dimanche 25 octobre 2015

25 octobre 1415 : Bataille d'Azincourt


Difficile de passer à côté des 600 ans de la bataille d'Azincourt, une des plus grandes défaites de l'armée française, et c'est le cas de le dire ! Pourtant, sur le papier, la France possédait un très net avantage, une victoire assurée. Alors que s'est-il passé ? On revient sur les événements.


Je sais, j'avais dit que j'écrirai sans doute plus jamais de récits de bataille après celle de Bouvines, mais je ne me suis pas occupée d'Azincourt. Mon amie Cécile de Les Voyages de Cécile a visité le site d'Azincourt il y a peu et m'a proposée d'en rédiger un article, difficile de refuser une si aimable attention. Je vous laisse donc en sa compagnie pour vous présenter cette drôle de journée où la France eut mal à son ego mal placé …

Azincourt, cela vous dira peut être quelque chose… Il s’agit d’une bataille, datant du 25 octobre 1415 (600 ans après, on en parle encore, c’est pour dire). Nous sommes en pleine guerre de Cent Ans. La France est gouvernée par Charles VI, dit le Fol (ou le fou, donc) et son épouse Isabeaude Bavière. Depuis 1337, la France et l’Angleterre sont en guerre, suite à la succession de Philippe IV le Bel sur le trône de France. Mort en 1314, il avait trois fils, qui devinrent tous rois les uns après les autres : Louis X le Hutin, Philippe V le Long et Charles IV, dernier roi de la branche capétienne directe. Louis X, mort en 1316, ne laissa derrière lui qu'un enfant ne survivant que quelques jours, Jean 1e le Posthume, et une fille Jeanne. Présumée bâtarde, sa mère ayant eut le mauvais goût de se faire surprendre en train de tromper son mari avec un écuyer, Philippe V sortit de son chapeau une loi franque, la loi Salique, stipulant que la couronne ne pouvait ni être donnée à une femme, ni passer par le sang féminin. Il faut donc un héritier mâle, mais dont le sang des Capétiens, famille régnante sur la France à cette époque, est donné par le père. Mais – il y a toujours des mais en Histoire, sinon on s’ennuie – Philippe IV avait aussi une fille : Isabelle, mariée à Édouard II d’Angleterre, avec qui elle eut un fils, Edouard III (ne nous trompons pas dans les numéros). Ce dernier trouve cela un peu injuste, et il estime qu’en tant que petit fils de Philippe IV, il est quand même plus légitime que son cousin. Et comme ils ont un ego un peu sur-dimensionné, tous les deux, ils décident de faire une guerre pour savoir qui sera roi. Et cette guerre, elle date de 1337. Je rappelle que nous sommes désormais en 1415

Attention, la Guerre de Cent Ans – en fait 116 ans – n’est pas un conflit non stop. Cette appellation vient du fait que la guerre se termine par la fin des prétentions anglaises au trône de France, sous Henri VI d'Angleterre, en 1453. Cette période est aussi marquée de trêves, plus ou moins longues, notamment dues au contexte compliqué de l’Angleterre et des différents conflits de succession dont elle est victime. Henri V, sur le trône depuis 5 ans à l'heure d'Azincourt, dans une Angleterre stabilisée, décide qu’il est temps de réclamer ce qu’il estime être son dû : le trône de France. Réunissant son armée, il débarque en France, et après un siège de six semaines, réussit à prendre Harfleur, s’assurant une percée en Normandie. Mais nous sommes déjà fin octobre, il est trop tard pour le roi pour marcher sur Paris. Il décide donc de rejoindre Calais – a l’époque possession anglaise – et ainsi de rentrer en Angleterre avec son armée, il reviendra au printemps suivant, quand le temps sera meilleur. L’armée française, elle, ne l’entend pas de cette oreille, et, à marche forcée, rattrape l’armée Anglaise et lui coupe la route, à Azincourt, donc.

Carte de la bataille
Donc, revenons-en à notre bataille, maintenant que le décor est planté. Azincourt, octobre 1415. Charles VI, le roi fou, ne peut commander son armée lui-même. Il délègue donc son armée à son connétable – général ayant tout pouvoir sur l’armée en absence du roi – Charles d’Albert. A Azincourt, Albert commande 18 000 hommes, la fine fleur de la chevalerie française, très bien équipée et armée (puisqu’ils sont riches, ils ont de magnifiques armures les protégeant bien, mais très lourdes. Ça a son importance, vous allez voir). En face, le commandant anglais est le roi Henri V, commandant 6 000 hommes. Henri et son armée veulent rentrer en Angleterre, et Charles d’Albert et son armée ont eu la super idée de leur barrer la route dans ce petit village. Tout donne l’armée française vainqueur, ils sont après tout à 3 contres 1, comment pourraient-ils perdre ? Les français se voient d’ailleurs déjà vainqueur.

La pluie tombe un peu à l’aube (les détails, vous dis-je) mais rien de bien méchant pour le moment. Les deux armées se font face, à environ un kilomètre l’une de l’autre dans la plaine. Et finalement, Henri V envoie ses archers un peu plus près, pour tirer leurs premiers traits contre les chevaliers français. Ces derniers chargent, sur leurs chevaux autant harnachés qu’eux. Et là, c’est le drame. Les chevaux pèsent beaucoup trop lourd avec tout cet attirail sur le champ détrempé. Ils s’enlisent, trébuchent. A l’époque, les armures ne sont plus des cottes de mailles, mais des plaques de fer qui, certes, sont articulées, mais pèsent 25 kgs environ. Une fois à terre, c’est compliqué de se relever sans aide. Les archers anglais n’ont plus qu’à finir le travail. 

Le connétable d'Albert voit que ça commence à aller mal. Aussi décide-t-il d’envoyer ses fantassins (soldats à pied) et tireurs d’arbalètes en avant. Pas une bonne idée, puisqu’ils doivent enjamber les cadavres de leurs compatriotes, ce qui les ralentit, et les archers anglais (ou plutôt gallois, soyons précis) tirent 10 flèches à la minute, contre les arbalétriers qui n’en tirent que 2. Les rares chevaliers ayant réussi à s’en sortir sont épuisés par le poids de leurs armures. Empêtrés dans la boue, dans les cadavres chevalins et humains, ils ne peuvent pas véritablement agir. Et les archers, de loin, peuvent faire des ravages. C’est donc un massacre, et l’armée française, que même les anglais donnaient vainqueur la veille au soir, subit là l’une de ses plus grandes défaites (avec Crécy, une autre bataille de la guerre de Cent Ans). Et le tout en seulement quelques heures.

C’est donc un désastre total pour la chevalerie française. Du côté anglais, on déplore peu de pertes : Treize chevaliers et une centaine de soldats. Parmi les chevaliers, le roi perd tout de même son cousin Edward de Norwich, duc d’York. Du côté français, on dénombre six mille morts. Oui, six mille, soit un tiers des effectifs, la chevalerie française est pour ainsi dire morte à cet instant et mettra bien des années à s’en remettre. On compte parmi les morts : Jean 1e d’Alençon (qui avait pourtant tué le duc d’York) qui était un partisan des Orléans, le comte Philippe de Bourgogne, Antoine de Brabant, cousins du roi de France, plusieurs conseillers du roi présents à la bataille … Charles d’Orléans, neveu du roi, est fait prisonnier. Ce dernier restera 25 ans enfermé, où il s'amusera à écrire des poèmes, on s'occupe comme on peut. On disait à l’époque que seuls les troupes françaises qui ne participèrent pas furent épargnées, dont celles du duc Jean de Bretagne, qui préféra attendre de voir l’issue de la bataille que de s’y risquer tête la première avec le reste de l’armée royale. Il a peut être eut raison, quand on y pense.

Du côté géopolitique, cela force Charles VI, ou plutôt ses conseillers, à reconsidérer la position de l’Angleterre. Le dauphin Charles, futur Charles VII, n’est pas encore déclaré bâtard, mais pour s’assurer de l’alliance avec l’Angleterre et éviter une nouvelle bataille aussi désastreuse, on décide de marier sa fille Catherine de Valois, âgée de quatorze ans, à Henri V roi d’Angleterre, assurant ainsi pour quelques années encore une paix précaire entre la France et l’Angleterre. C'est ce qu'on appelle le Traité deTroyes de 1420, où à la mort du roi de France, le roi d'Angleterre prendrait sa place sur le trône. Heureusement pour nous, Henri mourut le 31 août 1422, et le roi Charles VI le 21 octobre de la même année, rendant le traité caduque.

Matin de la Bataille, Sir John Gilbert, 19e siècle

Du côté des sources : pendant très longtemps, les sources ont été assez peu disponibles : peu de possibilités de faire des fouilles sur le champ de bataille car les technologies ne le permettaient pas, des archives éparpillées, perdues, abîmées … La source la plus connue est souvent le Henry V de Shakespeare. Elle fait partie de ses pièces historiques, qui sont, entre autre, toute une épopée sur les rois d’Angleterre, allant de Richard II à Richard III (si les numéros se suivent, ils sont séparés par Henri IV, Henri V et Henri VI, on ne se trompe pas). Si la pièce est bien évidemment admirablement écrite – on parle quand même de Shakespeare – et dans le répertoire de ce qu’on appelait à l’époque des Pièces Historiques, elle comporte bien des erreurs : elle fait notamment état de la présence du dauphin Charles à Azincourt, alors qu’il n’avait que douze ans à l’époque, et raccourcit énormément le siège d’Harfleur (pour les besoins du dynamisme de la pièce, bien évidemment). Bref, cette pièce est à prendre avec des pincettes au niveau de son réalisme historique. Si j’en parle, c’est qu’elle est la représentation la plus courante de la bataille, avec deux adaptations d’Henry V au cinéma, une datant de 1944, avec Laurence Olivier en rôle titre – et au vu de la date, on peut bien évidemment penser à un film de propagande, d’autant plus que la bataille ayant lieu en France, et visant à exalter le sentiment patriotique britannique – et une autre, avec Kenneth Branagh, datant de 1989. Une autre, plus récente, a été faite pour la télévision, il s’agit du quatrième épisode de la première saison de la série Hollow Crown, adaptant les épopées shakespeariennes à l’écran. La saison 1 compte Richard II, Henry IV partie 1 et 2, et Henry V. Le roi Henri, présent déjà en tant que Prince de Galles dans les deux parties d’Henry IV, est interprété par Tom Hiddleston (et la saison 2 de Hollow Crown, avec Henry VI partie 1 et 2, et Richard III, arrive bientôt).

Voilà, j’espère que cet article vous en apprendra plus sur la bataille d’Azincourt et la guerre de Cent Ans, pour en savoir plus, je vous invite à cliquer (et visiter) le centre historique, se situant à Azincourt, dont voici le lien http://illucolor.fr/7_vallees_comm/Azincourt/index.html


Je remercie Stéphanie de m’avoir invitée sur son blog, ça m’a fait plaisir. Et qui, sait, on se recroisera peut être :).  

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