mardi 23 juin 2015

Isabeau de Bavière, la reine cupide.


Sculpture de Guy de Damartin (Palais de Justice de Poitiers)

Beaucoup de choses ont été dites sur Isabeau de Bavière, surtout des choses peu reluisantes, plus ou moins à tort. Et le 19e siècle, comme souvent, s’est amusé à réécrire l’histoire à la manière qui lui convenait le plus, en créant des rumeurs persistantes jusqu’à nous jours (Dumas, si tu nous lis, même si tu n’y es pour rien ici). Personnellement, je l’ai connue surtout à travers le château de Vincennes, et cette femme n’a pas besoin qu’on lui rajoute quoi que ce soit : sa vie est suffisamment bien remplie !. Alors quel est le mythe, quelle est la vérité ? On va essayer de voir un peu tout ça.


Une enfance méconnue


Née Élisabeth von Wittelsbach-Ingolstadt, on ne sait pas sa date exacte mais on s’accorde sur l’année 1371, sans en avoir ni le mois ni le jour, ça commence bien. Heureusement, on connaît bien ses parents ! Étienne III de Bavière vient de la grande famille de Wittelsbach, la plus imposante famille des nombreux états de l’Empire, même qu’un ancêtre fut empereur ! A cette époque, on se tourne vers l’Italie pour se marier à de grandes familles et faire des alliances. Et parmi elles, les Visconti, possédant entre autre Milan. L’aînée, Taddea, épouse Étienne III fin 1366, et quatre de ses frères et sœurs épouseront des germaniques. De cette union naquirent Louis, futur Louis VII de Bavière dit le Barbu, et Élisabeth, dit Isabeau, future reine de France.

On sait peu de choses sur son enfance. Sans doute grandit-elle au Ludwigsbourg, le château de Munich. Elle perd sa mère alors qu’elle a dix ans, et son père se remarie avec la fille du duc de Clèves, nommée Élisabeth aussi, mais ce mariage n’aura aucune descendance. On sait qu’elle est instruite puisqu’elle sait lire les livres d’heures, écrits en latin, qu’elle reçoit une éducation très pieuse, qu’elle a une passion pour les fleurs et les oiseaux. Point. Heureusement qu’elle est devenue reine de France car sinon, elle serait tombée dans l’oubli, épousant un prince allemand comme certaines de ses cousines, et vivant un destin classique d’épouse. Heureusement que l’histoire s’en est mêlé, ou pas. Mais comment une petite bavaroise devient-elle reine ? Il faut dire que les conjonctures politiques jouaient en sa faveur. Car en France, à cette époque, le roi Charles V, dit Le Sage, vivait ses derniers instants. Lui qui avait amassé les richesses, repoussé les anglais grâce à son connétable Bertrand du Guesclin, se mourrait au donjon de Vincennes. Mais avant, il avait prodigué un sage conseil à son fils, Charles : « Puisque c’est la guerre et que le roi d’Angleterre, Richard II, est marié à la fille de l’empereur du Saint Empire Romain Germanique, il serait bon, mon fils, que vous aussi vous épousiez en Allemagne ». Papa avait aussi des intérêts dans l’histoire puisque sa propre mère était Bonne du Luxembourg (pas de blague, s’il vous plaît).

Ses premiers pas de reine de France


Plusieurs prétendantes se présentaient pour devenir reine de France, selon les volontés des oncles du nouveau roi, et régents du royaume : Élisabeth donc, mais aussi la fille du duc de Lorraine et celle du duc d’Autriche, deux familles que l’on trouvait plus prestigieuse que les Wittelsbach. Pour départager, on envoya un peintre dans chacun de ses états pour coucher sur la toile le portrait de la candidate. A cette première étape, Charles VI eut une préférence pour Élisabeth, pourtant pas d’une grande beauté, mais sans doute d’un charme et d’un aura incroyable, même à travers une peinture. Pour que le roi se décide vraiment, la jeune fille, âgée de quatorze ans, fut envoyée en France, officiellement en pèlerinage, mais apprit chez la duchesse de Hainaut le maintien, et aussi la mode française ! La base pour un pèlerinage. Le 15 juillet 1385, elle arrive à Amiens où se trouve le roi, âgé de seize ans. Elle lui plaît immédiatement, il est envoûtée par cette adolescente qui ne parle pas un mot de français, mais dont le corps parle pour elle. Charles VI, tellement envoûté par la bavaroise, veut se marier à Amiens dans les trois jours, malgré l’insistance de son oncle bourguignon, qui voulait l’union à Arras. Mieux, il refuse la dot d’Étienne III et le cadeau de mariage de l’oncle d’Élisabeth. Si ce n’est pas de l’amour …

Mariage 3 jours plus tard, à Notre Dame d’Amiens, la jeune femme arrivée à la cathédrale accompagnée des duchesses de Brabant, Hainaut et Bourgogne, parée comme une grande dame, est prête à devenir reine. Et qui dit mariage, dit grande fête. Sauf qu’en trois jours, difficile de rameuter la foule et faire de grandes préparations. Et puis le roi, maintenant qu’il est marié, ne veut qu’une chose : faire la connaissance de sa nouvelle femme, bibliquement parlant. Alors on hâte le repas et on procède au coucher. Pour l’anecdote, la seule condition d’Étienne III est qu’on ne procède pas à l’examen pré-nuptial de sa fille, de peur d’un renvoi en Bavière, doublé d’une humiliation. Vous imaginez, des inconnues découvrent que votre fille a batifolé dans le foin ou a une mauvaise déformation, c’est la honte à l’échelle européenne , et après elle n’est bonne qu’au couvent ! En tout cas, Charles VI ne lui a trouvé que des qualités après cette première nuit. Mieux, il décide de lui changer son nom. Adieu Élisabeth et bonjour Isabeau !
Le jeune couple s’adore et se le montre à toute occasion. Isabeau suit son époux dans la plupart de ses campagnes, et les époux se font de nombreux cadeaux. Tout ce que Charles VI offre, que ce soit une selle de palefroi, des bijoux somptueux, de la riche vaisselle ou des vêtement, tout est orné avec les chiffres de deux jeunes gens, entrelacés. Jusqu’aux jarretières ! Charles appose sa marque sur le corps de sa femme. Cette dernière aimait à combler son jeune mari de bijoux mais aussi de tableaux. Et quand ils ne sont pas ensembles, ce ne sont que longues lettres enflammées, montrant toute leur impatience de se revoir. Pourtant, malgré toute l’affection qu’il a pour sa belle, Charles n’est pas fidèle, bien au contraire. L’homme est doté d’une ardeur quasi-pathologique et va courir la gueuse dès qu’il en a le temps. De toute façon, elle ne tardera pas à faire de même, au moins sont-ils quitte là-dessus. En attendant, le couple est fécond car la première grossesse se développe début 1386, et un premier enfant naît le 25 septembre, mais mourut trois mois plus tard. Le seconde grossesse connut le même sort, la petite fille décéda à l’âge de deux ans ; en six ans, Isabeau connaîtra cinq grossesses, dont seulement deux viables : Isabelle, qui sera mariée à Richard II d’Angleterre, et Jeanne, future duchesse de Bretagne. Les sept autres enfants arriveront tous entre 1393 et 1407, Isabeau sera donc enceinte jusqu’à l’âge de 36 ans, ce qui est déjà âgé pour l’époque, autant dire que la nana est coriace ! Mais sur ces sept dernières grossesses, quatre seulement vivront jusqu’à l’âge adulte, dont Catherine et le dauphin Charles, dont nous reparlerons plus tard.

La jeune reine s’installe donc au manoir de Beauté près du château de Vincennes, qui n’existe malheureusement plus aujourd’hui, mais des traces d’une construction existent toujours. C’est là qu’elle mit au monde ses deux premiers enfants. Elle se confine volontairement, aime la vie de château et le luxe. Il faut savoir qu’à l’époque, le château de Vincennes était au cœur de la forêt, que Paris était bien plus loin qu’à l’époque, c’était vraiment la campagne, idéale pour aller chasser, et suffisamment fortifié en cas d'attaque. Oui, n’oublions pas que nous sommes toujours en pleine Guerre de Cent Ans, les anglois voulant s’approprier le royaume de France, mais ils furent repoussés sous le règne de Charles V, grâce à son connétable Bertrand du Guesclin, aussi efficace que laid

