A l'occasion du 8
mars, journée internationale des droits des femmes, je voulais
mettre en avant trois reines de France que l'on oublie facilement. En
effet, beaucoup n'ont pas forcément marqué l'histoire par leurs
scandales, leurs forces politiques ou par leurs vies trépidantes,
mais elles ont épousé un roi de France, donné un héritier, ou
plusieurs, ou pas d'ailleurs, mais leurs noms sont attachés à
jamais à la France. Il n'y a pas que Aliénor d'Aquitaine, Blanche
de Castille, Anne de Bretagne, Catherine de Médicis ou
Marie-Antoinette. J'en ai sélectionné trois parmi tant d'autres
pour vous en parler aujourd'hui.
J'aime bien ce petit
rituel pour le 8 mars, mettre en avant un certain type de femmes.
L'an dernier, j'avais présenté quatre femmes dans l'Histoire, et il
y avait de tout. Cette année, j'ai voulu resserrer sur un thème
bien précis. Femmes politiques ? Écrivaines ?
Maîtresses ? Aventurières ? Il y avait de quoi faire, et
je peux faire un thème chaque année jusqu'à ma retraite !
Mais autant faire simple, et prendre un thème que j'apprécie, c'est
la monarchie française. Alors pourquoi pas un thème des reines ?
Et pour ne pas trop m'éparpiller, j'ai choisi les reines de France.
Et des reines il y en a eu ! Depuis Hugues Capet, il y a eu
trente trois rois de France et quarante neuf reines ! Hé oui,
il faut bien assurer la lignée et si une meurt en cours de route, on
la remplace. Je vous l'ai répété moult fois, l'amour dans le
mariage royal, on oublie. Si ça arrive tant mieux, sinon tant pis,
on s’accommode l'un à l'autre. Mais une chose est certaine, on ne
choisit pas une reine de France par hasard, il y a les critères
politiques qu'il faut prendre en compte. Les paysannes ne deviennent
pas reine, nous ne sommes pas en Russie.
Mais trêve de
bavardages, je vous ai trouvé trois reines, trois origines, trois
histoires, trois époques différentes et j'espère que vous pourrez
citer ces reines quand on vous parlera de reines de France (ce qui
est une conversation tout à fait classique).
Marguerite de Provence
Statue de Marguerite de Provence au jardin du Luxembourg (Wikimedia Commons) |
Marguerite
est la fille aînée de Raimond Bérenger V, comte de
Provence, qui a seulement quatre filles survivantes. Il faut savoir
que la Provence n'est pas encore dans le royaume de France, tout
comme le comté de Toulouse, et les différents rois de France
cherchent à avoir la main mise sur ces régions du sud un peu trop
rebelles et attachés à l'Aragon ou aux religions hérétiques avec
les cathares. Pourtant, la reine-mère Blanche de Castille
n'est pas pressée de marier son fils, le roi Louis
IX. Ce dernier demande à son envoyé du Languedoc, Gilles
de Flagy, de se renseigner sur le comte de Provence et sa fille.
Le chroniqueur Guillaume de Nangis explique que le roi de
dix-neuf ans fait la demande de se marier « non pour cause
de luxure mais pour procurer une lignée. » Et Marguerite,
jeune fille de treize ans, est parfaite, le dynastie capétienne met
un pied en Provence.
Pour information, les
trois sœurs de Marguerite n'ont
pas fait des mariages de merde : la seconde Aliénor
épouse le roi d'Angleterre Henri III ; la troisième
Sanchie se marie à Richard de Cornouailles, frère du
roi d'Angleterre, qui sera couronné roi des Romains mais il manque
de peu le titre d'empereur ; la dernière Béatrice
devient l'héritière du comté de Provence à la mort de son père
en 1245, épouse le frère de Louis
IX, Charles d'Anjou, et le couple obtiendra le royaume
de Sicile. Amusant est que tout ce beau monde se retrouve à la fin
des années 1250 pour un grand dîner familial, et royal !
Mais revenons à
Marguerite ! Le mariage est
annoncé avant l'Ascension de 1234, le temps que le roi et sa suite
quittent Paris et que la jeune femme remonte jusqu'à Sens en
compagnie de son oncle Guillaume de Savoie, évêque de
Valence, et le couple se marie le 27 mai 1234. Comme souvent
au Moyen Âge, le mariage se fait en deux temps : tout d'abord
sur une estrade devant l'église où se déroule le rite catholique
avec le consentement des époux et l'échange des anneaux, puis tout
le monde entre dans l'église pour une messe. Le lendemain,
Marguerite est couronnée reine de France. Louis IX, connu
pour sa piété et selon le rite des trois nuits de Tobie, il ne
couche pas avec son épouse avant le troisième soir. Mais le couple
royal ne voit pas la naissance d'un enfant durant six ans, jusqu'à
la naissance de Blanche de France en 1240. Bon après, les
enfants vont s'enchaîner : 11 enfants en vingt ans, joli score.
La reine-mère Blanche de Castille n'a pas été tendre avec
sa belle-fille, et possessive avec son fils, car elle n'hésitait pas
à faire irruption dans la chambre de l'un ou l'autre. Une anecdote
est révélatrice. Après un accouchement difficile, la reine
Marguerite est malade et alitée, son époux Louis IX la
veille mais Blanche de Castille veut faire sortir son fils de
la chambre. Marguerite
répondit « hélas, vous ne me laisserez voir mon
seigneur ni morte ni vive. » avant de s'évanouir. La
croyant sur le point de mourir, Louis IX resta auprès de son
épouse.
Marguerite
est fidèle à son mari, même si elle raconte volontiers au
chroniqueur Joinville que Louis IX est un mari à
l'humeur changeante, difficile avec elle, voire tyrannique. De plus,
il ne s'investit pas auprès de ses enfants quand ils sont jeunes,
mais plus attentifs en grandissant. Pourtant, elle le suit
volontiers, et en croisade s'il le faut ! En 1248, le
roi, ses barons, ses frères ainsi que Marguerite
partent pour le sol port du royaume en Méditerranée, Aigues Mortes.
Direction, l’Égypte ! Oui, la croisade sert pour reprendre
Jérusalem aux mains des musulmans mais Louis IX veut passer
par l’Égypte, et remonter la côte. La prise de Damiette est une
réussite mais le roi décide de descendre le Nil et est fait
prisonnier. Marguerite devient
chef des croisés restés sur les navires en mer, et se dépêche de
dégoter la rançon. Grâce à elle, Louis IX ne reste
prisonnier qu'un mois, et la croisade reprend jusqu'en 1254.
Pendant ces six années, Marguerite
accouche de trois enfants durant ce périple.
Le 15 mars 1270,
Louis IX repart pour son ultime croisade, dit au revoir à
Marguerite et part pour Tunis,
mais ne reviendra pas. Marguerite
ne laisse pas sa place pour autant car elle restera auprès de son
fils Philippe III le Hardi, puis se retira à l'avènement de
son petit-fils Philippe IV en 1285. Elle se retire et
travaille pour les fondations pieuses avant de mourir en 1295
et être inhumée à la basilique St Denis.
Marie-Thérèse
d'Autriche
La reine Marie-Thérèse et son fils le Dauphin, par Charles Beaubrun, 1663 (Musée du Prado) |
Nous passons du 13e
siècle au 17e siècle, et on quitte la Provence de Marguerite pour
l'Espagne de Marie-Thérèse.
Elle est la fille du roi Philippe IV d'Espagne et d'Isabelle de
France, qui s'occupe de son éducation. Elle la confie à la
comtesse Olivares, puis par la comtesse Paredes de Nava, une
femme cultivée parlant latin, italien et sachant mener la
conversation, et elle devient la gouvernante de l'infante en 1644. La
jeune infante mène une vie très stricte à l'espagnole où tout est
réglementé : toilette, repas, entourage … elle grandit dans
une cage dorée et n'apparaît que très peu à la Cour et devant le
peuple, elle reçoit très peu de visites aussi. Son destin bascule
une première fois quand son frère Balthazar, héritier de la
couronne, décède subitement en 1646. Sur neuf enfants du
couple royal, il ne reste plus que Marie-Thérèse.
