Il s'agit d'un
événement majeur du 16e siècle en Angleterre, mais aussi de
l'Europe entière : la reine déchue d’Écosse, Marie 1e,
connue sous le nom de Marie Stuart, est condamnée à mort par sa
propre cousine, Élisabeth 1e d'Angleterre, devenant martyre aux yeux
des catholiques contre les religions réformées. Pourquoi cette fin
tragique plus de huit années de captivité ? Marie Stuart
fut-elle aussi innocente qu'on le dit ? Et Élisabeth aussi
diabolique, au point de vouloir cette gênante cousine catholique ?
Aujourd'hui, nous en parlons pour évoquer cette histoire …
L’Europe reste
pétrifiée par cette nouvelle : l'ancienne d’Écosse, Marie
1e, a été mise à mort ce 8 février 1587, sur
ordre de la souveraine Élisabeth 1e
d'Angleterre. Choc des catholiques, notamment français en
pleine guerre de religions, il s'agissait de leur ancienne reine
(certes durant une année seulement), et ils décident d'en faire un
symbole de martyr catholique face à la force grandissante des
protestants …
Le 7 février 1587,
à huit heures du soir, deux gentilshommes annoncent à la reine
déchue d’Écosse que la reine Élisabeth
1e a signé le décret de sa mise à mort, qui aura lieu
dés le lendemain matin. Impassible, Marie
Stuart les remercia, elle allait mourir devant public, et
non empoisonnée secrètement comme elle avait eu si peur ces
derniers temps. On lui refusa l’aumônier et d'être enterrée en
France mais cela ne la perturba pas et demanda à manger, puis
organisa ses affaires avant son exécution, comme partager son argent
et ses effets personnels à son entourage, retoucher son testament,
écrire une lettre confession et quelques correspondances, dont une
au roi de France, Henri III.
Puis le lendemain à six
heures, elle se leva, revêtit un robe de satin noir à haut
échancré, brodée de velours noir et de manches à crevés, deux
chapelets autour de la taille, avec des bas noirs et un voile blanc
en dentelles agrafés à son col, et une coiffe sur la tête. Dans la
grande salle du château de Fotheringay, Marie
Stuart monta les trois marches de l'estrade, refusa le
rite protestant, préférant mourir en martyre catholique, puis elle
quitta sa belle robe, sa servante lui mis un bandeau devant les yeux,
puis la reine déchue posa sa tête sur le billot. Il fallut deux
coups pour la décapiter. Marie 1e d’Écosse
n'était plus, elle fut embaumée et placer dans un cercueil de plomb
au château de Fotheringay, avant d'être inhumé à la cathédrale
de Peterborough.
Mais qui est Marie
Stuart ? Et pourquoi l’exécuter ?Revenons au
tout départ pour bien comprendre.
La demoiselle est
l'unique enfant du roi Jacques V d’Écosse et son épouse
Marie de Guise. Oui Guise, comme Henri 1e de Guise, son
neveu et chef de la Ligue Catholique. Je pose ça là … A seulement
quatre jours, la voici reine d’Écosse car son père décède le 14
décembre 1542. Il faut savoir que l’Écosse est un pays assez
hostile, souvent en guerre contre sa voisine Angleterre, qui aimerait
bien agrandir son territoire, avec de nombreux clans voulant
s'imposer, la vie y est rude et les châteaux ont encore une
apparence rustique et médiévale. Nous sommes très loin du confort
et raffinement de François 1e avec Chambord ou encore
Fontainebleau … Marie de Guise entame des négociations avec
la France, une alliance se construit avec un mariage à la clé :
la petite Marie épousera le
dauphin François, fils aîné
d'Henri II et Catherine de Médicis. A cinq
ans, en 1548, Marie quitte
sa mère et son pays pour la France.
L'enfant est jolie,
choyée, et entourée d'enfants de son âge avec donc François
de treize mois son cadet, et sa sœur Élisabeth,
dont elle partagea la chambre. Elle reçut une excellente éducation
pour devenir une jolie poupée de la Renaissance, beaucoup moins pour
devenir reine : français, latin, le grec, l'espagnol, le chant,
le luth, la danse, le dessin, la peinture, la broderie, l'équitation,
la conversation … Par contre, elle abandonna l'écossais et ne fut
que très peu instruite sur la politique, l'histoire de son royaume.
