Oh de l'amour pour la
Saint Valentin, que c'est original … Mais en Histoire, mariage et
amour sont rarement compatibles. Les mariés ont rarement leur mot à
dire sur leurs épousailles, on les marie au gré de la politique,
des traités à signer, et il faut faire avec. La plupart du temps,
les époux s'entendent plutôt bien, certains même développent des
sentiments sincères au fil des années, une tendresse ou une amitié.
Mais un mariage où l'amour s'en mêle, ce n'est pas donné à tout
le monde ! Voici trois histoires qui se finissent tout de même
bien en amour (car en politique, ce n'est pas toujours ça).
Je vous parle souvent de
mariages sur le blog, qu'ils soient heureux ou non d'ailleurs. C'est
très souvent l'occasion de grandes festivités dans les grandes
familles, de déployer tout le faste possible. C'est aussi le point
d'orgue d'une politique matrimoniale à l'échelle européenne
(ailleurs aussi, mais on reste en Europe pour cet article), un
mariage garantit une paix entre les deux familles/royaumes, pour un
temps du moins. Car la politique et les alliances changent tellement,
ça va, ça vient. Mais l'amour alors ? Oh, ça, les maris la
trouvent chez d'autres femmes, et les épouses … elles font ce
qu'elles peuvent (et prennent parfois des amants, mais vaut mieux
pas se faire choper). Le mariage d'amour est vraiment un concept
récent, et encore aujourd'hui, certaines familles font des mariages
arrangés, même si c'est plus rare (en Europe, je le précise bien).
Cela n'empêche pas certains couples de s'aimer follement au cours
des siècles. On peut citer Cléopâtre et Marc-Antoine,
Marie-Thérèse d'Autriche et François III de Lorraine, la
reine Victoria et Albert … et il y en a eu d'autres, fort
heureusement. Je vais traiter trois histoires d'amour à trois
périodes différentes et dans trois pays différents, quel
challenge.
Henri III et Louise
de Lorraine-Vaudémont (16e siècle)
La seconde moitié du 16e
siècle n'est pas seulement peuplée de guerres de religion et
meurtres sanglants, on peut voir émerger un peu d'amour dans les
hautes sphères. Alors non, ce n'est pas du tout Marguerite de
Valois et Henri de Navarre, loin de là. Mais il faut se
tourner vers Henri III qui a
connu un peu de bonheur dans son règne si chaotique. Quant à Louise
de Lorraine-Vaudémont, c'est une véritable Cendrillon …
Mais commençons par le début. Le roi Charles IX est sur le
trône et Catherine de Médicis cherche une place pour son
fils préféré, le jeune Henri et
le fait élire au trône de Pologne en 1573. Mais la route est longue
jusqu'à Cracovie, et il s'arrête notamment à la cour de Lorraine,
où le duc Charles III donne des fêtes en son honneur. C'est
là qu'il rencontre Louise de
Lorraine-Vaudémont, de la branche cadette de Lorraine. A
son départ, il lui demande de prier pour elle et la quitte
« la larme à l'oeil ». N'y voyez pas d'amour, le
cœur d'Henri est tout entier à une autre dame, mais Louise
l'a touchée d'une certaine façon, et il ne l'oubliera pas.
Il ne resta pas longtemps
en Pologne car son frère Charles IX meurt le 30 mai 1574
sans descendance. Henri, devenu Henri
III, quitte la Pologne d'une façon romanesque et retourne
en France. Il aime une femme et veut l'épouser, il s'agit de la
belle Marie de Clèves, sa passion dévorante depuis des
années. Mais sa mère, ne voyant pas d'un bon œil cette idylle,
maria la jeune femme au prince de Condé, un prince protestant
réfugié au Luxembourg. Le jeune monarque de 23 ans se voit déjà
au bras de son aimée, mais il faut attendre : Marie de
Clèves est enceinte, il faudra attendre l'accouchement pour
demander l'annulation du mariage. Seulement, Marie meurt en
couche le 30 octobre 1574, laissant Henri
dévasté, tombant dans la piété exacerbé et le goût
du morbide.