Et contrairement à la France, les femmes peuvent régner en Espagne,
l'infante devient héritière du royaume. Son éducation est confiée
à des hommes érudits comme Jean de Palme, ancien gouverneur
de sa mère, puis André de Guadalupe, elle apprend à « vivre
au milieu du grand monde sans l'esprit du monde ».
La jeune enfant continue
de mener une vie recluse avec ses naines, ses chiens et quelques
amies bien choisies, mais son père la fait apparaître publiquement
de temps à autre, comme le 15 mai 1648 à Madrid, devant un peuple
en liesse. Elle participe aux sorties équestres avec son père et
chasse très bien au fusil avec lui. Mais Philippe IV, vieux
roi las, se remarie en 1649 avec Marie-Anne d'Autriche, sa
nièce en 1649. Il a quarante-trois ans, elle quatorze (tss tss,
cherchez pas, c'est normal en Espagne) et il espère toujours
avoir un jour un fils. Deux filles naissent tout d'abord, laissant
champ libre à Marie-Thérèse
d'accéder un jour au trône. Mais voici que le 20 novembre 1657, la
reine donne un fils, Philippe-Prosper (mais
ce sera un second fils, Charles II qui régnera sur l'Espagne),
et Marie-Thérèse manque de s'étouffer avec son œuf en
apprenant la nouvelle ! La loi est claire, une femme ne règne
seulement s'il n'y a pas d'héritier mâle, elle est donc reléguée
à la seconde place de la succession, à l'âge de dix-neuf ans. Et
en tant qu'infante d'Espagne, elle fait partie des demoiselles les
plus courtisées, avec les archiduchesses d'Autriche, bref quand on
fait partie de la famille Habsbourg. Contrairement aux portraits des
français – les seuls à la trouver stupides et moches –
Marie-Thérèse est une jolie
fille blonde aux yeux bleus (oui, cela ne fait pas très
espagnol), de petite taille mais avec des traits impressionnants
lui donnant un air grave, et un regard emprunt d'intelligence. La
ressemblance avec sa mère est même frappante. Autant dire qu'elle
passe des heures à poser pour ses divers prétendants. Deux se
détachent du lot : son cousin Léopold, futur empereur Léopold
1e du Saint Empire, et son autre cousin le roi de France Louis
XIV. Marie-Thérèse se tient
informée des tractations maritales et a son propre avis : elle
préfère Louis XIV « par son mérite, par sa
grandeur et sa personne devant contenter ses désirs. »
D'ailleurs, elle fait une révérence au portrait dés qu'elle passe
devant.
Cela tombe bien, la
France et l'Espagne se font la guerre depuis trop d'années, il est
temps de faire la paix, et de sceller cela par un mariage. Louis
XIV se voit contraint de renoncer à son premier amour Marie
Mancini pour le bien de l’État. Le traité est négocié sur
l'île des Faisans dés 1659 et on fixe le mariage à la fin du
printemps 1660. L'infante Marie-Thérèse quitte Madrid
avec son père pour la frontière pour Fontarrabie où elle rencontre
sa belle-mère (et tante) Anne d'Autriche, le cardinal
Mazarin et son beau-frère Philippe d'Orléans, dit
Monsieur. Théoriquement, elle ne doit pas rencontrer son époux,
mais Louis XIV tourne autour de la maison depuis un petit
temps, curieux de voir sa femme (puisqu'ils sont mariés par
procuration). Mazarin annonce qu'un inconnu se trouve devant
la porte, et la jeune femme voit passer la tête de Louis et
rougit. Monsieur, pour détendre l'atmosphère, demande en espagnol
« Que semble t'il à Votre Majesté de cette porte ? »
et Marie-Thérèse de répondre « elle
me paraît fort jolie. »
Le mariage fut célébré
le 9 juin 1660 à Saint Jean de
Luz, où elle devint officiellement reine de France. Marie-Thérèse
apporta avec elle en France le chocolat et les oranges qui
rencontrèrent un franc succès. Elle parlait assez mal le français
mais contrairement aux idées reçues, elle le comprenait très bien.
