S'il y a bien un événement que je ne manquerais pour rien au monde, c'est bien entendu les Journées du Patrimoine. Mon troisième weekend de septembre se vit au rythme de visites incroyables, d'endroits fermés au public en général, toujours plus somptueux les uns que les autres. Et cette année encore, ça n'a pas échappé. Si je n'ai pas encore eu la folie de me lever à 4h du matin pour faire le Palais de l’Élysée, j'ai vu bien d'autres choses dont je vous parle ici. C'est parti pour trois visites ce samedi. Suivez moi …
Pendant ce weekend, avec
Pipou – mon appareil photo toujours à mes côtés – nous écumons
Paris et entrer dans de véritables bijoux. J'ai d'ailleurs une
certaine passion pour les ambassades, très souvent d'anciens hôtels
particuliers sublimes. Le thème de cette années, patrimoine du XXIe
siècle, je ne l'ai pas du tout écouté, au contraire !
Accompagnée d'amies, dont Cécile de Cécile Voyage, et Emma de
Vague de Livres, nous avons préparé notre périple au cœur de
Paris. Cinq visites en deux jours, c'est quand même pas mal. Pour
vous éviter une indigestion de lieux, je ferais deux articles, un
par jour. En toute logique, commençons par le samedi.
L'Opéra Garnier
Honte à moi, je n'avais
jamais visité l'Opéra avant ce jour. Il faut dire que tout ce que
je veux voir se trouve à l'Opéra Bastille (un bâtiment moche) et
je n'avais jamais pris la peine de le visiter. Levée tôt, car
l'endroit est prisé, me voici plongée au cœur d'une architecture
des plus riches qu'il soit, avec le style Second Empire.
En effet, Napoléon
III a besoin un nouvel Opéra. Il faut dire que l'empereur
et son épouse ont échappé à un attentat mené par des anarchistes
italiens en sortant de l'opéra de Paris, rue Le Peletier (détruit
dans un incendie en 1873), situé à 600m de ce qui sera le nouvel
opéra ! On comprend Napoléon III, il n'a pas envie de sortir
d'une réception et mourir sur les coups d'une machine infernale.
Voici donc qu'un concours est organisé, soixante et onze concurrents
viennent présenter leurs projets, et Paris se passionne pour cette
histoire. Si Eugène Viollet-le-Duc,
architecte favori du couple impérial, semble avec de l'avance, un
certain Charles Garnier vient
tenter sa chance, et contre toute attente, voit son projet être
retenu. Le projet est titanesque et coûteux, plusieurs fois
interrompu pour des causes budgétaires d'ailleurs. L'empereur ne
verra jamais son opéra terminé, car il abdique le 4 septembre
1870, part en exil et meurt en 1873. L'Opéra, quant à
lui, n'est inauguré que durant la IIIe République le 5
janvier 1875. Le style est celui du Second Empire :
clinquant, éclectique (on prend tout ce qu'il y avait avant et on
mélange), très luxueux avec beaucoup de dorures, et très chargé.
Le bassin de la Pythie, l'entrée vers la salle de spectacle et une vue du grand escalier. |
Autant dire que j'ai
adoré l'endroit. On me donne du chargé, du doré et des décorations
à tout va, ça me plaît ! On n'entre pas par le grand hall
mais par l'arrière, ce qui est actuellement la rotonde des abonnés,
et déjà c'est superbe. Le spectacle commence par le bassin de la
Pythie, une superbe sculpture sous le grand escalier. On en parle de
celui. Un escalier central qui se scinde en deux, à double
révolution, le tout avec des balcons tout autour où il était
sûrement bon de paraître, un plafond peint somptueux et des décors
au point d'en perdre la tête.
On en parle des
différents salons, et du foyer ? De la mosaïque au sol, des
peintures au plafond et que d'or partout ! Dans le grand foyer
donnant sur le balcon, des miroirs sont mis en face, comme la Galerie
des Glaces, donnant cette impression d'immensité et de lumière.
Clairement, je voyais des hommes en queue de pie et des femmes en
robes à tournures dans ces lieux, durant l'entracte d'un Wagner par
exemple …
En haut : vue du grand escalier, la bibliothèque ; en bas : le grand foyer et les costumes de La Belle au Bois Dormant |
S'en suit la
bibliothèque-musée, où l'on commence par la beauté des yeux par
les quelques 100.000 livres de la bibliothèque, tout en bois, avec
des échelles et des petits escaliers à la dérobée pour monter à
l'étage. On se croirait davantage dans un manoir que dans un opéra.
Quant à la partie musée, en cinq salles, proposent des maquettes de
scènes, des costumes, des peintures de personnalités de l'opéra et
différentes sculptures, notamment de compositeurs. On peut imaginer
aisément l'importance de l'Opéra à l'époque, notamment sociale.
La visite se termine par le grand vestibule, qui est normalement
l'entrée principale les jours de représentation.
Mon seul regret fut de ne
pas voir la salle en elle-même. Je compte bien revenir, cette
fois-ci pour assister à une représentation. Mais j'ai adoré cette
visite, l'endroit est juste superbe et nous plonge dans une autre
époque. Et je n'ai pas rencontré le fantôme non plus …
Hôtel de Charost – Résidence de l'ambassadeur de Grande Bretagne
Après le XIXe siècle,
petit bon dans le temps au siècle d'avant, et partir en Grande
Bretagne. On ne peut pas visiter l'ambassade en elle-même, par
contre monsieur l'ambassadeur nous reçoit chez lui. Et non, il n'y
avait pas de Ferrerro Rocher, c'était décevant. Heureusement qu'on
se rattrape sur le reste.
Hôtel particulier
construit au milieu des années 1720 pour Armand
de Béthune, 2e duc de Charost et gouverneur de Louis
XV. Autant dire que ce n'est pas n'importe qui, et il fait
appelle à Antoine Mazin, architecte (connu pour l'hôtel
Matignon) pour construire sa demeure. La famille y vit jusqu'à
la Révolution, et la branche s'éteint en 1800. Trois ans plus tard,
Pauline Bonaparte rachète
l'endroit. Sœur du 1e Consul et futur empereur Napoléon 1e,
et elle s'y mariera avec le prince italien Camillo
Borghèse. Sous l'Empire, l'hôtel connaît de fastueuses
réceptions et la princesse impériale redécore entièrement les
lieux avec ce style Empire si reconnaissable, elle y passera onze
ans, avant de fuir la France à la chute de son frère. Arthur
Wellesley, duc de Wellington, ambassadeur britannique en
France, achète les lieux à la princesse exilée et en fait la
première ambassade de Grande Bretagne permanente à l'étranger.
Durant l'Occupation, les
allemands tentèrent de s'emparer de l'hôtel mais son vivement
repoussés par les concierges et employés toujours à l'intérieur,
pour s'assurer de l'entretien des lieux, placés sous la protection
de la Suisse. Depuis 1947, l'hôtel n'est plus que la
résidence de l'ambassadeur, toutes les autres fonctions ont été
transférées dans le bâtiment voisin, devenu la véritable
ambassade.
En haut : l'escalier style Louis XV, le salon Pauline ; En bas : la salle du trône et la salle de bal |
Pour une amoureuse des
hôtels particuliers, j'ai pris mon pied. Même si la décoration a
été quelque peu remaniée avec le temps, l'empreinte du style
Empire et de Pauline Borghèse reste bien présente, que ce soit dans
la décoration des pièces mais aussi du mobilier. Le plus drôle
dans l'affaire, c'est que le grand ennemi de Napoléon 1e, le duc de
Wellington, ait racheté cet hôtel particulier, que trône un buste
de Napoléon dans le hall. Je pense que ce type avait une obsession
pour l'empereur car il a quand même cette statue de Nappy nu au bas
des escaliers de sa maison londonienne, à Aspley House …
On ne peut visiter que le
rez-de-chaussée, le premier étage étant les appartements privés
de l'ambassadeur et de sa famille. Mais les huit pièces que l'on
parcourt, en plus du ravissant jardin en mettent déjà pleins les
yeux, puis les britanniques ont l'amabilité de montrer un diaporama
d'images de l'étage, pour qu'on puisse voir l’inatteignable. Après
un vestibule redécoré dans le style edouardien du début XXe
siècle, avec un duplicata de la statue de la belle Pauline Borghèse
à demi-nue par Canova, place aux différents salons. Le salon rouge
est orné de peintures de personnalités britanniques entre le XVIIe
et le XIXe siècle, dont le duc d Wellington lui-même, des membres
de la famille Stuart, dont le père Charles Stuart fut
ambassadeur. On passe aussi par le salon Pauline, qui était sa
chambre de repos. On peut toujours y voir son lit, toujours dans cet
imposant style Empire avec son aigle sculpté.
La salle suivante est
sans doute la plus étonnante : une salle du trône ! C'est
ici que les cérémonies de remise de décorations ont lieu,
l'ambassadeur remplaçant Elizabeth II.
D'ailleurs plusieurs souverains sont venus dans l'hôtel, notamment
Édouard VII ou encore l'actuelle souveraine. Il s'agit en
vérité d'un usage disparu : au moment de partir en mission,
l'ambassadeur recevait un draps d'honneur en damas cramoisi, une
chaise, deux tabourets, un repose-pied et un tapis, des symboles du
monarque qu'il représentait. C'est sympa d'offrir du mobilier quand
on s'installe à l'étranger ! Cette salle ouvre sur l'actuelle
salle de bal, anciennement une galerie de tableaux sous Pauline
Borghèse, le style va davantage dans celui du Second Empire.
Après avoir longé une
galerie, nous entrons dans une salle à manger d'apparat, dont la
décoration date du début du siècle, aménagée pour la visite du
roi Édouard VII en 1903. Pour l'occasion de ma visite spéciale –
ou peut être simplement pour les Journées du Patrimoine – la
table fut dressée pour 60 couverts, avec des centres de table en
bronze doré, de nombreuses fleurs, on peut y voir les petits cartons
au nom des convives, comme le président Pompidou, la reine Elizabeth
II ou encore Édouard Balladur. Autant dire qu'on y reçoit pas
n'importe qui !
