Difficile
de passer à côté des 600 ans de la bataille d'Azincourt, une des
plus grandes défaites de l'armée française, et c'est le cas de le
dire ! Pourtant, sur le papier, la France possédait un très
net avantage, une victoire assurée. Alors que s'est-il passé ?
On revient sur les événements.
Je
sais, j'avais dit que j'écrirai sans doute plus jamais de récits de
bataille après celle de Bouvines, mais je ne me suis pas occupée d'Azincourt.
Mon amie Cécile de Les Voyages de Cécile a visité le site
d'Azincourt il y a peu et m'a proposée d'en rédiger un article,
difficile de refuser une si aimable attention. Je vous laisse donc en
sa compagnie pour vous présenter cette drôle de journée où la
France eut mal à son ego mal placé …
Azincourt,
cela vous dira peut être quelque chose… Il s’agit d’une
bataille, datant du 25
octobre 1415
(600 ans après, on en parle encore, c’est pour dire). Nous sommes
en pleine guerre
de Cent Ans.
La France est gouvernée par Charles
VI,
dit le Fol (ou le fou, donc) et son épouse Isabeaude Bavière.
Depuis 1337,
la France et l’Angleterre sont en guerre, suite à la succession de
Philippe
IV le Bel
sur le trône de France. Mort en 1314,
il avait trois fils, qui devinrent tous rois les uns après les
autres : Louis
X le Hutin,
Philippe
V le Long
et Charles
IV,
dernier roi de la branche capétienne directe. Louis
X, mort en
1316,
ne laissa derrière lui qu'un enfant ne survivant que quelques jours,
Jean
1e le Posthume,
et une fille Jeanne.
Présumée bâtarde, sa mère ayant eut le mauvais goût de se faire
surprendre en train de tromper son mari avec un écuyer, Philippe
V
sortit de son chapeau une loi franque, la
loi Salique,
stipulant que la couronne ne pouvait ni être donnée à une femme,
ni passer par le sang féminin. Il faut donc un héritier mâle, mais
dont le sang des Capétiens, famille régnante sur la France à cette
époque, est donné par le père. Mais – il y a toujours des mais
en Histoire, sinon on s’ennuie – Philippe
IV
avait aussi une fille : Isabelle,
mariée à Édouard
II d’Angleterre,
avec qui elle eut un fils, Edouard
III
(ne nous trompons pas dans les numéros). Ce dernier trouve cela un
peu injuste, et il estime qu’en tant que petit fils de Philippe
IV,
il est quand même plus légitime que son cousin. Et comme ils ont un
ego un peu sur-dimensionné, tous les deux, ils décident de faire
une guerre pour savoir qui sera roi. Et cette guerre, elle date de
1337.
Je rappelle que nous sommes désormais en 1415.
Attention,
la Guerre
de Cent Ans
– en fait 116 ans – n’est pas un conflit non stop. Cette
appellation vient du fait que la guerre se termine par la fin des
prétentions anglaises au trône de France, sous Henri
VI d'Angleterre,
en 1453.
Cette période est aussi marquée de trêves, plus ou moins longues,
notamment dues au contexte compliqué de l’Angleterre et des
différents conflits de succession dont elle est victime. Henri
V,
sur le trône depuis 5 ans à l'heure d'Azincourt, dans une
Angleterre stabilisée, décide qu’il est temps de réclamer ce
qu’il estime être son dû : le
trône de France.
Réunissant son armée, il débarque en France, et après un siège
de six semaines, réussit à prendre Harfleur, s’assurant une
percée en Normandie. Mais nous sommes déjà fin octobre, il est
trop tard pour le roi pour marcher sur Paris. Il décide donc de
rejoindre Calais – a l’époque possession anglaise – et ainsi
de rentrer en Angleterre avec son armée, il reviendra au printemps
suivant, quand le temps sera meilleur. L’armée française, elle,
ne l’entend pas de cette oreille, et, à marche forcée, rattrape
l’armée Anglaise et lui coupe la route, à Azincourt, donc.
Carte de la bataille |
Donc, revenons-en à notre bataille, maintenant que le décor est planté. Azincourt, octobre 1415. Charles VI, le roi fou, ne peut commander son armée lui-même. Il délègue donc son armée à son connétable – général ayant tout pouvoir sur l’armée en absence du roi – Charles d’Albert. A Azincourt, Albert commande 18 000 hommes, la fine fleur de la chevalerie française, très bien équipée et armée (puisqu’ils sont riches, ils ont de magnifiques armures les protégeant bien, mais très lourdes. Ça a son importance, vous allez voir). En face, le commandant anglais est le roi Henri V, commandant 6 000 hommes. Henri et son armée veulent rentrer en Angleterre, et Charles d’Albert et son armée ont eu la super idée de leur barrer la route dans ce petit village. Tout donne l’armée française vainqueur, ils sont après tout à 3 contres 1, comment pourraient-ils perdre ? Les français se voient d’ailleurs déjà vainqueur.
La pluie tombe un peu à l’aube (les détails, vous dis-je) mais rien de bien méchant pour le moment. Les deux armées se font face, à environ un kilomètre l’une de l’autre dans la plaine. Et finalement, Henri V envoie ses archers un peu plus près, pour tirer leurs premiers traits contre les chevaliers français. Ces derniers chargent, sur leurs chevaux autant harnachés qu’eux. Et là, c’est le drame. Les chevaux pèsent beaucoup trop lourd avec tout cet attirail sur le champ détrempé. Ils s’enlisent, trébuchent. A l’époque, les armures ne sont plus des cottes de mailles, mais des plaques de fer qui, certes, sont articulées, mais pèsent 25 kgs environ. Une fois à terre, c’est compliqué de se relever sans aide. Les archers anglais n’ont plus qu’à finir le travail.
