mardi 3 novembre 2015

3 novembre 1793 : Exécution d'Olympe de Gouges

Portrait d'Olympe de Gouges
J'aurais dû ouvrir un blog juste sur les morts historiques quand j'y repense, vu que ce n'est pas la première que je traite … ni la dernière. Ici, on va parler de guillotine et de féminisme, c'est à dire d'Olympe de Gouges, courageuse femme à s'opposer à la Terreur, à tel point qu'il lui en coûtera sa tête. Revenons sur cette journée …


En ce 3 novembre 1793, ou le 13 brumaire de l'an II selon le nouveau calendrier républicain, on voit monter une femme sur l’échafaud place de la Révolution, actuelle place de la Concorde à Paris,connue dans Paris pour être une grande femme de lettres, une fervente opposantes à Robespierre et aux Montagnards, désireuse de la parité homme-femme avec sa Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne. Elle se nomme Olympe de Gouges, née Marie Gouze, et après un procès sommaire, elle va être guillotinée.

Mais qui est cette femme dont on a retenu son nom sans savoir grand chose d'elle ? Fille de bourgeois de Montauban, du moins officiellement, mais davantage d'une fille de drapier et d'un marquis épicurien, Jean-Jacques Lefranc de Pompignan, elle naît le 7 mai 1748. Elle est mariée à dix-sept ans à un homme de trente ans son aîné, un officier de bouche sans intérêt qui a le temps de lui faire un fils, nommé Pierre, avant de mourir l'année suivante, en 1766, emporté par une crue du Tarn. Et comme à l'époque, il fallait l'accord du mari pour tout, Marie décida de rester veuve pour publier librement ses écrits, et dire que « Le mariage est le tombeau de la confiance et de l'amour. » Au moins, c'est clair ! Pour se faire connaître, Marie veuve Aubry monte à la capitale et se choisit un nouveau nom : Olympe de Gouges. A Paris, elle mène grand train, se faisant entretenir par un galant, et décide de monter sa propre troupe de théâtre dont elle écrit les pièces. L'une d'elle fit polémique : L'heureux naufrage, où la femme de lettres dénonce la condition des esclaves noirs en 1785. Elle faillit se rendre à la Bastille pour cet écrit, qui sera un grand succès populaire durant la Révolution Française. Et il ne faudra pas s'étonner de voir Olympe de Gouges avoir des amis dans la société des amis des Noirs.

Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne (Université de Toulouse)
Avec la Révolution Française, elle embrassa les idées républicaines, du côté des Girondins. Elle rédige en 1791 la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, sur le modèle de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, dénonçant ainsi la place de la femme malgré le changement de régime politique, où la Révolution oublie les femmes. Elle désire une égalité des sexes pour le droit de vote, l'accès à la propriété … Il fut adopté par l’Assemblée nationale le 28 octobre 1791, mais sera rejeté par la Convention l'année suivante, laissa ce texte à l'état de projet.

« La femme a le droit de monter sur l’échafaud ;
elle doit avoir également celui de monter à la Tribune. »

Au fil des années, Olympe se politise, continue son combat pour les femmes, l'abolition de l'esclavage, mais aussi des plus démunis. Elle veut que le mariage n'existe plus, préférant un contrat entre les deux personnes, une sorte de PACS avant l'heure, et milite pour le droit du divorce. Elle s'en prend aux Montagnards, et particulièrement à Maximilien de Robespierre, à qui elle reproche les massacres de septembre 1792, qui fit plus de 1300 morts rien qu'à Paris en cinq jours seulement. Seulement, le parti de l'Incorruptible monte en puissance, et il est de plus en plus difficile de s'opposer, mais la féministe continue en publiant des pamphlets et des lettres envoyées à la Convention.

Elle est finalement arrêtée le 20 juillet 1793, et fut envoyée dans les combles de la mairie, où elle organisa sa défense avant d'être envoyée à la prison de l'Abbaye, avant de se rendre à la Petite Force pour soigner une blessure à sa jambe, puis dans une maison de santé, avant d'atterrir finalement à la Conciergerie le 29 octobre 1793, ce qui n'est jamais bon signe. Appelé « antichambre de la guillotine », ceux qui se rendaient dans l'ancien Palais de Justice passaient devant le tribunal révolutionnaire, chargé de juger les ennemis du peuple, comme ils les appellent. Et en général, on n'en sortait rarement vivants, surtout depuis la loi des suspects du 17 septembre 1793, et l'augmentation des guillotinés sous la Terreur, jusqu'à la chutede Robespierre. Alors quand Olympe doit s'y rendre, elle sait sans doute que son sort est scellé, avant même son procès. Enfin procès, bien grand mot, plutôt simulacre où l'accusé est coupable d'avance.

Gravure, Exécution d'une femme sous la Révolution (anonyme)
C'est donc le samedi 2 novembre 1793, trois jours après la mise à mort de ses camarades girondins, à 7 heures du matin qu'elle comparut devant le tribunal révolutionnaire, dans la salle dite de l'Egalité. Grosse ironie. Le substitut de l'accusateur public, Marc Claude Naulin, lut l'acte d'accusation. Elle n'a ni témoins ni avocats, et les jurés sont tous des proches de Maximilien de Robespierre comme Maurice Duplay son logeur, ou le peintre Claude-Louis Châtelet. Evidemment, on la reconnut coupable, sinon ce n'était pas drôle, mais Olympe avait plus d'un tour dans son sac et se prétendit enceinte.

« Mes ennemis n’auront point la gloire de voir couler mon sang.
Je suis enceinte et donnerai à la République un citoyen ou une citoyenne. »

Vrai ou faux ? Les médecins qui l'examinèrent ne furent en mesure de répondre à cette question, mais Antoine Fouquier-Tinville, l'accusateur public, trancha en faveur – quel suspense – du non, qu'elle n'était pas enceinte, au titre qu'il était interdit de coucher avec quelqu'un en prison, et qu'on ne lui connaissait pas d'amants auparavant. Alors dans les prisons révolutionnaires, je ne veux pas dire, mais si, on s'envoyait en l'air, discrètement certes, mais cela se faisait, tout le monde voulait un peu de bonheur avant d'affronter la mort. Toujours est-il qu'elle fut condamnée à mort, dés le lendemain.


Et voici donc ce dimanche 3 novembre 1793, place de la Révolution où la grande femme de lettres monta sur l'échafaud auprès du bourreau Sanson, et elle s'écria à la foule « Enfants de la Patrie vous vengerez ma mort. » avant de voir sa tête tranchée. Elle avait donc 45 ans (et non 38 comme elle le déclina au tribunal révolutionnaire), laissant un fils, Pierre Aubry de Gouges, mort de la malaria le 6 janvier 1803, avec descendance, mais aussi et surtout une figure du féminisme et des écrits qui marquent encore les femmes de toutes les époques.

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