Le 8 mars est la
Journée internationale des droits des femmes. Je ne savais pas trop
comment en parler sur ce blog, quel type d'article rédiger, avant de
choisir de mettre en avant quelques femmes de l'Histoire. Difficile
d'en choisir sur plusieurs millénaires, ce choix va être subjectif
et je vais vous présenter quatre femmes fortes de l'Histoire,
connues, mal connues. Elles ont façonné l'Histoire à leur manière,
j'ose espérer que leurs noms vous disent quelque chose, même
vaguement. Apprenons à mieux les connaître ensemble.
Le 28 février 1909,
une « Journée nationale de la femme » (National Woman's
Day) naît aux États Unis, avant que le mouvement ne se démocratise
jusqu'à en faire une journée internationale en 1911. Le
but ? Non pas de créer des promotions, offrir des fleurs aux
femmes ou de leur souhaiter bonne fête, mais pour mettre en lumière
les progrès à faire en matière d'égalité, mais aussi les
avancées en la matière.
Pour mon choix du jour,
j'ai vaguement tenté une personnalité par grande période
historique, pas très original mais qui a fait ses preuves. Au moins,
j'ai tenté de diversifier les personnalités et les époques, c'est
déjà un bon point pour moi, non ? Bon, je fais place à ces
femmes de l'Histoire.
1/ Agrippine la Jeune
Oui, on commence fort
avec celle qu'on connaît principalement comme la mère de Néron.
Oui, ce n'est sans doute pas sa plus grande réussite, c'est sûr …
Née le 6 novembre 15 (ap JC), Julia
Agrippina est entourée d'empereurs romains : sœur
de Caligula, épouse de Claude et mère de Néron.
Fille du général romain Germanicus, celui-ci s'attire les
foudres de l'empereur Tibère et meurt, sans doute sur ses
ordres ; sa mère est exilée ; deux frères sont
emprisonnés. Agrippine, quant à
elle, se voit forcée d'épouser Cneius Domitius Ahenobarbus,
de 30 ans son aîné. Le 15 décembre 37, Agrippine
accouche de son unique enfant, le futur Néron. Cette même
année, Tibère meurt et c'est le dernier frère d'Agrippine
qui devient empereur : Caligula. Couverte d'honneurs
comme ses autres sœurs, Agrippine
en profite un peu trop et se voit accusée d'adultère et même de
complot contre son frère impérial en 39, elle part donc en exil
dans les îles Pontines, revient à Rome, puis repart en exil. Veuve,
elle se remarie mais l'époux, immensément riche, meurt en 47, et
des rumeurs d'empoisonnement de la part d'Agrippine
se répandent.
Elle ne garde pas sa
liberté bien longtemps. L'empereur Claude, qui a succédé à
Caligula, souhaite se remarier. Et si vous ne le saviez pas,
la dynastie des julio-claudiens aiment se marier entre eux, donc ça
tombe bien, car Claude est l'oncle d'Agrippine !
Hop, le mariage est conclu en 53. Intrigante, elle se sert de Claude
et de sa position pour s'enrichir, déposséder des notables et
éliminer ses rivales. Mieux encore, elle réussit à convaincre son
mari d'adopter Néron ! La voie est toute tracée pour
que son fils devienne empereur, et elle empoisonne Claude le
13 octobre 54. La voici maintenant mère d'empereur pour mieux
régner. Seulement, son fils veut l'écarter du pouvoir, voire même
l'assassiner. Il essaye à plusieurs reprises, mais sans succès.
Durant les fêtes de Minerve, Néron prête une galère à sa
mère, mais le bateau se disloque et coule. Seulement, ô
surprise,Agrippine savait nager
et put regagner la berge. Alors Néron recourut à une méthode
simple et qui a fait ses preuves : l'assassinat (Jules César
le confirme). Trop ambitieuse pour son fils et pour elle-même,
Agrippine n'a malheureusement pas
vu que son fils était bien pire qu'elle …
2/ Christine de Pizan
Elle a prouvé que les
femmes pouvaient s'affirmer à l'époque médiévale, loin des
clichés. Née à Venise en 1364, la jeune Christine
quitte rapidement la cité des Doges car son père, Tommaso da
Pizzano (dit Thomas de Pizan) part pour la France en 1368
pour devenir le médecin et astrologue du roi Charles
V de France, il emmène avec lui sa femme et ses trois
enfants. Son père a remarqué que Christine a le goût des
études, aime apprendre, et il pousse sa fille dans des études bien
supérieures aux jeunes filles de l'époque. Intelligente, Christine
est initiée bien sûr à la musique et la poésie, mais aussi aux
langues (italien, français, latin), la philosophie, l'histoire, …
Pourtant, elle regrettera de n'avoir pu avoir une éducation
davantage approfondie, et elle comblera elle-même ses lacunes.
Mais nous sommes au 14e
siècle, et les règles sont assez strictes : une jeune fille
doit faire un bon mariage. Plusieurs hommes ont demandé sa main,
appréciant ses qualités d'écriture, sans oublier la position
enviée de son père. Ce dernier lui impose Étienne de Castel,
issu d'une belle famille de Picardie, jeune homme de 24 ans,
Christine en a 15 et ils se
marient en 1380. Mais le 13 septembre 1380, le roi
Charles V meurt et Thomas de
Pizan n'est plus si bien vu à la Cour, les finances familiales
deviennent inquiétantes. Puis en 1387, Thomas et
Etienne meurent à leur tour, laissant Christine
de Pizan seule avec sa mère, trois enfants et une nièce
à charge. Pendant une dizaine d'années, Christine
se bat contre l'abattement du deuil, les procès, les soucis
financiers. De plus, elle décide de ne pas se remarier et veut vivre
de sa plume « de femelle devins masle ». Puis la chance
tourne à nouveau car elle reçoit la protection et des commandes de
Jean de Berry, frère du défunt roi, et Louis 1e d'Orléans,
frère de Charles VI de France. Pendant environ 15 ans,
Christine de Pizan produit une
grande quantité d’œuvre, dont le Le Livre des fais et
bonnes mœurs du sage roi Charles V en 1404 sur
demande du duc de Bourgogne, Philippe le Hardi.
Mais Christine
profite de sa position pour mener un combat en faveur des femmes. En
premier lieu, elle s'attaque à Jean de Meung, auteur du Roman
de la Rose, grande œuvre littéraire du moment, où elle
juge indigne la représentation des femmes. Il ne s'agit pas de
modifier l'ordre et la place de la femme dans la société, mais
plutôt sur la réputation des femmes, souvent maltraitées par des
écrivains misogynes. De plus, elle pense que l'inégalité entre
homme et femme n'est pas du à la nature, mais davantage à
l'éducation et aux représentations faites par les hommes. Cette
pensée est exprimée dans La Cité des dames, publié
en 1405 et Le Livre des trois vertus à l'enseignement des
dames.
Christine
de Pizan est reconnue comme une écrivaine renommée, ses
écrits sont diffusés, copiés, traduits à travers l'Europe
entière. Mais la terreur bourguignonne de 1418 fait trembler le
royaume de France, et elle se réfugie au monastère de Poissy. Elle
y rédige le Ditié de Jeanne d'Arc en 1429 et meurt
l'année d'après en 1430. Écrivaine, poétesse, une
féministe avant l'heure, Christine de Pizan
a marqué son temps par son talent et sa position originale.
3/ Émilie du Châtelet
On reste dans les femmes
intellectuelles avec Gabrielle Émilie Le
Tonnelier de Breteuil, marquise du Châtelet. Plus de
lettres, place au monde des mathématiques et à la physique !
Tout au long de l'époque moderne, les femmes ont développé les
salons où il est de bon ton de venir montrer ses talents
intellectuels, où les femmes avaient une place importante. Et à
l'époque des Lumières, les femmes continuent à essayer de
s'imposer. Née 17 décembre 1706 dans une famille aisée,
fille du comte de Breteuil et d'une dame de Froulay, mais aussi très
ouverte d'esprit. Tout comme Christine de
Pizan, le père d’Émilie veut lui inculquer une bonne
éducation en lui faisant apprendre les arts comme toute fille de la
noblesse (clavecin, danse, chant d'opéra), mais les langues (latin,
grec, allemand) et côtoie le poète Jean-Baptiste Rousseau,
ami de ses parents.
Mais comme toute jeune
fille de son époque, il lui faut un mari : il s'agit de Florent
Claude du Châtelet, de dix ans son aîné. Un mari peu gênant,
il laisse son épouse aller à envies intellectuelles, tandis qu'il
vaque à sa carrière militaire. Émilie du
Châtelet découvre une nouvelle passion en compagnie du
mathématicien Marcel de Mézières, et ne cessera de mener
ses expériences. Malgré tout, elle donne trois enfants à son
époux, et entretient une liaison avec Voltaire.
Le philosophe encourage Émilie a
continuer ses travaux et approfondir ses connaissances en physique.
Il faut le dire, les mathématiques et la physique, appelés la «
Philosophie Naturelle », sont un monde presque exclusivement
masculin, Émilie du Châtelet
devient une des premières scientifiques de sexe féminin à avoir
une influence, et encore aujourd'hui. Toujours poussée par Voltaire,
elle entreprend la traduction des Principia Mathematica de
Newton.
Malheureusement, elle
meurt le 10 septembre 1749, après un accouchement difficile.
C'est Voltaire qui publie sa
traduction de Newton, comme œuvre de postérité de sa chère
amie. Émilie du Châtelet était
une femme hors de son temps, scientifique dans un monde d'homme,
femme libre bien que mariée, aussi intellectuelle que coquette car
elle avait une tendance à cumuler les chaussures, robes (surtout à
nœuds) et les bijoux. Une femme a multiples facettes en somme.
4/ Marie de Miribel
Cette dernière, j'ai
connu son nom avec la création du tramway, et j'ai découvert qui
elle était lors de mes recherches sur les cimetières parisiens.
Voici une femme qui a consacré sa vie pour les autres et, comme
beaucoup d'autres, n'ont pas vraiment connu la gloire. Marie
de Miribel naît en 1872 dans une famille aisée,
sa mère est Henriette de Grouchy et son père le général
Joseph de Miribel, ayant servi Napoléon III pendant la
guerre de Crimée ou la campagne d'Italie de 1859. Après ses études
au couvent de la Visitation, la jeune femme se tourne vers les plus
pauvres et leur en vient en aide. La rencontre avec l'abbé de
Gibergues, fondateur de l'œuvre des Missions diocésaines, est
un déclic et il la met en contact avec les familles pauvres de la
paroisse de Charonne, dans le 20e arrondissement.
En 1907, elle crée
la Maison de l'Union, un dispensaire pour soigner les plus démunis,
car le quartier de Charonne est ravagé par la tuberculose et la
syphilis. En 1912, elle entame la construction de l'hôpital
de la Croix Saint-Simon et la chapelle Saint Charles attenante. La
Première Guerre Mondiale ralentit les travaux. Pendant ce temps,
Marie devient infirmière sur le
front. Le centre antituberculeux ouvre en 1918 et l’hôpital en
lui-même en 1920, il est même reconnu d'utilité public !
Marie de Miribel reste au chevet
des malades, est appelée même la « sainte du quotidien »
tandis que les Franciscaines Missionnaires gèrent l’hôpital.
Mais son histoire ne
s'arrête pas là. Durant la Seconde Guerre Mondiale, Marie
de Miribel devient conseillère municipale de 1941 à
1944, s'engage dans la Résistance auprès du comité de liaison des
services sociaux. Après la libération, plusieurs milliers de
déportés de blessés de guerre passent par son dispensaire qu'elle
continue d'agrandir et moderniser. Elle meurt le 7 novembre 1959
et est enterrée dans le cimetière paroissial de l'église
Saint-Germain de Charonne, dans son uniforme d'infirmière de la
Grande Guerre. « Honneur, pas d'honneur » fut sa
devise et cette grande dame a refusé toute distinction (Croix de
Guerre, Légion d'Honneur … ) et a passé sa vie à se consacrer
aux autres.
Quel bel article : tu as très bien choisi tes quatre sujets. Les lettres et les sciences pour Christine de Pisan et Mme du Châtelet...la politique pour Agrippine, qui fut la mère de Néron et une petite-fille de Marc-Antoine, ce qui n'est pas rien ! !
RépondreSupprimerEt merci pour la notice biographie de Marie Miribel, qui symbolise le don de soi et dont je ne savais rien. :)
C'est comme si tu avais écrit cet article spécialement pour moi ! Je m'intéresse beaucoup à l'Histoire, et notamment à l'Histoire des Femmes.
RépondreSupprimerSi à l'avenir tu souhaitais écrire de nouveau sur des femmes, je serai la première lectrice de ces articles (bien que tu n'écrives pas que sur les hommes non plus) ;-)
Je suis heureuse de lire quelque chose sur Agrippine, dont je n'entends pas beaucoup parler. Merci de me parler de Christine de Pizan, dont j'entends parler depuis seulement peu de temps. J'ai très envie de lire ses livres du coup. Je sais qu'un de ses écrits a été au programme de l'agrégation. Tu les as lu toi ?
J'adore la figure de Mme du Châtelet ! Et merci pour la découverte de Marie Miribel, dont je n'ai - malheureusement - jamais entendu parler.
Tu l'auras compris, j'ai adoré cet article ;-)