Voulant toujours le meilleur pour sa femme, Charles VI veut que le couronnement de son épouse soit dans la tradition des anciennes reines, et mieux encore. C’est ainsi que le dimanche 20 août 1389, Isabeau partit de Saint Denis pour se rendre à Notre-Dame. Tout le long du parcours ce ne fut qu’acclamations, louanges, tout le monde avait mis ses plus beaux habits, parisiens comme le cortège, avec des litières richement décorés, des tenues somptueuses brodées et des bijoux indécemment brillants, si bien qu’on aurait pu sans doute nourrir la capitale avec une seule parure ! Le roi ne se trouvait pas dans le cortège, attendant sa femme, mais eut soudain l’envie de la voir au milieu de la foule. Et voici le roi et un de ses conseillers, Savoisy, partirent sur un chevalier, habillés simplement jusqu’au Châtelet où le cortège allait arrivé. Mais les gardes, prenant bien soin de ne pas avoir de débordements, empêchèrent les cavaliers de s’approcher plus. Et comme ils ne reconnurent pas leur roi, ce dernier se prit des coups de bâtons pour reculer, comme tous les autres. Pour une fois qu’il y a une justice égale pour tous … Enfin, passant le Grand Pont de Paris, un dernier spectacle : un équilibriste (ou un fou, au choix), partit du haut de la tour de Notre Dame jusque de l’autre côté de la rive, tenant deux cierges dans les mains, si bien qu’on le voyait dans tout Paris (qui n’était pas si grand) et au-delà. ! Enfin c’est bien gentil tout ça mais la nuit tombe et madame n’a toujours pas sa couronne sur la tête. Ce fut chose faite, mais elle ne fut qu’officiellement sacrée et ointe que le lendemain, à la Sainte-Chapelle. Que d’aventures pour devenir vraiment reine ! Sans parler de la fête donnée au Palais entre les deux, puis après le sacrement, puis pendant plusieurs jours avec spectacles, bals et tournois. On savait s’amuser à l’époque, le Moyen Âge n’est pas si austère !

Entrée d'Isabeau dans Paris (British Library)

Durant toutes ces années, Isabeau a assez peu de pouvoir politique et mène une vie oisive entre ses grossesses, les fêtes somptueuses, entre le manoir de Beauté à Vincennes et l’hôtel Saint-Pol, où elle mène grand train ! Tout bascule en 1392, marquant un tournant dans le règne de Charles VI : l’arrivée de sa folie. Et ce ne sera pas une sinécure jusqu’en 1422 … Le 4 août 1392, le roi se trouve dans la forêt du Mans, à peine remis d’une forte fièvre l’ayant cloué au lit près de 3 semaines. Déjà là, ça ne sent pas super bon. Passant près d’une léproserie, Charles VI croise un malade aux mains rongées, lui hurlant qu’il est trahi par les siens ! En temps normal, personne n’aurait cru un lépreux sans doute à moitié dérangé, mais le monarque se sent comme hypnotisé par les paroles du malade. Et à cet instant, un page fit malheureusement tombé sa lance sur le casque d’un de ses collègues. Le bruit fit sursauter le souverain qui tira l’épée de son fourreau et l’enfonce dans le premier venu et continue de même, à cheval, à embrocher ses soldats en hurlant « vous voulez me livrer à mes ennemis » Coup du sort ? Plutôt déséquilibre familial avec plusieurs cas de démence, comme sa mère Jeanne de Bourbon, et consanguinité à foison. En tout cas, il laisse derrière lui blessés et cadavres de sa propre garde, et doit tenir le lit pendant plusieurs jours. Ce sera la première d’une longue série, il lui arrivera par plusieurs fois d’oublier qui il est, persuadé de ne pas s’appeler Charles, de ne pas être marié et encore moins roi de France. Ambiance donc ! Et au fil du temps, cela ne fit qu’empirer, et si Isabeau, toujours éprise, continuait à se donner aux devoirs conjugaux, elle devint de plus en plus hostile à ce roi fou, puant et pleins de poux. Au point qu’elle consentit à lui donner une maîtresse, afin de s’en délivrer !