Cependant, ce n'est pas une femme du monde et préfère vivre dans
ses appartements comme elle le faisait en Espagne. Et si Louis XIV
lui préfère les favorites comme Louise de la Vallière et
Athénaïs de Montespan, il se montre un mari soucieux du bien
être de sa femme. Il avait « une considération infinie pour
la reine et se montrait sans cesse plus attentif et plus jaloux du
respect de la Cour pour elle que pour lui-même. » La preuve
est que Louis avait un rituel immuable : après les
divertissements, il partait souper (et plus) chez ses maîtresses
avant de rejoindre le lit de son épouse.
Pourtant, la double
consanguinité ne fit pas bon ménage pour leur lignée.
Marie-Thérèse donna six
enfants, mais seul l'aîné Louis, dit le Grand Dauphin,
atteint l'âge adulte. Sa vie espagnole se montre plus trépidante
que celle en France où elle demeure renfermée mais participe aux
événements selon son rang, aime jouer lors des soirées
appartements et dépense beaucoup. Discrète et pieuse, elle supporte
comme elle peut les infidélités de son mari. Au début des années
1680, sous l'influence de Madame de Maintenon, Louis XIV
se rapproche de son épouse et elle vit avec plaisir ce retour en
grâce « Dieu a suscité Madame de Maintenon pour me rendre le
cœur du roi ! Jamais il ne m'a traitée avec autant de tendresse que
depuis qu'il l'écoute ! »
Malheureusement, cela ne
dure pas, la reine Marie-Thérèse
meurt le 30 juillet 1683 d'une tumeur sous le bras.
« Voilà le premier chagrin qu'elle me cause » dit Louis XIV
apprenant sa mort. Inhumée à la basilique St Denis, son époux se
remarie en secret deux mois plus tard avec Madame de Maintenon …
Marie-Amélie de Bourbon-Sicile
La reine Marie-Amélie avec ses deux jeunes fils, le duc d'Aumale et Montpensier, par Louis Hersent, 1835 (Château de Versailles) |
Bon d'accord je triche un
peu, celle-ci ne fut pas reine de France mais reine des Français, la
nuance s'avère de taille, surtout après deux révolutions. Mais
elle est reine, et non impératrice comme Joséphine ou Eugénie, et
elle est très peu connue, tout comme cette période de la Monarchie
de Juillet, alors autant parler un peu d'elle.
Marie-Amélie
est, comme son nom l'indique, une Bourbon, de la branche espagnole.
Pour faire un rapide résumé, les Habsbourg d'Espagne se sont
éteints avec Charles II en 1700, une guerre a eclaté pendant
plus d'une décennie et la France a gagné, mettant Philippe
d'Anjou, petit-fils de Louis XIV, sur le trône d'Espagne
sous le nom de Philippe V. La branche espagnole s'est
elle-même scindée en deux pour les deux fils aînés de Philippe
V : Ferdinand garde l'Espagne et son frère Charles devient roi
des Deux-Siciles. C'est de cette dernière branche que vient
Marie-Amélie. Son père est
Ferdinand Ier des Deux-Siciles et sa mère, Marie-Caroline
d'Autriche, elle-même fille de Marie-Thérèse d'Autriche
et François III de Lorraine, donc la sœur de
Marie-Antoinette. Ah l'Europe, cette grande famille … Cette
grande fratrie de dix-huit enfants (dont sept seulement atteignent
l'âge adultes), Marie-Amélie
naît le 26 avril 1782 et sa mère se serait écriée
« Mon Dieu, encore une fille, encore une fille à marier ! »
et manque de mourir avant d'être sauvée. Ses parents sont des
personnalités particulières : Ferdinand s'en fout
complètement d'être roi, préférant chasser et lutiner de la
servante, et Marie-Caroline s'avère ambitieuse et d'une main
de fer.