La visite se termine par
le petit jardin dans un style anglais, bien évidemment avec une
grande pelouse entourée d'arbres et de fleurs. Difficile d'imaginer
qu'en 1870, durant la Commune de Paris, des chèvres broutaient ici !
J'ai adoré l'endroit,
cela faisait deux années que je n'avais pas réussi à y aller, je
ne suis absolument pas déçue. Si vous pouvez y aller aux prochaines
journées du Patrimoine, foncez-y !
L'hôtel de Galliffet – Institut culturel italien
Le dernier de la journée
peut s'avérer surprenant car assez peu connu. Je me confesse, dans
le Secrets d'Histoire sur Désirée Clary, ils
parlaient de cet endroit, ce fut donc logique de marcher sur les
traces de Stéphane …
Construit entre 1776 et
1792 pour Simon-Alexandre
de Galliffet, président au Parlement de Provence,
à la base entourés d'immenses jardins, dont il ne reste plus qu'un
petit morceau aujourd'hui. A peine fini, aussitôt confisqué par
l’État, on y installa le service des Relations Extérieures,
le plus célèbre de ses habitants est sans aucun doute
Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord,
de son petit nom Tayllerand, où il vécut jusqu'en 1814. Là
encore, le Premier Empire hante les lieux : les évènements
politiques, culturels et mondains s'y déroulèrent. La grande
réception donnée pour le retour de Napoléon Bonaparte de sa
glorieuse campagne d'Italie le 3 janvier 1798 fut mémorable d'après
les écrits.
Sous la Restauration, en
1821, les membres de la famille de Galliffet récupèrent
enfin leur bien, et amputent une partie du terrain pour construire
des immeubles, et ils louèrent l'hôtel, notamment l'infant
d'Espagne don Francisco de Paula
en 1838 et au nonce du Pape, Monseigneur
Fornari en 1850. Le faubourg Saint-Germain devint au fil
du XIXe siècle, le quartier des ambassades et le gouvernement
italien loua l'hôtel de Galliffet en 1894, avant de
l'acheter le 22 mai 1909, devenant de façon permanente voisin
de la Russie, des Pays Bas notamment. En 1938,
l'ambassade fut transférée rue de Varenne, à l'Hôtel de
Boisgelin, laissant à l'hôtel de Galliffet le Consulat
général d'Italie, puis enfin l'Institut culturel italien en 1962.
Ce dernier a pour but de promouvoir la culture italienne et les
relations entre l'Italie et la France.
En haut : la salle à manger, buste de Napoléon 1e ; En bas : façade vue des jardins, cage d'escalier et rotonde |
J'ai beaucoup aimé
l'endroit, difficile après tout de ne pas admirer les lustres de
verre de Murano, avec les miroirs, les décors en trompe l’œil ou
l'impression à certains moments de se trouver dans une villa
romaine. Le rez-de-chaussée donnait cet impression dans les salles
d'apparat, même s'il est dommage que tout soit vide de mobilier.
Pour se rendre à l'étage, il faut passer par le petit jardin et on
peut admirer les colonnes le long de la façade, des SPQR pour
rappeler la Rome Antique. Nous sommes restées un petit temps dans ce
jardin paisible, à part ce gamin qui déroulait le tuyau d'arrosage
sans que les parents ne l'arrêtent, et nous sommes quand même
montées, par un magnifique escalier dans une rotonde surplombée
d'une coupole. Là, on s'imagine aisément en robe Belle Epoque, et
ça j'aime ! L'étage n'est plus l'institut mais le siège de la
Délégation Permanente d'Italie auprès de l'OCDE. Aujourd'hui des
bureaux, il s'agissait à l'époque des appartements privés de
Tayllerand, et autant dire qu'il avait du volume ! Là encore,
on retrouve Napoléon Bonaparte en buste, ce stalkeur du weekend,
avant de se souvenir qu'il avait été roi d'Italie. Tout s'explique.
Si les lieux sont beaux,
le rez-de-chaussée reste un peu vide et l'étage a besoin de
quelques restaurations, notamment au niveau de la coupole dans la
cage d'escalier. L'institut propose de nombreuses activités, comme
des concerts, des expositions, des rétrospectives de films ou encore
des cours d'italien. Je pense que j'y retournerais un de ces quatre.
Pour en savoir plus : http://www.iicparigi.esteri.it/IIC_Parigi
Cette première journée
fut donc riche en marche et en émotions. Trois endroits différents
mais toujours beaux et intéressants, comment refuser de faire une
seconde journée ? Ce sera l'objet d'un prochain article sur mes
visites du dimanche.
Et vous qu'avez vous
visité lors des Journées du Patrimoine ?
Trop bien ! Je crois qu'on est sensibles aux même choses :)
RépondreSupprimerNon mais l'opéra Garnier quoi <3
RépondreSupprimerJe suis trop contente d'avoir passé ce week-end entre belettes ** Un jour, on fera l’Élysée, j'y crois o/ (sinon Nappy III me fera la tête) <3
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