De plus, très nerveuse, on la ménagea et on cédait à ses
caprices, de peur de la contrarier. Si tout cela partait d'une bonne
intention, cela eut des répercussions difficiles …
![]() |
Portrait de Marie Stuart, par Joseph Albrier, 1835 (Château de Versailles) |
Elle passa son enfance
avec son fiancé François et
tout le monde encouragea ces amours enfantines, on espérait aussi
dégourdir ce dauphin renfermer. On les maria donc le 24 avril 1558. Durant tout ce temps, Marie
fut l'objet de convoitise des Guise. Après tout, ils étaient
de la même famille, et souvent les souverains favorisent les gens de
leur sang, autant dire que les Guise se voyaient déjà dans
les plus hauts rangs et les plus hautes fonctions. Puis tout
s'accéléra : avec la mort d'Henri II
le 10 juillet 1559, le dauphin François devient François
II, roi de France et d’Écosse, avec la désormais reine
Marie. Encore adolescents de 16
et 17 ans, ils sont bien jeunes pour régner. Si Marie a une
influence sur son époux, il faut compter aussi sur la reine
douairière Catherine de Médicis,
et aussi sur les Guise. Un beau merdier en somme, mais de courte
durée, car François II voit sa
santé empirer, et il décède à Orléans le 5 décembre 1560.
Pour Marie, voici le
début de la descente aux enfers. Elle doit retourner en Écosse
récupérer son royaume. En effet, l’Écosse s'est soulevé, et
l'Angleterre n'aide en rien depuis que Marie
Stuart s'est proclamée reine d'Angleterre et d'Irlande
depuis la mort de Mary Tudor, catholique comme elle. Oui, car
le destin de la reine écossaise tourne surtout autour de l’ego :
catholique et héritière du trône d'Angleterre, elle n'hésite pas
à le clamer, ce qui ne plaît guère à la reine anglaise. Ah oui,
pourquoi prétend-elle à l'Angleterre ? Sa grand-mère
paternelle n'est autre que Marguerite Tudor, sœur aînée
d'Henri VIII, qui a épousé Jacques IV d'Ecosse, Marie
et Élisabeth sont donc cousines et Marie est l'héritière la
plus proche (et le fait savoir, puisque Élisabeth
a presque 30 ans en 1561 et n'est toujours pas mariée). Marie
quitte la France le 14 août 1561 pour retourner en Écosse,
son unique couronne puisqu'elle a perdu la France avec la mort de son
époux, et n'a pas l'Angleterre. L'accueil écossais se montre assez
glacial, beaucoup de seigneurs ont choisi l’Église réformée,
voici qu'une reine catholique débarque. Peu entourée, des châteaux
peu confortables, beaucoup de révoltes, il faut que Marie
1e d’Écosse assure le pouvoir, il faut aussi se marier.
Elle voudrait bien épouser le fils de Philippe
II d'Espagne, puis elle décide de prendre un parti dans
son entourage : il s'agit d'Henry
Stuart, son cousin, qu'elle épouse le 29 juillet 1565.
Ils brûlent de passion l'un pour l'autre, mais la vénalité du
jeune homme – qui veut être roi d’Écosse et non roi-consort –
détruit leur relation malgré une naissance en 1566, Jacques.
Puis Henry Stuart est assassiné
début 1567, la plupart des théories asurent que la reine
était au courant, sans forcément être l'instigatrice. Déjà, ça
ne passe pas vraiment dans l'opinion, mais alors quand la reine
épouse James Hepburn, comte de
Bothwell, le principal suspect dans l'affaire de l'assassinat du
roi-consort, les foules se déchaînent. Bothwell s'enfuit au
Danemark, où il finira enfermé, et le couple ne se reverra jamais.
