Culte de l'Être Suprême (Gallica) |
En ce jour de 27 prairial an II, nous
sommes en pleine Terreur, la Fête de l'Être Suprême a eu lieu
quelques jours avant et ce n'était pas au goût de tout le monde. En
effet, la Révolution a rendu athée une grande partie des gens –
ça permettait les grasses matinées le dimanche sans doute – et
voir instaurer une nouvelle religion déiste par Maximilien de
Robespierre. Cette dernière est à nature philosophique et à pour
but de « développer le civisme et la morale républicaine »,
ça ne plaît pas. Robespierre, déjà très décrié, a fait le
geste de trop. Ses ennemis, toujours plus nombreux, cherchent à s'en
débarrasser. Sans doute aussi que tout le monde en a marre de
trembler face à la guillotine, à une époque où tout le monde
pouvait mourir à tout instant pour une simple suspicion, ou une
dénonciation, sport national de l'époque. C'est là que débarque
Catherine Théot.
Catherine Théot, femme saine d'esprit (BNF) |
Qui est elle ? C'est une vieille
femme de soixante-dix huit ans, pas toute seule dans sa tête. Depuis
des dizaines d'années, elle se proclame être la mère de Dieu, à
attendre la conception miraculée du nouveau prophète. On l'enferme
à la Bastille puis à la Salpétrière, prison pour femmes devenue
hôpital après la Révolution, et elle sort en 1782 mais pas du tout
guérie. D'ailleurs, elle s'installe à rue de la contrescarpe (Ve
arrondissement) et devient une diseuse de bonne aventure, et même
une prophétesse, ayant un sérieux penchant pour le culte de l'Être
Suprême … vous voyez, tout est lié. Parmi ses disciples,
Robespierre est en excellente place, le révolutionnaire et la folle
se voient régulièrement et s'échangent de nombreuses missives.
C'est sur ce pan là que les ennemis de l'Incorruptible ont décidé
d'attaquer.
C'est Marc-Guillaume-Alexis Vadier,
membre du comité de sûreté générale, qui va appuyer sur la
détente. Après avoir découvert ce penchant mystique de son rival,
il va rédiger un rapport sur une probable conspiration, où
Catherine Théot est à la solde d'un dictateur. La preuve ? Une
lettre, où Catherine dit qu'elle voit en Robespierre le « prophète »
ultime, et qu'il rendait honneur à l'Être Suprême. Autant dire que
cette lettre a bien fait rire tout le monde, rendant l'Incorruptible
ridicule.
Catherine Théot fut arrêtée, puis
finalement relâchée sur ordre de Robespierre. Encore une erreur, la
vieille devait être traduite en justice selon le souhait de la
Convention. La mèche s'enflamme, quelqu'un l'appelle « dictateur »,
le 28 juin. Les choses s'emballent, très vite : Robespierre ne
paraît plus au Comité de Salut Public pendant presque un mois. Il
part bouder pendant que ses adversaires se frottent les mains et
complotent à tout va. Comme on dit, quand le chat n'est pas là, les
souris dansent. Après un beau discours le 26 juillet, le lendemain,
on l'empêche de s'exprimer, on vote son arrestation à main levée,
pratique pour voir les traîtres, et il est arrêté, avec ses amis
Saint-Just et Couthon, suivi de son frère Augustin et Le Bas,
volontaires pour être jugés. C'est ça l'amitié ! Tout ça
pour finalement sauter par la fenêtre pour se briser une jambe pour
le frérot et se suicider pour l'autre. On va la faire courte (ah
ah), ils sont guillotinés le lendemain, sans autre forme de procès
puisque mis hors la loi par la Convention.
Et la Théot dans tout cela ? Elle
fut à nouveau arrêtée, jugée cette fois, mais relâchée. Sans
doute le tribunal avait compris qu'elle avait un grain et qu'on ne
pouvait rien faire d'elle. Elle ne survit pas bien longtemps à son
prophète, elle meurt le 1e septembre 1794, toujours en mère de
Dieu. C'est fou quand même comme il suffit d'un rien dans l'histoire
pour tout faire basculer !
Fête de l'Être Suprême, le 15 juin 1794 (Gallica) |
Je ne connaissais pas cette affaire... jusqu'à ton article. Je te remercie pour l'instruction ! :-)
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