Guise, de la puissante famille de Guise, doit assurer la régence dans un pays en proie aux tumultes, avec l'Angleterre toute proche à essayer d'annexer ce royaume voisin sur son île. Unique enfant survivante du couple, la petite Marie est couronnée à neuf mois reine d’Écosse, et est déjà l'objet de toutes les attentions, notamment matrimoniales. Le roi d'Angleterre Henry VIII a un fils, Édouard, et les fiançailles entre les enfants se font. Mais ce dernier veut que la petite fille soit éduquée à Londres, ce que refuse la reine régente. Puis elle cherche en la France une alliée. Cela tombe bien, HenriII et Catherine de Médicis ont mis au monde un fils, le petit François. Les alliances franco-écossaises se font régulièrement, au gré de la menace de leur ennemi commun, l'Angleterre. Après la mort de François 1e, son fils Henri monte sur le trône et décide d'aider ce royaume en fiançant son fils à la petite reine, mais aussi à l'accueillir en France pour parfaire son éducation. Début août 1548, à l'âge de 5 ans, Marie Stuart quitte sa patrie pour rejoindre celle où elle est destinée aussi à régner : la France.

François II, par François Clouet
Son arrivée permet de se livrer à des manifestations de joie tout au long de son chemin de Roscoff à Paris, voyage de deux mois, avant de paraître dans sa nouvelle famille. Belle enfant, douce et charmante, elle fait fondre le roi de France qui eut ces mots
« la petite reine d’Écosse est l'enfant le plus accompli que j'ai vu. »
Elle grandit avec la famille Valois, au milieu des nombreux enfants de la famille, en particulier Élisabeth, future reine d'Espagne. Par cela, elle bénéficie d'une grande éducation, de quoi en faire une parfaite princesse française de la Renaissance. Avec un don pour les langues, elle apprit le français (renonçant à l'écossais), le latin, l'italien, l'espagnol ; elle savait chanter, jouer du luth, dessiner, peindre, broder, danser … Elle était admirée et aimée, avec une belle conversation, mais aussi dotée d'un caractère impérieux, elle se mettait dans de grandes colères et il fallait lui céder. On évita soigneusement de lui parler de l’Écosse, trouvant cela insignifiant. Cela lui portera préjudice plus tard. Mais en attendant, elle grandissait aux côtés de son fiancé. François avait treize mois de moins que sa belle, était malingre, assez rachitique, avec un retard de croissance dû à une malformation du pharynx, souvent malade et d'une pâleur cadavérique. Lui par contre n'avait aucun goût pour les études ou les arts mais s'en moquait assez, il préférait rester dans son monde.

Marie lui fit comme un petit rayon de soleil. Pour elle, l'enfant fit beaucoup d'efforts, sortit de sa réserve, se mit au sport et à la chasse, jusqu'à l'abus et l'épuisement. Les deux enfants furent encouragés par leurs familles – les Guises protégeaient leur nièce – à s'aimer et se voir. Ils passèrent leur enfance à imiter les adultes dans leur comportement amoureux. Sans doute cela a t'il tissé de véritables liens, ils ont tout de même passé presque dix ans ensemble.

Ils furent fiancés officiellement le 19 avril 1558, avant de se marier. Le roi avait reculé plusieurs fois le mariage car le jeune François n'avait passé la puberté, et il négociait aussi le contrat de mariage. Ce dimanche 24, pour la première fois depuis 200 ans, un dauphin se mariait dans Paris ! Le couple se rendit à la cathédrale Notre Dame à la décoration de fleur de lys, au son des trompettes. Marie Stuart fit son entrée dans l'église entourée du roi Henri II et de son cousin le duc de Lorraine. Fait étonnant, elle porte une robe blanche (couleur de deuil pour les reines de France en temps normal) avec une longue traîne portée par des demoiselles d'honneur, avec sur sa tête, une couronne sertie de perles et pierres précieuses. Ils sont assez mal assortis à dire vrai, Marie est grande (une tête de plus que son époux), belle, élancée alors qu'il est assez maigre et pâle.

François de Valois et Marie Stuart, par François Clouet
 (livre d'heures de Catherine de Médicis)
Après la cérémonie, un bal est donné, puis une procession dans la ville pour se montrer au peuple, puis un nouveau bal. Évidemment, malgré les caisses vides, il fallait du faste, du grandiose à ce mariage. Le clou du spectacle fut des bateaux avec des voiles en argent et des roues invisibles où l'on pouvait faire monter la cavalière de son choix, bien sûr toujours dans un souci d'étiquette !

Au niveau politique, François devient roi-consort d’Écosse, en partage du pouvoir avec son épouse. Mais après le traité officiel, donnant la liberté à l’Écosse en cas de décès de la jeune reine, Marie Stuart signe un avenant contredisant le plan des écossais : si elle meurt, l’Écosse revient à la France. D'après les historiens, la jeune femme n'aurait même pas lu les documents, faisant confiance aveugle à son entourage. Après tout, elle n'a que quinze ans.

Et après cela ? Il n'est pas vérifié que le mariage eut été vraiment consommé, François n'ayant pas fini sa puberté. Ou si cela a été fait, ce fut de manière bien imparfaite. Quand Henri II mourut le 10 juillet 1559, François devient François II, roi de France. Un règne très court, où le caractère difficile du monarque ne s'arrangea guère au contact des responsabilités : taciturne, passant de colère au mutisme, il avait Marie a ses côtés, patiente et affectueuse. Mais le souverain malade mourut le 5 décembre 1560, d'un mal à l'oreille. Son frère, Charles IX, dix ans, prit sa place sur le trône. Quant à Marie Stuart, libérée de ses obligations de reine, âgée de 18 ans, s'en retourna en Écosse, où elle poursuivit sa vie maladroite et malchanceuse jusqu'à sa mort en 1587. Cette fin de 16e siècle ne fut heureux ni pour la reine d’Écosse qui dut affronter les troubles de son royaume, ni en France où les Valois se succédèrent sur le trône, sur fond de guerres de religion

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