mercredi 8 février 2017

8 février 1587 : Exécution de Marie Stuart


Il s'agit d'un événement majeur du 16e siècle en Angleterre, mais aussi de l'Europe entière : la reine déchue d’Écosse, Marie 1e, connue sous le nom de Marie Stuart, est condamnée à mort par sa propre cousine, Élisabeth 1e d'Angleterre, devenant martyre aux yeux des catholiques contre les religions réformées. Pourquoi cette fin tragique plus de huit années de captivité ? Marie Stuart fut-elle aussi innocente qu'on le dit ? Et Élisabeth aussi diabolique, au point de vouloir cette gênante cousine catholique ? Aujourd'hui, nous en parlons pour évoquer cette histoire …


L’Europe reste pétrifiée par cette nouvelle : l'ancienne d’Écosse, Marie 1e, a été mise à mort ce 8 février 1587, sur ordre de la souveraine Élisabeth 1e d'Angleterre. Choc des catholiques, notamment français en pleine guerre de religions, il s'agissait de leur ancienne reine (certes durant une année seulement), et ils décident d'en faire un symbole de martyr catholique face à la force grandissante des protestants …

Le 7 février 1587, à huit heures du soir, deux gentilshommes annoncent à la reine déchue d’Écosse que la reine Élisabeth 1e a signé le décret de sa mise à mort, qui aura lieu dés le lendemain matin. Impassible, Marie Stuart les remercia, elle allait mourir devant public, et non empoisonnée secrètement comme elle avait eu si peur ces derniers temps. On lui refusa l’aumônier et d'être enterrée en France mais cela ne la perturba pas et demanda à manger, puis organisa ses affaires avant son exécution, comme partager son argent et ses effets personnels à son entourage, retoucher son testament, écrire une lettre confession et quelques correspondances, dont une au roi de France, Henri III.
Puis le lendemain à six heures, elle se leva, revêtit un robe de satin noir à haut échancré, brodée de velours noir et de manches à crevés, deux chapelets autour de la taille, avec des bas noirs et un voile blanc en dentelles agrafés à son col, et une coiffe sur la tête. Dans la grande salle du château de Fotheringay, Marie Stuart monta les trois marches de l'estrade, refusa le rite protestant, préférant mourir en martyre catholique, puis elle quitta sa belle robe, sa servante lui mis un bandeau devant les yeux, puis la reine déchue posa sa tête sur le billot. Il fallut deux coups pour la décapiter. Marie 1e d’Écosse n'était plus, elle fut embaumée et placer dans un cercueil de plomb au château de Fotheringay, avant d'être inhumé à la cathédrale de Peterborough.

Mais qui est Marie Stuart ? Et pourquoi l’exécuter ?Revenons au tout départ pour bien comprendre.

La demoiselle est l'unique enfant du roi Jacques V d’Écosse et son épouse Marie de Guise. Oui Guise, comme Henri 1e de Guise, son neveu et chef de la Ligue Catholique. Je pose ça là … A seulement quatre jours, la voici reine d’Écosse car son père décède le 14 décembre 1542. Il faut savoir que l’Écosse est un pays assez hostile, souvent en guerre contre sa voisine Angleterre, qui aimerait bien agrandir son territoire, avec de nombreux clans voulant s'imposer, la vie y est rude et les châteaux ont encore une apparence rustique et médiévale. Nous sommes très loin du confort et raffinement de François 1e avec Chambord ou encore FontainebleauMarie de Guise entame des négociations avec la France, une alliance se construit avec un mariage à la clé : la petite Marie épousera le dauphin François, fils aîné d'Henri II et Catherine de Médicis. A cinq ans, en 1548, Marie quitte sa mère et son pays pour la France.