Le connétable d'Albert voit que ça commence à aller mal. Aussi décide-t-il d’envoyer ses fantassins (soldats à pied) et tireurs d’arbalètes en avant. Pas une bonne idée, puisqu’ils doivent enjamber les cadavres de leurs compatriotes, ce qui les ralentit, et les archers anglais (ou plutôt gallois, soyons précis) tirent 10 flèches à la minute, contre les arbalétriers qui n’en tirent que 2. Les rares chevaliers ayant réussi à s’en sortir sont épuisés par le poids de leurs armures. Empêtrés dans la boue, dans les cadavres chevalins et humains, ils ne peuvent pas véritablement agir. Et les archers, de loin, peuvent faire des ravages. C’est donc un massacre, et l’armée française, que même les anglais donnaient vainqueur la veille au soir, subit là l’une de ses plus grandes défaites (avec Crécy, une autre bataille de la guerre de Cent Ans). Et le tout en seulement quelques heures.
C’est
donc un désastre total pour la chevalerie française. Du côté
anglais, on déplore peu de pertes : Treize chevaliers et une
centaine de soldats. Parmi les chevaliers, le roi perd tout de même
son cousin Edward
de Norwich, duc d’York.
Du côté français, on dénombre six
mille morts.
Oui, six mille, soit un tiers des effectifs, la chevalerie française
est pour ainsi dire morte à cet instant et mettra bien des années à
s’en remettre. On compte parmi les morts : Jean
1e d’Alençon
(qui avait pourtant tué le duc d’York) qui était un partisan des
Orléans, le comte Philippe
de Bourgogne,
Antoine
de Brabant,
cousins du roi de France, plusieurs conseillers du roi présents à
la bataille … Charles
d’Orléans,
neveu du roi, est fait prisonnier. Ce dernier restera 25 ans enfermé,
où il s'amusera à écrire des poèmes, on s'occupe comme on peut.
On disait à l’époque que seuls les troupes françaises qui ne
participèrent pas furent épargnées, dont celles du duc Jean
de Bretagne,
qui préféra attendre de voir l’issue de la bataille que de s’y
risquer tête la première avec le reste de l’armée royale. Il a
peut être eut raison, quand on y pense.
Du
côté géopolitique, cela force Charles
VI,
ou plutôt ses conseillers, à reconsidérer la position de
l’Angleterre. Le dauphin Charles, futur Charles
VII,
n’est pas encore déclaré bâtard, mais pour s’assurer de
l’alliance avec l’Angleterre et éviter une nouvelle bataille
aussi désastreuse, on décide de marier sa fille Catherine
de Valois,
âgée de quatorze ans, à Henri
V roi d’Angleterre,
assurant ainsi pour quelques années encore une paix précaire entre
la France et l’Angleterre. C'est ce qu'on appelle le Traité deTroyes de 1420, où à la mort du roi de France, le roi d'Angleterre
prendrait sa place sur le trône. Heureusement pour nous, Henri
mourut le 31
août 1422,
et le roi Charles
VI
le 21
octobre
de la même année, rendant le traité caduque.
Matin de la Bataille, Sir John Gilbert, 19e siècle |
Du
côté des sources :
pendant très longtemps, les sources ont été assez peu
disponibles : peu de possibilités de faire des fouilles sur le
champ de bataille car les technologies ne le permettaient pas, des
archives éparpillées, perdues, abîmées … La source la plus
connue est souvent le Henry
V
de Shakespeare. Elle fait partie de ses pièces historiques, qui
sont, entre autre, toute une épopée sur les rois d’Angleterre,
allant de Richard II à Richard III (si les numéros se suivent, ils
sont séparés par Henri IV, Henri V et Henri VI, on ne se trompe
pas). Si la pièce est bien évidemment admirablement écrite – on
parle quand même de Shakespeare – et dans le répertoire de ce
qu’on appelait à l’époque des Pièces
Historiques,
elle comporte bien des erreurs : elle fait notamment état de la
présence du dauphin Charles à Azincourt, alors qu’il n’avait
que douze ans à l’époque, et raccourcit énormément le siège
d’Harfleur (pour les besoins du dynamisme de la pièce, bien
évidemment). Bref, cette pièce est à prendre avec des pincettes au
niveau de son réalisme historique. Si j’en parle, c’est qu’elle
est la représentation la plus courante de la bataille, avec deux
adaptations d’Henry
V
au cinéma, une datant de 1944, avec Laurence Olivier en rôle titre
– et au vu de la date, on peut bien évidemment penser à un film
de propagande, d’autant plus que la bataille ayant lieu en France,
et visant à exalter le sentiment patriotique britannique – et une
autre, avec Kenneth Branagh, datant de 1989. Une autre, plus récente,
a été faite pour la télévision, il s’agit du quatrième épisode
de la première saison de la série Hollow
Crown,
adaptant les épopées shakespeariennes à l’écran. La saison 1
compte Richard
II,
Henry
IV
partie 1 et 2, et Henry
V.
Le roi Henri, présent déjà en tant que Prince de Galles dans les
deux parties d’Henry
IV,
est interprété par Tom Hiddleston (et la saison 2 de Hollow
Crown,
avec Henry
VI
partie 1 et 2, et Richard
III,
arrive bientôt).
Voilà,
j’espère que cet article vous en apprendra plus sur la bataille
d’Azincourt et la guerre de Cent Ans, pour en savoir plus, je vous
invite à cliquer (et visiter) le centre historique, se situant à
Azincourt, dont voici le lien
http://illucolor.fr/7_vallees_comm/Azincourt/index.html
Je
remercie Stéphanie de m’avoir invitée sur son blog, ça m’a
fait plaisir. Et qui, sait, on se recroisera peut être :).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire