Quand on pense à
Henri IV, c'est souvent en bien : le bon roi Henri, la poule au
pot, le Vert Galant … Cette jolie image d'un homme simple et bon
vivant. Alors oui, le premier Bourbon se montrait simple et jovial,
mais pourtant haï de son vivant. Assassiné en pleine rue, le peuple
de Paris (et le reste) ne pleure pas sa mort, loin de là !
Aujourd'hui, on parle de sa mort en ces temps de trouble.
A posteriori, quand on
lit la dernière journée du roi, on se dit qu'il y a des signes qui
ne trompent pas. Dans la nuit du 13 au 14
mai 1610, le roi dort mal, d'un sommeil agité. Il se sent
menacé, de mauvais pressentiments le tourmentent. Au matin, il ne
cesse de s'agiter, de tourner en rond. Lui si jovial et souriant a
une mine sombre. D'ailleurs, il réplique au maréchal François
de Bassompière « Vous ne me connaissez pas
maintenant, vous autres ; mais je mourrai un des ces jours, et quand
vous m’aurez perdu, vous connaîtrez alors ce que je valais et la
différence qu’il y a de moi aux autres hommes ».
Ambiance. Ni la messe du matin, ni les audiences ou la visite chez sa
seconde épouse, Marie de Médicis,
et ses enfants, n'arrivent à le sortir de cette impression de
danger. Il faut dire que dans cinq jours, soit le 19 mai, il partira
pour le front pour mener une nouvelle guerre contre l'Espagne. Il a
dû organiser le rassemblement des troupes mais aussi organiser la
régence en son absence, en la personne Marie de Médicis,
ainsi que d'un Conseil, et couronner sa femme pour asseoir son
pouvoir. Beaucoup de choses à penser en si peu de temps.
Alors pourquoi
sortir ? Pour la guerre, tout simplement. Il doit rejoindre
son ministre Maximilien de Béthune, duc de
Sully, surintendant des finances et Grand maître de
l'artillerie de France, à l'Arsenal (dans l'actuel 4e arrondissement
de Paris). Henri IV refuse
d'avoir une garde avec lui et monte dans son carrosse côté gauche.
A sa droite s'installe le duc d'Epernon ; en face le
premier écuyer Liancourt et son conseiller Mirebeau ;
Lavardin, Roquelaure, Montbazon et La Force
s’installent aux portières, dos à la rue. Une sortie entre potes
en somme. Et comme escorte, le roi s'entoure de quelques
gentilshommes à cheval et des valets de pied. Tout ce petit monde
quitte le palais du Louvre pour rejoindre l'Arsenal, à environ 2-3
kilomètres de là.
![]() |
Portrait Henri IV par Frans Pourbus le jeune |
Le carrosse s'engage rue
de la Ferronerie et s'arrêtent car deux charrettes bloquent la rue
étroite. Tout le petit cortège coupe par le cimetière des
Innocents non loin de là, seuls deux valets de pied restent près du
roi : l'un aide à ranger les charrettes pour les faire s'en
aller pendant que l'autre, le flemmard, renoue sa jarretière. Un
spectacle un peu pittoresque, juste avant le drame. Car dans la rue,
un homme a suivi le carrosse depuis quelques temps et se dit que le
moment est trop parfait pour agir. François
Ravaillac s'élance, grimpe sur la roue du véhicule et
donne un premier coup de couteau sous l'aisselle d'Henri, puis
perfore le poumon et l'aorte dans un second coup. Dans le carrosse,
personne n'a rien vu et Montbazon demande au roi ce qu'il a.
Si Henri répond « Ce n'est rien », le sang
sortant de ses plaies annonce un certain souci.
Ravaillac
aurait eu mille fois le temps de s'enfuir, se fondre dans la foule et
disparaître. Mais non, l'imbécile reste là, fasciné et brandit le
poignard ensanglanté, comme en transe. Alors que Montbazon
empêche la foule de lyncher le criminel, comme le fut Jacques
Clément après l'assassinat d'Henri III, La Force
entoure le roi de son manteau, fait baisser les mantelets des
portières et tout le monde repart au palais du Louvre pour porter
secours au roi fortement touché. Le pourpoint ouvert, la chemise
tâchée de sang, le roi a sans doute expiré durant le chemin mais
on le transporte dans sa chambre. La reine hurle « Le roi
est mort ! » et le chancelier Sillery fait
avancer le dauphin Louis, désormais Louis
XIII devant celle qui est maintenant régente du royaume
« les rois ne meurent pas en France. Voici le roi vivant,
madame. » Le roi est mort, vive le roi …
![]() |
Henri IV mort transporté au Louvre après son assassinat, dessin par Joseph-Nicolas Robert-Fleury |
Et Ravaillac
alors ? Emmené à l'hôtel de Retz tout proche. Catholique
fanatique, il dit avoir voulu se débarrasser d'un faux converti et
clame avoir agi seul, durant les quatre interrogatoires subis.
Pourtant ce ne sont pas les ennemis qui manquent : les Jésuites,
Philippe III d'Espagne à qui il voulait faire la guerre, sa
maîtresse Henriette d'Entragues en guise de vengeance … Je vous
conseille de lire L'assassinat d'Henri IV de Jean-Christian
Petitfils, excellente enquête pour comprendre cette sombre affaire.
Toujours est-il que le 27
mai 1610, François Ravaillac
est reconnu seul coupable de régicide, crime de lèse-majesté. Le
même jour, il est exécuté dans d'affreuses circonstances en place
de Grèves. Le voici tenaillé, brûlé au plomb fondu et écartelé
par quatre chevaux. La foule se déchaîne contre lui (alors qu'ils
n'aimaient pas leur roi quelques jours avant) à l'insulter, et quand
un cheval fatigue de tirer, des personnes prennent le relais, jusqu'à
ce qu'une cuisse ne cède, et l'homme meurt après deux heures de
supplice. Puis pour couronner le tout, la foule se jette sur le
cadavre et le meurtrier est mis en pièce ! Le bourreau, sensé
recueillir les membres du supplicié pour les brûler, ne retrouve
rien …
Quant à
Henri IV, après un long rituel d'embaumement et son cœur
transporté à Montbazon, le corps du défunt roi n'arrive à la
basilique Saint-Denis le 1e juillet 1610.
Lui, le roi roux de Navarre, huguenot, avait épousé une Valois,
échappé à la Saint Barthélémy, devint roi de France après la
fin des Valois, dut se battre pour conquérir son trône, au point de
changer de religion pour essayer de contenter tout le monde, ce
battant meurt tout bonnement assassiné. Étrangement, cette mort
tragique fut le point de départ de la légende du roi Henri, oubliés
les soucis et les mauvais jours, on écrit un mythe sur ce roi qui
deviendra l'un des plus populaires de l'Histoire de France.
Oh, et avant de vous
quitter, dernier petit fait intéressant : 33 ans plus tard, en
1643, son fils Louis XIII
expirera lui aussi un 14 mai au Louvre. Comme quoi …
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