L'enfant est jolie, choyée, et entourée d'enfants de son âge avec donc François de treize mois son cadet, et sa sœur Élisabeth, dont elle partagea la chambre. Elle reçut une excellente éducation pour devenir une jolie poupée de la Renaissance, beaucoup moins pour devenir reine : français, latin, le grec, l'espagnol, le chant, le luth, la danse, le dessin, la peinture, la broderie, l'équitation, la conversation … Par contre, elle abandonna l'écossais et ne fut que très peu instruite sur la politique, l'histoire de son royaume. De plus, très nerveuse, on la ménagea et on cédait à ses caprices, de peur de la contrarier. Si tout cela partait d'une bonne intention, cela eut des répercussions difficiles …

Portrait de Marie Stuart, par Joseph Albrier, 1835 (Château de Versailles)
Elle passa son enfance avec son fiancé François et tout le monde encouragea ces amours enfantines, on espérait aussi dégourdir ce dauphin renfermer. On les maria donc le 24 avril 1558. Durant tout ce temps, Marie fut l'objet de convoitise des Guise. Après tout, ils étaient de la même famille, et souvent les souverains favorisent les gens de leur sang, autant dire que les Guise se voyaient déjà dans les plus hauts rangs et les plus hautes fonctions. Puis tout s'accéléra : avec la mort d'Henri II le 10 juillet 1559, le dauphin François devient François II, roi de France et d’Écosse, avec la désormais reine Marie. Encore adolescents de 16 et 17 ans, ils sont bien jeunes pour régner. Si Marie a une influence sur son époux, il faut compter aussi sur la reine douairière Catherine de Médicis, et aussi sur les Guise. Un beau merdier en somme, mais de courte durée, car François II voit sa santé empirer, et il décède à Orléans le 5 décembre 1560.

Pour Marie, voici le début de la descente aux enfers. Elle doit retourner en Écosse récupérer son royaume. En effet, l’Écosse s'est soulevé, et l'Angleterre n'aide en rien depuis que Marie Stuart s'est proclamée reine d'Angleterre et d'Irlande depuis la mort de Mary Tudor, catholique comme elle. Oui, car le destin de la reine écossaise tourne surtout autour de l’ego : catholique et héritière du trône d'Angleterre, elle n'hésite pas à le clamer, ce qui ne plaît guère à la reine anglaise. Ah oui, pourquoi prétend-elle à l'Angleterre ? Sa grand-mère paternelle n'est autre que Marguerite Tudor, sœur aînée d'Henri VIII, qui a épousé Jacques IV d'Ecosse, Marie et Élisabeth sont donc cousines et Marie est l'héritière la plus proche (et le fait savoir, puisque Élisabeth a presque 30 ans en 1561 et n'est toujours pas mariée). Marie quitte la France le 14 août 1561 pour retourner en Écosse, son unique couronne puisqu'elle a perdu la France avec la mort de son époux, et n'a pas l'Angleterre. L'accueil écossais se montre assez glacial, beaucoup de seigneurs ont choisi l’Église réformée, voici qu'une reine catholique débarque. Peu entourée, des châteaux peu confortables, beaucoup de révoltes, il faut que Marie 1e d’Écosse assure le pouvoir, il faut aussi se marier. Elle voudrait bien épouser le fils de Philippe II d'Espagne, puis elle décide de prendre un parti dans son entourage : il s'agit d'Henry Stuart, son cousin, qu'elle épouse le 29 juillet 1565. Ils brûlent de passion l'un pour l'autre, mais la vénalité du jeune homme – qui veut être roi d’Écosse et non roi-consort – détruit leur relation malgré une naissance en 1566, Jacques. Puis Henry Stuart est assassiné début 1567, la plupart des théories asurent que la reine était au courant, sans forcément être l'instigatrice. Déjà, ça ne passe pas vraiment dans l'opinion, mais alors quand la reine épouse James Hepburn, comte de Bothwell, le principal suspect dans l'affaire de l'assassinat du roi-consort, les foules se déchaînent. Bothwell s'enfuit au Danemark, où il finira enfermé, et le couple ne se reverra jamais.

