mercredi 22 février 2017

23 février 1766 : Mort de Stanislas Leszczynski et annexion de la Lorraine par la France

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Oh une mort, ça fait longtemps (non). Qui est cet homme avec un nom avec bien trop de consonnes à la suite, Stanislas Leszczynski ? Et quel est le rapport avec la Lorraine et la Franc alors qu'il porte un nom à consonance slave ? Que de suspense, je l'accorde mais tout ceci a une logique digne de la géopolitique du 18e siècle dont ce monsieur a bénéficié après avoir été le beau-père du roi de France, Louis XV. Donc, vous avez compris le rapport à la France, mais encore ? Enfilons nos tricornes et robes à paniers pour retourner au siècle des Lumières …


Si vous vivez à Nancy ou que vous y êtes allés, vous avez forcément vu la célèbre place Stanislas, datant des années 1750, et avec en son centre, une statue d'un homme corpulent en perruque avec l'inscription « A Stanislas le bienfaisant / la Lorraine reconnaissante ». S'il a eu sa statue en 1831 au milieu de la place, il a du être un type sympa et aimé. Mais encore une fois, qui est-ce ? Je vous l'explique, jusqu'à sa mort, atroce et idiote.

Stanislas Leszczynski (ou Leczinski, on aimait bien franciser à l'époque) vient d'une grande famille de Bohème installée en Pologne et naît en 1677. Il reçoit une très bonne éducation, maîtrisant plusieurs langues, fait son Grand Tour d'Europe, aime les arts. C'est un très bon parti et en 1698, il épouse Catherine Opalinska, fille d'un magnat polonais, et ont deux filles : Anne en 1699, et Marie en 1703. Jusque là, Stanislas menait une vie de grand noble à la Cour de Pologne, mais n'imaginait pas son destin. Il faut dire qu'il ne l'a pas vraiment choisi, cela s'est fait selon les circonstances européennes !

Pour résumer, en 1697, le roi de Pologne Auguste II (aussi prince-électeur de Saxe), le roi Frédéric IV de Danemark et le tsar de Russie Pierre 1e (dit Le Grand) déclarent la guerre au jeune roi Charles XII de Suède. La guerre fait rage jusqu'à ce que la Suède envahisse la Pologne, et fait élire Stanislas Leszczynski comme roi le 12 juillet 1704, forçant Auguste II à abdiquer. Voici donc Stanislas Ie Leszczynski régner sur le royaume de Pologne (ou république des deux nations, regroupant le royaume de Pologne et du grand-duché de Lituanie), choisi car sans antécédents et irréprochable, devant à présent prendre le parti suédois au milieu d'un royaume instable. Le royaume sombra dans la guerre civile, Auguste de Saxe leva une armée pour reprendre la Pologne, et Stanislas n'est couronné qu'en septembre 1705 et ne connaît le répit grâce à l'abandon du saxon en 1706

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Stanislas Leszczynski, roi de Pologne, par Adam_Manyoki, 1708 (Musée de Varsovie)
Peu populaire et dépendant des victoires de Charles XII de Suède, il vit son trône vaciller après la Bataille de Poltava le 27 juin 1709, avec une victoire décisive de Pierre 1e de Russie. Le 8 juillet 1709, Stanislas Leszczynski se voit priver de trône – qui revient à Auguste II – et doit prendre le chemin de l'exil jusqu'à l'empire ottoman, où se trouve le roi suédois pour tenter de rallier Ahmet III à sa cause.

Pensionnaire de Charles XII, Stanislas se voit offrir par celui-ci la principauté de Deux-Ponts, à la frontière du duché de Lorraine. Peu enclin à de grands pouvoirs, il mène une petite vie de famille, à cultiver les arts et fait construire un palais, aujourd'hui disparu. Mais en 1718, la famille Leszczynski connaît deux drames : la perte d'Anne l'aînée, et la mort de Charles XII de Suède, les obligeant à reprendre le chemin de l'exil. Bon, ils ne vont pas bien loin, en Lorraine, où il reçoit une pension annuelle de Philippe II d'Orléans, Régent, de 1.000 livres par an. La famille se contente d'une vie modeste sans grand faste. Leur salut tient à la volonté de Louis XV, enfin de son ministre le duc de Bourbon, de se marier au plus vite. Le roi est déjà fiancé à l'infante Marie-Anne-Victoire d'Espagne mais n'a que 6 ans en 1724, alors que Louis en a 14, et il faudrait vite des descendants car le roi a une santé fragile, personne ne sait quand il pourrait mourir (spoiler : il meurt dans longtemps, en 1774, à l'âge de 64 ans). Le duc de Bourbon établit une liste des princesses, et le choix se porte sur Marie Leszczynska, 22 ans, fille cadette de Stanislas. Petite anecdote, la jeune femme a été pressentie un prince de sang … le duc de Bourbon lui-même, Louis IV Henri de Bourbon-Condé ! La petite infante-reine espagnole est renvoyée chez elle (et deviendra reine du Portugal par la suite), et tout le monde s'active pour les noces royales, qui ont lieu le 5 septembre 1725 au château de Fontainebleau.