Seulement, en tant que
roi, il est de son devoir d'avoir une descendance, ce que ses frères François II et Charles IX n'ont pas fait. Catherine
de Médicis recherche les princesses de l'Europe entière pour
trouver un bon parti, mais Henri fait la fine bouche. Il
refuse Catherine de Navarre, car elle est protestante (elle
épousera le duc Henri II de Lorraine) ; Élisabeth
d'Autriche, la femme de son frère défunt, mais elle refuse
aussi de son côté et retourne vivre à Vienne (elle ne se
remaria jamais et fonda un couvent) ; l'infante Isabelle
d'Espagne car elle n'a que sept ans (elle épousé Albert
d'Autriche et ils formèrent un couple de gouverneurs des Pays Bas espagnols). Alors que sa mère a trouvé une princesse suédoise
pour lui, il annonce qu'il a choisi son épouse : ce sera Louise
de Lorraine-Vaudémont. C'est sûr que sur le plan
dynastique, la jeune femme ne fait pas le poids avec les précédentes,
mais c'est ce que le roi veut et Catherine de Médicis ne peut
rien refuser à son fils.
Qui est cette future
reine de France ? C'est une belle demoiselle blonde de tout
juste vingt-un ans, avec de grands yeux bleus, une allure élégante
et douce. Elle est la fille de Nicolas de Vaudémont et
Marguerite d'Egmont, mais sa mère est morte jeune et la demoiselle a
connu deux autres belle-mères. Tout d'abord Jeanne de
Savoie-Nemours, une femme adorable, qui l'éduqua et
l'introduisit à la Cour de Nancy, comme une seconde mère pour
Louise. Puis Catherine d'Aumale, une vraie marâtre, dure et
jalouse, qui enferma sa belle-fille et l'isolait du monde. Une vraie
Cendrillon je vous dis, car qui aurait pu parier qu'elle épouserait
un roi de France ?
Ils se revirent à Reims
le 11 février 1575, la veille de leur couronnement, et le charme
opéra. Louise ne voyait que plus que par Henri, et ce dernier
s'abandonna aussi à l'amour. Leur mariage eut lieu dans la foulée,
le 15 février 1575, où c'est Henri en personne qui
habilla et coiffa sa femme pour qu'elle resplendisse.
Leur amour résista au
temps et aux angoisses. Alors oui, Henri III
n'est pas fidèle, il a quelques maîtresses de passage, mais
Louise ne se laisse pas faire, et contrairement aux
autres, elle se révolte. Elle obtient le renvoi de la cour d'une
demoiselle en 1580 après être tombée sur des lettres entre elle et
son époux. Mais leur plus grand souci est l'absence d'enfant.
Ensemble, ils testèrent toutes les médecines, parcoururent les
cures thermales et priaient, jusqu'à l'excès pour b. Il aurait pu
la répudier (à l'époque, c'était toujours la faute de la femme
…) mais il ne put le faire. Il faut dire qu'ils étaient très
liés. Bien que discrète, la reine Louise
accompagne son mari dans toutes les festivités, fêtes et
cérémonies. Ils se voient tous les jours, le souverain se rend chez
sa femme après le dîner (c'est à dire le déjeuner aujourd'hui)
et passent une partie de leurs soirées ensemble. En 1581, Catherine
de Médicis entre chez son fils à l'improviste et voit Louise
assise sur les genoux de son mari. Ce geste anodin aujourd'hui était
drôlement cocasse pour que l'ambassadeur d'Espagne le mette dans son
rapport !
Mais le couple doit aussi
résister aux temps difficiles en politique, notamment face aux
Guises. Louise reste auprès
d'Henri après la mort du duc de Guise à Blois en 1588, mais elle doit le quitter quand il
décide de prendre les armes pour reconquérir Paris et son trône.
Elle l'attend au château de Chenonceaux, que sa belle-mère lui a
légué. Le 4 août 1589, elle reçoit une lettre où elle
apprend qu'Henri III a été
victime d'un attentat, mais elle ne sait pas encore qu'il est mort. A
partir de là, son combat sera la vengeance. Selon elle, Jacques
Clément n'a pas agi seul, le reste de la famille de Guise se trouve
derrière cette histoire. Elle n'obtiendra qu'une demi-compensation
en 1594, quand la Papauté décide que le défunt roi est en paix
avec l’Église et n'est plus excommunié.
Son amour pour Henri
est tel qu'elle fait de sa chambre à Chenonceaux un vrai mausolée
qu'on peut encore visiter aujourd'hui, tout de noir, avec le portrait
de son mari au-dessus de la cheminée. Personnellement, j'ai ressenti
tellement de chagrin dans cette chambre, un vrai deuil d'amour …
Catherine Pavlovna
de Russie & Guillaume de Wurtemberg (19e siècle)
Catherine
Pavlovna est une princesse russe, fille du tsar Paul 1e
de Russie et Sophie-Dorothée de Wurtemberg. On la dit peu
jolie, mais cultivée et pleine de charmes, elle entretient une
relation privilégiée avec son frère aîné, le tsar Alexandre
1e. De son côté, Guillaume de
Wurtemberg, prince allemand et héritier de la couronne de
Wurtemberg. Il eut une éducation très stricte sous l'égide d'un
père autoritaire et difficile, au point que le jeune Guillaume
chercha à s'enfuir du royaume, mais il fut arrêté à temps et
enfermé. Une fois libéré, il fait des études et part en France.
Un temps, il fut
d'actualité de marier les deux cousins. Et oui car Sophie-Dorothée
de Wurtemberg est la tante de Guillaume.
Mais l'arrivée de Napoléon 1e au pouvoir en France fit
changer pas mal de plans. L'empereur voulait que ses frères et sœurs
épousent de grandes familles européennes pour asseoir sa dynastie.
Par exemple la sœur de Guillaume,
Catherine, épousa Jérôme Bonaparte et il devint roi
de Westphalie. Lui a peur de se retrouver marier à une Bonaparte et
épouse Caroline Augusta de Bavière, fille du roi Joseph
1e de Bavière. Il l'apprécie mais ne prend même pas la peine
de coucher avec elle, ou de la toucher, il s'agit juste de se
protéger contre Napoléon 1e. Quand ce dernier divorce de
l'impératrice Joséphine en 1809, il cherche une nouvelle
épouse. Et quoi de mieux qu'une alliance franco-russe ? Il
voudrait bien épouser Catherine,
mais, ô que c'est dommage, celle-ci est fiancée. En vérité, on la
marie un peu à la va-vite avec un duc allemand, Georges
d'Oldenbourg. Les Romanov, en particulier Alexandre 1e et
sa mère, refusaient de s'allier avec « l'ogre corse ».
Finalement, Napoléon 1e épousa Marie-Louis d'Autriche… Catherine et Georges
s'entendirent bien et la princesse resta au chevet de son mari
jusqu'à sa mort, en 1812.
Mais alors leur amour
dans tout cela ? Ils la doivent … à Napoléon 1e.
Après son abdication en 1814, les pays européens se sont réunis
pour partager l'Europe. Catherine
accompagne son frère Alexandre 1e, ainsi que sa jeune
sœur Anna pour qu'elle épouse le roi Guillaume II des
Pays Bas. Tout le gratin européen est donc à Vienne, dont
Guillaume de Wurtemberg. Et ces
deux là se croisent pour la première fois : c'est le coup de
foudre ! Oh que c'est mignon … mais il y a un souci :
Guillaume est toujours marié.
Heureusement, le divorce existe, il rend sa liberté à Caroline
Augusta de Bavière, qui s'en va épouser François 1e
d'Autriche, devenant ainsi impératrice. Les deux amoureux purent
se marier en toute tranquillité début 1816 à Saint-Pétersbourg.
On dit merci à Napoléon 1e pour cette union !
Zita de Bourbon
Parme & Charles de Habsbourg (20e siècle)
Pour une fois qu'ils ne
s'agit pas d'un mariage entre cousins … Charles
de Habsbourg est le petit-neveu de l'empereur
François-Joseph, second héritier après François-Ferdinand
d'Autriche. C'est un jeune homme blond, la lèvre un peu épaisse
et les oreilles décollée, mais intelligent, bon cavalier et un
homme adorable. Zita de Bourbon-Parme
est d'une grande famille italienne affiliée à toute l'Europe, elle
descend directement de Louis XIV par son père ! Bien
qu'italienne, la jeune Zita
grandit en Autriche, et ne part pour l'Italie que l'hiver. C'est une
très jolie jeune femme brune, pieuse et parlant plusieurs langues.
Et comme toute belle histoire, il faut un petit coup de pouce au
destin …
Quand je parlais qu'ils
n'étaient pas cousins, ils sont tout de même un peu lier, par
alliance. La tante de Zita,
Marie-Thérèse de Bragance, a épousé le grand-père de
Charles aux troisièmes noces de celui-ci, elle est donc sa
belle-grand-mère (cela se dit ? Bon, on va dire que oui).
La jeune Zita apprécie sa tante,
une femme respectable avec un grand cœur et la visite souvent car
les deux femmes vivent non loin l'une de l'autre. Forcément, Charles
et Zita se sont déjà rencontrés
durant leur enfance mais se retrouvent en 1909, car le
régiment de l'archiduc stationne non loin de chez sa tante, à
Franzensbad. C'est là que les deux se retrouvent, elle a 17 ans et
lui 22 ans, et ils se plaisent follement. Zita
raconte elle-même « Nous étions bien sûr heureux de
nous revoir et devînmes proches. De mon côté, les sentiments se
développèrent graduellement au cours des deux années suivantes. »
La famille Habsbourg
cherche justement à marier le jeune homme, second dans l'ordre de
succession impérial, et Zita
forme plus qu'un bon parti avec son arbre généalogique. En plus ils
se plaisent ! Seulement une rumeur court que la jeune femme va
se marier avec le duc de Madrid, de la branche cadette des Bourbons
d'Espagne. Charles a peur de
perdre sa belle, court chez Marie-Thérèse de Bragance qui le
rassure, mais lui confie que la jeune femme est sollicitée.
« Bien, je ferais mieux de me dépêcher quand même, ou elle
se fiancera à quelqu'un d'autre. » a dit Charles.
Autant dire qu'il n'a pas
tardé et se rend à la Villa Pianore demander la main de sa belle.
Ils se fiancent le 13 juin avant de se marier au château de
Schwarzau le 21 octobre 1911. C'est une grande et belle
réception, une des dernières des monarchies européennes avant la
Grande Guerre. Sincèrement amoureux l'un de l'autre, il se jurent de
s'aider « mutuellement à aller au ciel » et le
vieil empereur François-Joseph lance même un toast en
l'honneur des mariés. De cette union naît huit enfants, dont
l'héritier Otto en novembre 1912.
Seulement voilà, tout se
précipite. L'archiduc François-Ferdinand est assassiné à
Sarajevo le 28 juin 1914, puis s'en suit la Première Guerre Mondiale
qui voit l'Europe se déchirer. L'empereur François-Joseph
meurt le 21 novembre 1916, en plein conflit, et Charles
devient l'empereur Charles 1e
d'Autriche-Hongrie. Le couple impérial, bien que jeune et
populaire, par leur amour, leur amour du peuple et leur générosité,
ne résiste pas à la guerre et l'empereur abdique le 12 novembre
1918 … enfin pas vraiment selon Charles,
qui dit à son épouse avant de signer la reddition « «
Jamais, un souverain ne peut abdiquer, il peut être déposé, déchu
de ses droits. C'est la force. Mais abdiquer, jamais, jamais. J'aime
mieux mourir avec toi. Alors Otto nous succédera. Et même si nous
devions tous tomber, il reste encore d'autres Habsbourg. ».
Le couple déchu doit quitter l'Autriche, partant vivre en exil. La
Suisse, la Hongrie puis Madère jusqu'en 1922 pour Charles
qui décède d'une pneumonie mal soignée. Ses derniers mots sont
pour Zita « Je t'aime
tant. » Si ce n'est pas de l'amour … Zita,
encore belle et à tout juste trente ans, portera le veuvage jusqu'à
la fin de sa vie en 1989.
Bonne St Valentin à tous et toutes ♥
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