Marie-Amélie
se révèle d'une grande intelligence, apprenant la lecture avant ses
trois ans et recevant des préceptes catholiques. Son destin est tout
destiné en tant que princesse, épouser un prince d'une grande
maison, et sa mère Marie-Caroline a entamé les négociations
avec la France, où sa sœur Marie-Antoinette est reine et a
mis au monde deux garçons. Elle grandit entre les palais d'hiver et
d'été à Naples, s'épanouit et se montre bien plus éveillée que
ses sœurs aînées. Pourtant, son tempérament colérique et prêt à
s'emporter doit être mater, sa mère ayant le même ! Pour
calmer l'enfant, rien de mieux qu'une éducation stricte à base de
peur du Seigneur pour calmer les ardeurs ! Si cela est efficace,
cela renferme l'enfant sur elle-même et elle s'empêche toute
spontanéité … Elle compense par l'apprentissage, elle parle
l'italien, l'allemand et apprend le français pour son futur mariage,
mais aussi la mythologie, l'histoire, la géographie, la danse, la
musique, la broderie, la conversation et le maintien. La panoplie
parfaite de la princesse modèle. Heureusement, son père Ferdinand
est là pour donner le sourire à ses enfants par de longues
promenades, visites de ferme et amusements d'enfants.
Mais ce bonheur familial
dure peu. La Révolution française embrase l'Europe, mais la famille
royale fuit en Sicile en 1798. En 1800, Marie-Amélie
quitte Palerme, le soleil méditerranéen pour Vienne. C'est une
jeune fille de dix huit qui commence son journal qu'elle alimentera
jusqu'à sa mort où elle raconte son départ, sa montée sur le
navire de l'amiral Nelson, partageant son temps entre pleurer et
prier. Elle perd tout : son destin de reine est terminé, elle
n'est plus qu'une princesse sans royaume … Pourtant, son séjour à
Vienne fut merveilleux au milieu de sa famille, la famille impériale
à Schönbrunn, au milieu des fêtes. D'ailleurs la jeune femme
connaît ses premiers émois avec l'archiduc Antoine, frère
de l'empereur François II. Beau, blond, bien fait, les deux
jeunes gens se tournent autour et le prénom revient souvent dans le
journal de la demoiselle. Malheureusement, Antoine se marie avec
l’Église pour devenir archevêque de Cologne et prince-évêque
de Münster en 1801, ce qui a été consigné dans le journal « Nous
avons assisté à Vienne dans la chapelle royale à la messe funèbre
pour l'âme de l'électeur. En route, maman nous a dit qu'Antoine
était destiné à être son successeur et qu’incessamment il
prendrait les ordres sacrés. » Si elle reste polie et
respectueuse dans son journal, elle espère que le bel Antoine
– qui n'a pas la vocation d'endosser les ordres – lui reviendra.
Mais elle reçoit une opportunité incroyable avec le prince des
Asturies, mais Marie-Caroline décide que son autre fille sera
future reine d'Espagne (ce qui n'arrivera pas, la jeune femme meurt
en 1806). Et si Marie-Amélie
croit toujours en sa liberté viennoise, l'empereur est clair :
les princesses napolitaines et les archiducs doivent se montrer moins
familiers. François II ne veut pas que sa famille épouse une
famille exilée, même si c'est la sienne. « J'aurais
voulu me mettre sous terre et mourir et je sentais mon cœur se
fendre de douleur. »
Si la famille arrive à
revenir à Naples après une contre-révolution, il faut maintenant
affronter le nouvel empereur des Français, Napoléon Bonaparte.
Pourtant, on pense davantage au mariage la sœur, Marie-Christine
et même Marie-Amélie écrit
dans son journal le 1e novembre 1805 « Le matin, après
avoir fait de la peinture, j'ai apprise l'heureuse conclusion du
mariage de Mimi avec le duc de Genevois. » Pourtant, on
sait qu'elle a été prise de vertiges et a pleuré dans sa chambre.
