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Portrait d'Olympe de Gouges |
J'aurais dû ouvrir un
blog juste sur les morts historiques quand j'y repense, vu que ce
n'est pas la première que je traite … ni la dernière. Ici, on va
parler de guillotine et de féminisme, c'est à dire d'Olympe de
Gouges, courageuse femme à s'opposer à la Terreur, à tel point
qu'il lui en coûtera sa tête. Revenons sur cette journée …
En ce 3
novembre 1793, ou le 13 brumaire de l'an II selon le
nouveau calendrier républicain, on voit monter une femme sur
l’échafaud place de la Révolution, actuelle place de la Concorde
à Paris,connue dans Paris pour être une grande femme de lettres,
une fervente opposantes à Robespierre
et aux Montagnards, désireuse de la parité homme-femme avec sa
Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne. Elle
se nomme Olympe
de Gouges, née Marie Gouze, et après un procès
sommaire, elle va être guillotinée.
Mais qui est cette
femme dont on a retenu son nom sans savoir grand chose d'elle ?
Fille de bourgeois de Montauban, du moins officiellement, mais
davantage d'une fille de drapier et d'un marquis épicurien,
Jean-Jacques Lefranc de Pompignan, elle naît le 7
mai 1748. Elle est mariée à dix-sept ans à un homme de
trente ans son aîné, un officier de bouche sans intérêt qui a le
temps de lui faire un fils, nommé Pierre, avant de mourir l'année
suivante, en 1766, emporté par une crue du Tarn. Et comme à
l'époque, il fallait l'accord du mari pour tout, Marie décida de
rester veuve pour publier librement ses écrits, et dire que « Le
mariage est le tombeau de la confiance et de l'amour. » Au moins,
c'est clair ! Pour se faire connaître, Marie veuve Aubry monte
à la capitale et se choisit un nouveau nom : Olympe
de Gouges. A Paris, elle mène grand train, se faisant
entretenir par un galant, et décide de monter sa propre troupe de
théâtre dont elle écrit les pièces. L'une d'elle fit polémique :
L'heureux naufrage, où la femme de lettres dénonce la condition des
esclaves noirs en 1785. Elle faillit se rendre à la Bastille pour
cet écrit, qui sera un grand succès populaire durant la Révolution
Française. Et il ne faudra pas s'étonner de voir Olympe
de Gouges avoir des amis dans la société des amis
des Noirs.
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Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne (Université de Toulouse) |
Avec la Révolution Française, elle embrassa les idées
républicaines, du côté des Girondins. Elle rédige en 1791
la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, sur le
modèle de la Déclaration des droits de l'homme
et du citoyen, dénonçant ainsi la place de la femme malgré le
changement de régime politique, où la Révolution oublie les
femmes. Elle désire une égalité des sexes pour le droit de vote,
l'accès à la propriété … Il fut adopté par l’Assemblée
nationale le 28 octobre 1791,
mais sera rejeté par la Convention l'année suivante, laissa ce
texte à l'état de projet.
« La
femme a le droit de monter sur l’échafaud ;
elle doit avoir également celui de monter à la Tribune. »
elle doit avoir également celui de monter à la Tribune. »
Au fil des années,
Olympe se politise, continue son combat pour les femmes,
l'abolition de l'esclavage, mais aussi des plus démunis. Elle veut
que le mariage n'existe plus, préférant un contrat entre les deux
personnes, une sorte de PACS avant l'heure, et milite pour le droit
du divorce. Elle s'en prend aux Montagnards, et particulièrement à
Maximilien de Robespierre, à qui elle reproche les massacres de
septembre 1792, qui fit plus de 1300 morts rien qu'à Paris en cinq
jours seulement. Seulement, le parti de l'Incorruptible monte en
puissance, et il est de plus en plus difficile de s'opposer, mais la
féministe continue en publiant des pamphlets et des lettres envoyées
à la Convention.
Elle est finalement
arrêtée le 20 juillet 1793, et
fut envoyée dans les combles de la mairie, où elle organisa sa
défense avant d'être envoyée à la prison de l'Abbaye,
avant de se rendre à la Petite Force pour soigner une
blessure à sa jambe, puis dans une maison de santé, avant
d'atterrir finalement à la Conciergerie le
29 octobre 1793, ce qui n'est jamais bon signe. Appelé
« antichambre de la guillotine », ceux qui se
rendaient dans l'ancien Palais de Justice passaient devant le
tribunal révolutionnaire, chargé de juger les ennemis du peuple,
comme ils les appellent. Et en général, on n'en sortait rarement
vivants, surtout depuis la loi des suspects du 17 septembre 1793,
et l'augmentation des guillotinés sous la Terreur, jusqu'à la chutede Robespierre. Alors quand
Olympe doit s'y rendre, elle sait
sans doute que son sort est scellé, avant même son procès. Enfin
procès, bien grand mot, plutôt simulacre où l'accusé est coupable
d'avance.
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Gravure, Exécution d'une femme sous la Révolution (anonyme) |
C'est donc le samedi 2
novembre 1793, trois jours après la mise à mort de ses camarades
girondins, à 7 heures du matin qu'elle comparut devant le tribunal
révolutionnaire, dans la salle dite de l'Egalité. Grosse ironie. Le
substitut de l'accusateur public, Marc Claude Naulin, lut l'acte
d'accusation. Elle n'a ni témoins ni avocats, et les jurés sont
tous des proches de Maximilien de Robespierre comme Maurice Duplay
son logeur, ou le peintre Claude-Louis Châtelet. Evidemment, on la
reconnut coupable, sinon ce n'était pas drôle, mais Olympe avait
plus d'un tour dans son sac et se prétendit enceinte.
« Mes ennemis n’auront
point la gloire de voir couler mon sang.
Je suis enceinte et donnerai à la République un citoyen ou une citoyenne. »
Je suis enceinte et donnerai à la République un citoyen ou une citoyenne. »
Vrai ou faux ? Les
médecins qui l'examinèrent ne furent en mesure de répondre à
cette question, mais Antoine
Fouquier-Tinville, l'accusateur
public, trancha en faveur – quel suspense – du non, qu'elle
n'était pas enceinte, au titre qu'il était interdit de coucher avec
quelqu'un en prison, et qu'on ne lui connaissait pas d'amants
auparavant. Alors dans les prisons révolutionnaires, je ne veux pas
dire, mais si, on s'envoyait en l'air, discrètement certes, mais
cela se faisait, tout le monde voulait un peu de bonheur avant
d'affronter la mort. Toujours est-il qu'elle fut condamnée à mort,
dés le lendemain.
Et voici donc ce dimanche
3 novembre 1793, place de la
Révolution où la grande femme de lettres monta sur l'échafaud
auprès du bourreau Sanson, et elle s'écria à la foule «
Enfants de la Patrie vous vengerez ma mort. » avant de
voir sa tête tranchée. Elle avait donc 45 ans (et non 38 comme elle
le déclina au tribunal révolutionnaire), laissant un fils, Pierre
Aubry de Gouges, mort de la malaria le 6 janvier 1803, avec
descendance, mais aussi et surtout une figure du féminisme et des
écrits qui marquent encore les femmes de toutes les époques.
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