L'empereur Napoléon
1e se remarie ! L'élue, Marie-Louise d'Autriche, fille de
l'empereur d'Autriche, a pour but de donner un héritier à la
dynastie Bonaparte. Mais avant, place à une grande fête digne de la
modestie du bonhomme. Deux jours de cérémonies, des arcs de
triomphe, des décorations gigantesques et même un feu d'artifice.
Le tout avec le gratin de la cour impériale, tout le monde en grande
tenue. De quoi faire tourner la tête à n'importe wedding planner !
Revenons sur cette journée du 2 avril 1810, avec la cérémonie
religieuse et surtout les fêtes …
Napoléon
Bonaparte n'était pas vraiment un homme à femmes avant
sa rencontre avec Joséphine de Beauharnais. Ce couple a connu
une ascension fulgurante, du coup d’État du 18 brumaire, la
nomination de Napoléon comme Consul à vie en 1802,
puis un second coup d’État où il promulgue le Premier Empire,
avec le sacre en 1804. Mais l'héritier n'arrive pas, pourtant
Joséphine a eu deux enfants de
son premier mariage. Le couple impérial décide d'adopter
Napoléon-Charles, neveu de Napoléon, car l'empereur
se pense stérile. Coup sur coup, il a un fils, Charles, avec
sa maîtresse Éléonore Denuelle de La Plaigne, et
Napoléon-Charles meurt à l'âge de cinq ans en 1807.
Finalement, Joséphine et
Napoléon 1e divorcent le 15 décembre 1809, malgré leur amour mutuel.
Maintenant, Napoléon
1e cherche un bon parti pour resserrer sa position en
Europe en entrant dans une grande famille. Le tour se fait
rapidement : une partie des royaumes appartiennent à sa famille
(Joseph roi d'Espagne, Jérôme roi de Westphalie,
Louis roi de Hollande, Caroline reine de Naples avec
Joachim Murat), la Grande Bretagne est l'ennemie jurée de la
France … Il ne reste pas grand-chose. Napoléon
se tourne vers la Russie et l'Autriche (qu'il a combattu et a fait
détruire le Saint Empire Romains Germanique). Il en sort deux
candidates : Anna Pavlovna de Russie, sœur du tsar
Alexandre 1e, et Marie-Louise
d'Autriche, fille de l'empereur François 1e
d'Autriche. Mais les Romanov refusent cette union, en particulier
la mère Sophie-Dorothée de Wurtemberg, qui voit avec horreur
cette union. Dernier recours, l'archiduchesse d'Autriche.
![]() |
Portrait de l'impératrice Marie-Louise, par François Gérard, 1810 (Musée du Louvre) |
Napoléon
a 40 ans, Marie-Louise 18.
Archiduchesse, elle grandit à Vienne, dans les palais de la Hofburg
et Schönbrunn. Son éducation est assez simple, comme toute
princesse, elle parle français et italien, a quelques notions en
littérature, en géographie, en histoire, pratique le jardinage, le
dessin, la broderie et le piano (on peut retrouver ces derniers dans
les petits appartements de Fontainebleau). On lui apprend à être
une bonne épouse, polie, aimable, docile et pieuse. Mais elle
grandit surtout avec la peur de Napoléon
Bonaparte, qu'on surnomme l'Ogre Corse. Encore
aujourd'hui d'ailleurs, quand je suis allée à Schönbrunn,
l'audioguide l'appelle ainsi, perturbant quand on ne s'y attend pas !
Ce même Napoléon la fait s'enfuir en Hongrie et elle voit le
Saint-Empire se désagréger après la bataille d'Austerlitz et la
paix de Presbourg le 26 décembre 1805, il ne reste que
l'empire d'Autriche-Hongrie. Autant dire qu'après autant d'années à
vivre dans la peur et la haine de Napoléon,
quand on annonce qu'elle va l'épouser, cela lui fait un grand chose.
L'historien André Castelot raconte qu'elle pensait épouser un
véritable ogre !
Puis tout se précipite,
Marie-Louise épouse se marie par
procuration le 11 mars 1810 dans l'église des Augustins à
Vienne, avant de faire ses adieux deux jours plus tard. Elle est
accueillie par Caroline Bonaparte
après avoir passé les trois salles temporaires, passant de
princesse autrichienne à princesse française. La voici partie pour
Soissons où l'attend son époux. De son côté, l'empereur
s'exclame, de façon très élégante « C'est un ventre
que j'épouse ». Classe, on se croirait sur Tinder.
Le futur époux se montre
impatient, part à cheval rencontrer Marie-Louise
à Compiègne le 27 mars. Elle est étonnée, voici que l'ogre
est un homme comme les autres. Mieux, il se montre charmant et
presque amoureux. Le soir même, ils passent la nuit ensemble.
Apparemment, le mariage par procuration est un mariage selon Napoléon
1e. Et toujours aussi classe, il lance à homme de
confiance René Savary : « Mon cher, épousez une
Autrichienne, ce sont les meilleures femmes du monde ! »
Quel romantique ce Nappy …
Après la nuit de noces,
il est temps de se marier vraiment, histoire de faire ça bien. Le
1e avril 1810, a lieu le mariage civil au château de Saint-Cloud
en présence de la famille impériale. Le lendemain, ce qui nous
concerne, le 2 avril 1810, Marie-Louise
entre dans Paris dans un magnifique carrosse et passe sous une
maquette de l'arc de Triomphe avant de se rendre à la cérémonie
religieuse. Une église pour se marier ? Pourquoi faire ?
Non, marions nous plutôt au Louvre, devenu musée depuis la
Révolution française, yolo ! Non, je ne plaisante pas, au
grand dam de Vivant Denon, directeur général, la cérémonie
a lieu dans le salon Carré du Louvre (aujourd'hui abritant les
peintures italiennes), transformée en chapelle par l'architecte
Pierre Fontaine, et la cérémonie est célébrée par le
cardinal Fesch, oncle de l'empereur.
![]() |
Mariage religieux de Napoléon 1e et Marie-Louise d'Autriche, par Georges Rouget, 1836 (Château de Versailles) |
Officiellement tout se
passe bien, mais pas vraiment. Treize cardinaux ont refusé
d'assister à la cérémonie, Napoléon fait l'objet d'une
excommunication, le Pape n'a pas ratifié l'ordonnance de divorce
avec Joséphine (même s'il est prisonnier !), il est donc
considéré comme bigame. Comme toujours, les sœurs de l'empereur,
Élisa, Pauline et Caroline, n'apprécient pas
leur nouvelle belle-sœur qu'elles appellent « l'Autrichienne »
et ne veulent pas porter sa traîne. Et dans Paris, tout le monde
regrette l'adorée Joséphine, partie pour le château de
Navarre, à 100km de Paris, puis à Malmaison … Mais revenons au
mariage !
Le cortège quitte la
salle Carré pour se rendre au palais des Tuileries, et le journal Le
Moniteur le décrit parfaitement :
« La belle salle
de spectacle était devenue une salle des fêtes : elle avait
été disposée pour le banquet impérial qui eu lieu le soir à sept
heures. On avait, à cet effet, remplacé le théâtre par une
décoration absolument pareille à celle de la salle, de sorte qu'au
lieu d'une salle et d'un théâtre, on ne voyait qu'une salle d'une
ordonnance régulière et d'un ensemble parfait. Deux coupoles
soutenues par des arcs doubles, et des pendentifs ornés de colonnes
composaient cette décoration. L'une des deux divisions, parallèle à
l'autre, était occupée par la table destinée au banquet impérial,
placée sur une estrade, et surmontée d'un dais magnifique. […]
L'empereur et l'impératrice y ont pris place au milieu des rois et
reines, princes et princesses de la famille. »
Comme on peut le voir sur
le tableau, il y a une vraie mise en scène du système familial. A
droite de Napoléon se trouve
Madame Mère, puis ses frères Louis
et Jérôme (Joseph a été
retenu en Espagne et Lucien est un paria), puis Camille
Borghèse, époux de Pauline, Joachim
Murat et Eugène de Beauharnais.
Et à gauche de Marie-Louise, la
reine d'Espagne Julie Clary (épouse de Joseph), la reine
Hortense, la reine Catherine de Wurtemberg, épouse de
Jérôme, les sœurs Élisa,
Pauline et Caroline,
l'oncle de Marie Louise l'archiduc Ferdinand, Augusta de
Bavière, épouse d'Eugène, et Stéphanie
de Beauharnais, fille adoptive de Napoléon et épouse de
l'héritier du grand-duché de Bade.
La table est décoré de
biscuits de porcelaine blanche de la manufacture de Sèvres,
d'assiettes avec des décors où a voyagé l'empereur, les
institutions impériales et différentes demeures. Pourtant le
banquet ne dure qu'une vingtaine de minutes. L'officier Coignet
raconte le repas, assez froid « On ne soufflait pas mot.
Il ne fut permis de parler que lorsque le souverain maître adressa
la parole à son voisin. Si c’est imposant, ça n’est pas gai ».
Heureusement qu'il y avait les célébrations parisiennes pour donner
un peu de gaieté ! Douze buffets se tenaient sur le Cour la
Reine, des feux d'artifices illuminèrent Paris durant une bonne
partie de la nuit. Les fêtes continuèrent jusqu'au mois de juin,
alors que le couple impérial partit pour le château de Compiègne
le reste du mois d'avril, comme une sorte de lune de miel. A tel
point que la nouvelle impératrice donna naissance à un fils,
Napoléon François Bonaparte le
22 mars 1811. Un mariage réussi ? De ce point de vue là,
oui, c'est certain. Pour le reste, nous en parlerons une prochaine
fois …
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire