La première reine des
belges n'est plus. Éteinte à l'âge assez jeune de 38 ans, elle
marque la fin d'une époque. Celle de la Belgique libre, d'un état
avec ses frontières et ses lois propres, et ne plus dépendre d'un
chef lointain. Je vous avais expliqué dans une série d'articles sur
l'histoire de la Belgique. Et cette reine, Louise
d'Orléans, reste indissociable de la naissance de cet
état, et elle est tout de même l’aïeule de tous les souverains
belges jusqu'à aujourd'hui ! Je ne sais pas vraiment si elle
est vraiment connue en Belgique, mais elle est malheureusement très
peu connue en France, alors qu'il s'agit tout de même d'une
princesse française, et je vais vous parler un peu de sa vie, et
aussi de sa mort il y a 166 ans …
Pas sur que si je vous
dis Louise d'Orléans, reine des
belges, cela vous dise quoi que ce soit, ou assez peu en règle
générale (si c'est le cas contraire, soit tu es belge, soit tu
connais ton Histoire, bravo ! ). Il n'y a pas de mal en soi,
je suis là pour changer la donne, ou approfondir légèrement le
sujet. Avant d'être reine en Belgique, d'où vient cette princesse ?
Seconde enfant, mais
première fille d'une fratrie de de dix enfants (dont 8 ont atteint
l'âge adulte, beau score) du couple de grande ascendance :
Louis-Philippe d'Orléans (futur Louis-Philippe Ie),
membre de la branche Orléans, et de Marie-Amélie
de Bourbon-Sicile (une branche Bourbon des Bourbons
d'Espagne) (oui ils sont cousins puisque les Orléans sont aussi
une banche cadette des Bourbons, mais de France. Bref, je ferme mes
parenthèses). Elle naît à Palerme le
3 avril 1812 au palais Orléans, oui en Sicile, sur les
terres de sa famille maternelles ! Il faut dire qu'en France,
c'est toujours l'Empire avec Napoléon Ie et que la famille de
Bourbon-Sicile a dû quitter Naples pour laisser la place à Murat.
L'exil des Orléans se termine avec la chute de l'Empire, et le
rétablissement des Bourbons sur le trône de France. Le nouveau roi
est Louis XVIII, le frère de
Louis XVI, et il autorise son cousin Orléans à revenir à
son tour en 1814. La famille accueille son quatrième enfant
en octobre, le premier d'une longue série à naître sur le
territoire français, entre le Palais Royal à Paris, le château de
Neuilly ou le château d'Eu en Normandie.
La jeune Louise
fut éduquée par sa mère et une sous-gouvernante, Mme
de Malet « avec un grand fond d'instruction, avait
peu d'esprit. Le cœur et le dévouement lui en tenaient lieu. »
(Mme de Boigne, Mémoires). La jeune enfant, introvertie, se
montrait docile et volontaire pour les tâches qu'on lui confiait,
mais manquait de caractère, contrairement à ses deux autres sœurs.
Elle se plongeait dans les études et la littérature, à en devenir
la parfaite fille de bonne famille : la littérature,
l'histoire, la géographie, les mathématiques, l'italien, l'anglais,
la botanique ou encore la chimie. Elle lit du Byron et du Shakespeare
en version originale, aime peindre et le dessin. Bien sûr, en tant
que fille, il lui fallait une éducation religieuse solide (sa mère
Marie-Amélie s'en chargea bien),
ainsi que savoir manier le fil et l'aiguille pour des travaux de
broderie. Si elle allait au théâtre en famille, ou se montrait aux
réceptions familiales, la jeune Louise n'était bien que dans le
cocon familial, à la fois rigide au niveau éducation mais plein de
tendresse et de complicité, comme un ménage bourgeois.
Louise d'Orléans, reine des Belges, par Franz Xaver Winterhalter, 1832 |
Autant dire que les trois jours de révolution de 1830, et la
montée sur le trône de son père, devenu Louis-Philippe
Ie, roi des français, change la donne. Même si la vie
bourgeoise intérieure est de mise, les enfants sont mis en avant et
sont surtout, des pions sur l'échiquier politique. Nous l'avons vu à
plusieurs reprises, rares sont les mariages choisis dans ce haut
monde ! Si son frère aîné Ferdinand ne trouve pas princesse
pour lui (difficile de trouver une princesse catholique dont la
famille veut bien faire alliance avec un « usurpateur »
de trône comme on le dit … d'ailleurs, il épousera une
protestante), c'est Louise qui
passe la première devant l'autel, avec un mariage qu'elle n'a pas
choisi : Léopold Ie, premier roi des belges, jeune
royaume encore bancal avec à sa tête un homme un peu froid, vivant
dans le souvenir de sa première femme. Elle a 20 ans, lui 42, la
jeune femme pleure sans cesse de cette union qu'elle pense
malheureuse. Dans son journal, sa mère Amélie s'inquiète, et pense
même tout arrêter si sa fille ne veut plus : « Il
[Louis-Philippe] a demandé de lui dire clairement si elle avait
quelque répugnance pour le roi Léopold ou pour le mariage. […]
Louise a répondu qu'elle trouvait ce mariage raisonnable. »
Alors les noces furent célébrées au château de Compiègne le 9
août 1832. Un mariage heureux ? Oui et non. Léopold
se montre prévenant avec son épouse et ils ont une profonde
affection l'un pour l'autre. En 1833, leur premier enfant, un fils,
naît mais il ne passe pas sa première année, cette douleur soude
le couple. Heureusement, trois enfants viendront combler le couple :
Léopold, Philippe et Charlotte. Mais Léopold s'éprend d'une jeune
femme, Arcadie Claret,
à partir de 1842, l'installe et a même des enfants avec elle.
Louise se
réfugie dans l'éducation de ses enfants, les bonnes œuvres et ses
lettres à sa famille.
Triple étude de Louise d'Orléans reine des Belges; par Marie d'Orléans (Gallica) |
Mais
au fil des deuils de sa famille (sa sœur Marie
en 1839, son frère aîné Ferdinand
en 1842), la révolution de 1848
qui renverse son père pour installer la République, Louise
est épuisée et pense que sa fin est proche. Elle a déjà écrit
son testament et sait que son sort se scellera bientôt. A l'été
1850, alors que la reine Victoria
et le prince
Albert venaient à Ostende,
Léopold Ie les reçut seul.
Louise était
souffrante, pâle, atteinte de vomissements, avait du mal à
respirer. Le 21 août, elle écrivait à sa mère en exil en
Angleterre « Mon ennuyeuse
santé ne m'impose que des privations ; ais je dois les prendre
en patience. » Et pour
l'achever un peu plus, elle apprit le décès de son père
Louis-Philippe le
28 août.
Dés les premiers jours de septembre, Léopold
installa son épouse et ses enfants à Langestraat, dans la ville
d'Ostende, mais lui ne resta pas bien longtemps et repartit pour
Bruxelles dés qu'il en eut l'occasion, n'aimant pas les malades.
Personne
ne semblait dupe au sort de la reine, malgré les remèdes et les
encouragements des médecins. Elle qui adore se promener, ne fait
plus que marcher de son lit à sa chaise longue. Et plus la reine
dépérissait, plus le peuple belge insultait le roi et sa liaison
avec Arcadie Claret,
surtout le luxe qu'elle traînait. Léopold
écrivit à sa belle de se faire plus
discrète, moins bling-bling, et Arcadie partit quelques temps en
Allemagne. Si cela calmait l'ardeur populaire, rien ne soignait
Louise.
Il faisait humide à Ostende, la demeure mal chauffée faisait
grelotter la reine enroulée dans ses châles, traînant une énorme
fièvre. L'état empirait et tout le monde vint au chevet de la reine
malade : son époux et sa famille : sa mère, ses frères,
sa sœur, ses belles-sœurs . Tous la veillèrent à tour de rôle,
lui tenaient compagnie. Mais ce 10
octobre, le souffle de
Louise se fit plus irrégulier, elle reçut l'extrême-onction et
agonisa de longues heures avant de rendre l'âme aux premières lueurs du 11 octobre 1850.
Sépulture de Louise d'Orléans et Léopold Ie dans la nécropole royale de Laeken (Bruxelles) |
On
coupa quelques mèches de cheveux pour les placer dans des
médaillons, comme des reliques, on la vêtit d'une belle robe
blanche et tous les drapeaux furent mis en berne. L'émotion fut
grande dans tout le pays, on pleurait sa première reine, une femme
admirable, discrète et aimable. Elle voulut être inhumée dans
l'église Notre-Dame à Laeken, là où elle a vécu de magnifiques
moments dans le château. Estimant que l'église n'était pas digne
d'une reine,
Léopold Ie fit construite la
nécropole royale à Laeken à partir de 1854.
Triste vie pour une jeune
femme discrète, qui n'avait jamais eu l'ambition d'être reine,
juste d'être heureuse, mais dont l'Histoire et les deuils n'ont pas
épargné …
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