Mélange d'une nouvelle séparation, et qu'elle soit toujours vieille
fille à vingt-trois ans, ce qui commence à faire vieille pour
l'époque. Et pendant ce temps, la politique s'envenime et
Napoléon 1e fait abdiquer le couple royal, et tous partent pour
un nouvel exil en Sicile. Le royaume de Naples revient tout d'abord
au frère de Napoléon, Joseph Bonaparte, puis à Joachim Murat.
Deuxième exil, une
Europe en déroute face à « l'ogre corse », Marie-Amélie
se voit finir à Palerme au milieu de sa famille. C'est fou comme le
destin peut changer avec un rien. En cette belle journée du 20
juin 1808, un navire anglais accoste à Palerme avec un fringuant
voyageur à son bord. Son nom ? Louis-Philippe d'Orléans,
duc de Chartres, âgé de trente-quatre ans, et aventurier depuis son
exil lors de la Révolution. Autant dire que ce n'est pas Joe le
clodo ! Il n'est pas là par hasard. En exil en Angleterre, il
faisait un voyage avec son frère malade pour qu'il prenne le soleil
(mais celui-ci meurt) et il espère bien obtenir la main de sa
cousine Marie-Amélie … encore
une fois, l'Europe cette grande famille … Si Marie-Caroline
voit au début d'un mauvais œil ce fils de révolutionnaire (son
père, appelé Philippe Égalité, a voté la mort du roi … avant
d'être guillotiné à son tour) mais accepte le mariage à une
condition : qu'il fasse confession de sa part prise durant la
Révolution. Louis-Philippe est donc invité à la Cour de
Sicile et Marie-Amélie relate leur rencontre le 22 juin 1808 « à
la fin de la matinée, le duc d'Orléans est arrivé et s'est rendue
maman […] maman nous l'a présenté. Il est d'une taille ordinaire,
plutôt gras, d'un extérieur ni beau ni laid. Il a les traits de la
maison de Bourbon et est très poli. » Bon ce
n'est pas l'amour fou, pas plus que de son côté « Elle
n'est pas jolie. Elle était même laide, grande, maigre, le teint
rouge, les yeux petits, les dents mal rangés mais elle avait le col
long, la tête bien placée, très grand air. Elle supportait bien la
parure, avait beaucoup de grâce et de dignité. » Quand
le roi Ferdinand VII d'Espagne, prisonnier de Napoléon,
demanderait bien la main de la princesse. Non, Marie-Amélie
tempête : elle veut épouser Louis-Philippe, elle en est
éprise et ne veut personne d'autre ! Ah, des sentiments, et
réciproques car quand il doit partir, le duc d'Orléans serre le
bras de la jeune femme contre son cœur « Conservez moi,
je vous prie, vos sentiments. »
Enfin, ils se marient le
25 novembre 1809. La cérémonie se passe dans un premier
temps dans la chambre du roi Ferdinand car il s'est cassé la jambe,
puis le couple s'en va pour la messe, Marie-Amélie
porte une magnifique robe blanche et argent, ainsi qu'un magnifique
diadème de brillants et de plumes. Elle a vingt-huit ans et enfin se
marie, pour mener une existence plus tranquille. Mais où est la
reine là dedans ?
Faisons simple car
Marie-Amélie n'a pas pris
part à la politique de son époux. Le couple met au monde dix
enfants, dont huit atteignent l'âge adulte. A la chute de Napoléon
et au retour des Bourbons sur le trône de France, Louis-Philippe
retourne en France avec toute sa famille aux côtés de Louis
XVIII puis de Charles X. Mais lors des Trois Glorieuses de 1830, tout bascule. Charles X est contraint d'abdiquer et part
en exil après avoir désigné son petit-fils comme héritier, mais
un enfant ne peut pas faire l'affaire en temps de crise, et l'on
propose à Louis-Philippe la couronne qu'il accepte et devient
roi des Français. Tout comme les femmes avant elle, Marie-Amélie
entame une politique matrimoniale, mariant sa fille aînée
Louise-Marie au tout nouveau roi des Belges, Léopold 1e ;
Marie épouse le duc Alexandre de Wurtemberg et la
dernière fille, Clémentine, s'unit au prince Auguste de
Saxe-Cobourg-Kohary. Pour les garçons, c'est plus compliqué,
Marie-Amélie est dévastée que
la maison d'Autriche, sa famille, refuse le mariage entre leurs
enfants. Elle accepte que son aîné Ferdinand épouse une
protestante Hélène de Mecklembourg-Schwerin ; Louis
épouse Victoire de Saxe-Cobourg-Kohary ; François
se choisit une épouse à l'autre bout du monde, la princesse
Françoise du Brésil ; Henri se marie à une
cousine, Marie-Caroline de Bourbon-Siciles ; et enfin
Antoine entre dans la famille royale espagnole en épousant la
sœur de la reine, Louise-Fernande de Bourbon.
La famille d'Orléans
mène une vie assez bourgeoise tant dans l'éducation des enfants que
dans leurs quotidiens, cela se voit dans leurs demeures à Neuilly et
au château d'Eu, bien moins officiel que le palais Royal ou les
Tuileries, mais Marie-Amélie ne
pensait pas mener une vie aussi dramatique. Après avoir perdu ses
enfants Marie et Ferdinand, voilà que la Révolution
de 1848 met fin à la Monarchie de Juillet et toute la famille part
pour l'Angleterre. En 1850, elle perd son époux et sa fille Louise.
Mais de sa demeure anglaise sous la protection de la reine
Victoria, Marie-Amélie suit le parcours de ses enfants et
petits-enfants dispersés dans toute l'Europe et même au-delà. Car
son fils François, accompagné de son propre fils et de ses
deux neveux, s'engagent dans la guerre de Sécession aux États Unis.
Sous le titre honorifique de comtesse de Neuilly, Marie-Amélie
mène une vie simple entourée de sa famille, à écrire à sa
famille comme sa petite fille Charlotte de Belgique.
Octogénaire et ne
quittant plus sa chambre, Marie-Amélie
attend sa fin, entre prières et dévotions. Lorsqu'elle meurt le 24
mars 1866 à l'âge de quatre-vingt trois ans, ses enfants ont la
parfaite épitaphe « le modèle incomparable de toutes les
vertus et de toutes les douleurs. » Tout d'abord inhumée
dans la chapelle Saint-Charles Borromée à Weybridge, elle repose
depuis 1886 dans la nécropole des Orléans, la chapelle royale de
Dreux.
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J'espère que cet article
vous a fait connaître un peu mieux ces trois reines ! Si vous
en avez d'autres à me conseiller n'hésitez pas, il y en a tant.
J'avais dans ma liste Anne de Kiev, Jeanne de Navarre, Marguerite de
Bourgogne, Jeanne de Bourbon, Marie d'Anjou, … Et bien d'autres
encore !
Ton article est passionnant, et j'aime beaucoup les libertés de style où l'on apprend que "les 3 soeurs de marguerite n'ont pas fait des mariages de merde", que "Marie-Thérèse manque de s'étouffer avec son oeuf" et que "Louis-Philippe d'Orléans, c'est pas Joe le clodo" :D Tu m'as fait beaucoup rire, et tu m'as aussi beaucoup instruit (pouce en l'air) !
RépondreSupprimerMerci beaucoup ! Je me suis un peu lâchée sur cet article et ça fait du bien. Puis si ça plaît, je pense continuer. Et si en plus je t'ai appris quelque chose, c'est parfait ♥
SupprimerJ'avais beaucoup aimé ton article de l'an passé sur 4 femmes dans l'histoire alors c'est avec plaisir que je lis celui-ci.
RépondreSupprimerComme Julien dans le commentaire précédent, j'aime beaucoup ton "ton" :-D
Je ne connaissais pas Marguerite de Provence ni Marie-Émilie. L'histoire des femmes est celle que je préfère alors merci ! :-)