Marie s'enfuit à son tour le 2 mai 1568 avec une petite armée. Les écossais l'ont destitué de son titre de reine, au profit du petit Jacques, devenu Jacques VI d’Écosse, mais la souveraine refuse cette abdication. Après une défaite à Langside, Marie Stuart s'enfuit en Angleterre, sans demander l'autorisation de la reine. Élisabeth n'appréciait pas sa cousine malgré ses lettres sirupeuses à base de « chère sœur », et avait un problème de taille : qu'en faire et comment la traiter ? En attendant de trouver une solution, l'écossaise fut assignée à résidence au château de Carlisle. La descente aux enfers continuent, Marie reste captive pendant presque vingt ans, transférée tout d'abord Staffordshire puis à Chartley Hall. Elle refusait toujours d'abdiquer et continuait des exigences protocolaires selon son royal rang, alors que son fils Jacques était sur le trône, couronné.

Elisabeth 1e d'Angleterre en Phoénix, par Nicholas Hilliard, v.1575 (Tate Museum)
Les partisans catholiques se rassemblaient autour de sa figure, même si sa détention empêchait de plus en plus les correspondances. Et la reine écossaise devenait un problème, il fallait agir. Francis Walsingham, maître des réseaux d'espionnage, était un ambitieux, certain que Marie vivante, il n'arriverait à rien, donc monta un plan pour l'incriminer. A l'aide d'un partisan catholique, Gilbert Grifford, devenu agent double pour la couronne anglaise, ils créèrent un réseau clandestin de lettres codées. Marie avait l'impression de redevenir importante aux yeux du monde, et perdit toute prudence, toute discrétion. Dans une correspondance où on lui proposait l'assassinat d’Élisabeth 1e et elle approuva tout ce plan dans une lettre. Francis Walsingham avait assez de matière pour arrêter une partie du réseau à Londres, puis Marie fut arrêtée à son tour. Tout s'enchaîna bien vite : les conjurés furent exécutés à la Tour de Londres, et l'on prépara le procès de Marie Stuart, transférée au château de Fotheringay.

Elisabeth 1e rend visite à Marie Stuart dans sa prison (Gallica, Bibliothèque Nationale de France)
Elle tenta de se défendre, avec comme argument que la dernière lettre n'était qu'une invention de Walsingham, qui s'y opposa : « Dieu m'est témoin que j'ai tout fait pour assurer la sécurité de la reine et du royaume mais rien qui ne convienne à un honnête homme ou soit indigne de la charge publique que j'exerce. » Puis l'aveu de ses secrétaires l'accabla davantage. La peine de mort fut demandée, mais Élisabeth 1e recula le moment de signer le décret jusqu'au 7 février, sous pression du Parlement. Elle tenta de se réviser, mais trop tard, l'ordre était déjà parti Vous connaissez la suite …


Si l'on comprend le statut de martyre dans ces guerres de religion du 16e siècle, et dans ce destin tragique, ayant un côté romantique plaisant tant au 19e siècle, il est évident que Marie Stuart n'a pas toujours pris les bonnes initiatives. Jusqu'au bout, elle a refusé d'abdiquer, d'abandonner quelconque complot car elle ne voulait se croire abandonnée. On ne peut lui retirer sa conduite digne et courageuse les derniers jours, mais est-ce suffisant ? Si elle avait abdiqué, sans doute qu'elle aurait fini ses jours tranquillement, mais oubliée de tous. Elle, qui a été au centre des attentions toute sa jeunesse, elle ne l'aurait jamais supporté. Sa captivité et sa mort tragique a servi à sa légende, mais celle-ci oublie la plupart de ses erreurs pour ne se concentrer que sur les pans positifs. Pour finir sur une note ironiquement positive, Jacques VI d’Écosse fut l'héritier d’Élisabeth 1e, devenant Jacques 1e d'Angleterre en 1603. Puis en 1612, il décida d'exhumer sa mère pour la faire reposer à l'abbaye de Westminster, à dix mètres de son éternelle ennemi intime, Élisabeth 1e …  


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