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Marie Leszczinska, reine de France, par Charles Van Loo (Château de Versailles)
Bien, mais Stanislas alors ? Voici un beau-père gênant et qui va causer beaucoup de soucis. En effet, sans royaume et sans titre, il va et vient, vit à Chambord et rend visite à sa fille de temps à autre, il en est ainsi jusqu'en 1733. Cette année là meurt Auguste II de Pologne, et une crise de succession s'ouvre : Auguste a en effet un fils, les russes et l'empire germanique se propose en sa faveur, tandis que la France propose la candidature de Stanislas. Ce dernier partit pour la Pologne, pendant qu'un sosie prenait la mer, et se fit déclarer roi dés le 12 septembre 1733. Aussitôt souverain, aussitôt critiqué, il s'enfuit Dantzig pendant qu'Auguste III est proclamé roi de Pologne, soutenu par les russes. C'est le début de la guerre de succession de Pologne, qui durera jusqu'en 1735 sur le terrain, mais en 1738 pour les négociations … une guerre de perdue à cause du beau-père.

Mais que va t'on faire de Stanislas Leszczynski ? Donnons lui la Lorraine, bien sûr ! Le duc de Lorraine, François III, est amoureux de l'infante Marie-Thérèse d'Autriche, fille de l'empereur Charles VI. Et les négociations sont simples : soit il renonce à son duché pour épouser sa belle, soit il n'y a pas de mariage. Il signe, renonce à son duché, et épouse l'infante. La France récupère la Lorraine, Stanislas est titré duc de Lorraine en 1737, le duché retournera à la France à la mort de ce dernier, et s'engage à avoir un intendant choisi par son royal gendre « Ledit intendant ou autre exercera en notre nom le même pouvoir et les mêmes fonctions que les intendants de province exercent en France. » On ne sait jamais s'il veut faire n'importe quoi avec ses 2 millions de rente annuelle. Après une dernière visite au roi Louis XV et à sa fille la reine Marie, Stanislas et son épouse partent en Lorraine. S'il laissa la politique à son intendant, le désormais duc de Lorraine se montra fort actif dans les arts et la culture, en fondant notamment la Bibliothèque Royale de Nancy ou la Société Royale des Sciences et Belles-lettres. Il contribua à la beauté de Nancy en construisant une magnifique place, portant son nom aujourd'hui. Il embellit les châteaux lorrains et fit de Lunéville une véritable cour « À cette cour de Lunéville qui brillait d'un si vif éclat qu'elle semblait un reflet de la cour de Versailles. »

Le bonhomme a trouvé son bonheur dans le mécénat, les arts et la philosophie, et malgré la mort de son épouse en 1747, il coulait des jours heureux jusqu'à l'âge de 88 ans. Et cette mort alors ? Oh, bien stupide. Le 5 février 1766, le vieux et gros Stanislas est vêtu d'une robe de chambre en fourrure, cadeau de sa fille Marie. Il s'approche un peu trop de la cheminée, et son vêtement s'enflamme. Le duc Stanislas tente d'éteindre le petit incendie mais tombe dans le brasier et vit un véritable calvaire à brûler. Lorsque quelqu'un arrive enfin, il voit le duc de Lorraine gravement brûlé d'un côté et une main complètement calcinée. Après dix huit jours d'agonie et de souffrance, Stanislas Leszczynski meurt le 23 février 1766. Embaumé dés le lendemain, le cortège funéraire part le 4 mars en direction de Nancy, et repose à l'église Notre Dame du Bon Secours, auprès de son épouse. Quant à la Lorraine, elle devient officiellement française.


Arrière-grand-père de Louis XVI, inventeur du baba, génie de la fuite, bon vivant, mécène et pas bien méchant, Stanislas Leszczynski a une image positive dans l'esprit des gens, mais n'a jamais marqué par ses talents de politiciens, c'est certain …  

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