Marie s'enfuit à
son tour le 2 mai 1568 avec une petite armée. Les écossais
l'ont destitué de son titre de reine, au profit du petit Jacques,
devenu Jacques VI d’Écosse,
mais la souveraine refuse cette abdication. Après une défaite à
Langside, Marie Stuart s'enfuit
en Angleterre, sans demander l'autorisation de la reine. Élisabeth
n'appréciait pas sa cousine malgré ses lettres
sirupeuses à base de « chère sœur », et avait
un problème de taille : qu'en faire et comment la traiter ?
En attendant de trouver une solution, l'écossaise fut assignée à
résidence au château de Carlisle. La descente aux enfers
continuent, Marie reste captive pendant presque vingt ans, transférée
tout d'abord Staffordshire puis à Chartley Hall. Elle refusait
toujours d'abdiquer et continuait des exigences protocolaires selon
son royal rang, alors que son fils Jacques était sur le trône,
couronné.
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Elisabeth 1e d'Angleterre en Phoénix, par Nicholas Hilliard, v.1575 (Tate Museum) |
Les partisans catholiques
se rassemblaient autour de sa figure, même si sa détention
empêchait de plus en plus les correspondances. Et la reine écossaise
devenait un problème, il fallait agir. Francis
Walsingham, maître des réseaux d'espionnage, était un
ambitieux, certain que Marie vivante, il n'arriverait à rien, donc
monta un plan pour l'incriminer. A l'aide d'un partisan catholique,
Gilbert Grifford, devenu agent double pour la couronne
anglaise, ils créèrent un réseau clandestin de lettres codées.
Marie avait l'impression de
redevenir importante aux yeux du monde, et perdit toute prudence,
toute discrétion. Dans une correspondance où on lui proposait
l'assassinat d’Élisabeth 1e et
elle approuva tout ce plan dans une lettre. Francis
Walsingham avait assez de matière pour arrêter une
partie du réseau à Londres, puis Marie fut arrêtée à son tour.
Tout s'enchaîna bien vite : les conjurés furent exécutés à
la Tour de Londres, et l'on prépara le procès de Marie
Stuart,
transférée au château de Fotheringay.
![]() |
Elisabeth 1e rend visite à Marie Stuart dans sa prison (Gallica, Bibliothèque Nationale de France) |
Elle tenta de se
défendre, avec comme argument que la dernière lettre n'était
qu'une invention de Walsingham,
qui s'y opposa : « Dieu m'est témoin que j'ai tout
fait pour assurer la sécurité de la reine et du royaume mais rien
qui ne convienne à un honnête homme ou soit indigne de la charge
publique que j'exerce. » Puis l'aveu de ses secrétaires
l'accabla davantage. La peine de mort fut demandée, mais Élisabeth
1e recula le moment de signer le décret jusqu'au 7
février, sous pression du Parlement. Elle tenta de se réviser,
mais trop tard, l'ordre était déjà parti Vous connaissez la suite
…
Si l'on comprend le
statut de martyre dans ces guerres de religion du 16e siècle, et
dans ce destin tragique, ayant un côté romantique plaisant tant au
19e siècle, il est évident que Marie
Stuart n'a pas toujours pris les bonnes initiatives.
Jusqu'au bout, elle a refusé d'abdiquer, d'abandonner quelconque
complot car elle ne voulait se croire abandonnée. On ne peut lui
retirer sa conduite digne et courageuse les derniers jours, mais
est-ce suffisant ? Si elle avait abdiqué, sans doute qu'elle
aurait fini ses jours tranquillement, mais oubliée de tous. Elle,
qui a été au centre des attentions toute sa jeunesse, elle ne
l'aurait jamais supporté. Sa captivité et sa mort tragique a servi
à sa légende, mais celle-ci oublie la plupart de ses erreurs pour
ne se concentrer que sur les pans positifs. Pour finir sur une note
ironiquement positive, Jacques VI d’Écosse
fut l'héritier d’Élisabeth 1e, devenant Jacques 1e
d'Angleterre en 1603. Puis en 1612, il décida
d'exhumer sa mère pour la faire reposer à l'abbaye de Westminster,
à dix mètres de son éternelle ennemi intime, Élisabeth
1e …
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