La régente versatile et cupide


Puisqu’il fallait quelqu’un pour régner sur le royaume, un conseil de régence composé par les oncles du roi fut crée. Isabeau n’avait pas la fibre politique, surtout qu’une querelle entre Armagnacs et Bourguignons crée des tensions. Isabeau soutient un temps les bourguignons avant de retourner sa veste, prenant en même temps Louis d’Orléans pour amant. Pour la petite histoire, on pense que le dernier enfant royal, Philippe, né en 1407 est un enfant adultérin. Pire encore, merci le XIXe siècle pour aimer réécrire l’histoire, Pierre Caze sort une histoire digne d’un mauvais roman historique (et il y en a beaucoup) : ce petit Philippe, n’ayant survécu que quelques jours ne serait pas mort, et il serait une fille ! Mais pas n’importe qui : Jeanne d’Arc ! Ce monsieur Caze est un petit facétieux car si l’on en croit le procès de la Pucelle d’Orléans (en l’honneur de la ville qu’elle a défendu, et pas par rapport à son soi-disant père), elle avait 19 ans en 1431. Cela la ferait naître en 1412, cinq ans après la naissance du petit garçon et la mort du duc d’Orléans. Alors soit la Pucelle ne savait pas compter, soit il y a de la sorcellerie. Ou mieux, de la connerie. Oui c’est bien ça, la connerie.

Si la reine prend sans doute pour amant l’homme le plus puissant du royaume, les deux rivalisent de richesses à la Cour, au point que Jacques Legrand, moine augustin, a décidé de prêcher devant la reine l’Ascension 1405. Il faut l’avouer, Isabeau aime le luxe, les bijoux et les beaux vêtements, et comme une souveraine se doit être la vitrine de ce qui est à la mode, tout le monde la suite : nouvelle mode, nouvelles coiffures et de plus en plus de peau montrée : la gorge, les épaules et même une sacrée échancrure entre les seins. Le moine lui dira « La déesse Venus règne seule à votre cour ; l’ivresse et le débauche lui servent de cortège. » Il n’y va pas par quatre chemins, le tonsuré. Et pendant que le roi apprécie la franchise, la reine se montre fortement mécontente, chasse plusieurs personnes de sa Maison et en mit certains en prison. Autant dire qu’il ne fallait pas la faire chier.



Mais il n’y a pas que la fête et la mode dans la vie, et Isabeau dut bien faire des efforts en politique. Sa grande préoccupation fut son bien personnel, où on lui attribua l’hôtel Barbette pour vivre convenablement si le roi venait à mourir, ses enfants, qu’ils soient bien nourris et traités, et régler la querelle entre le duc de Bourgogne, Philippe le Hardi, et le duc Louis 1e d’Orléans. Ce fut long mais la question était (temporairement) réglée en 1402. Son rôle de médiatrice la fait entrer sur la scène politique. Elle a 30 ans et même le roi, sans doute conscient de son état, lui donne les pleins pouvoirs de décision si lui ne le peut, ce qui arrive de plus en plus souvent. Isabeau se montre très intéressée sur la politique extérieure, cherchant à favoriser sa famille, Wittelsbach et Visconti, mais aussi à marier ses enfants. La première à en bénéficier fut son aînée Isabelle, qui épousa Richard II d’Angleterre, à l’âge de 7 ans, lui en a presque 30. Elle aida aussi son père dans différentes affaires familiales, avec le soutien de Philippe le Hardi et son époux. En 1404, une grande épidémie se répendit sur la France, et le duc de Bourgogne n’y échappa pas. Si ce dernier tempérait la reine, celle-ci se sentit plus libre de gouverner comme bon lui semblait en compagnie de Louis d’Orléans, de dépenser en d’incroyables fêtes mais surtout s’en mettre pleins les poches. Rien de bien reluisant. On vécu un nouveau tournant dans la monarchie, du moins pendant un temps. Car la querelle avait repris, et 23 novembre 1407, alors que Louis d’Orléans sortait de chez la reine à l’hôtel Barbette, il se fit assassiner sur ordre du nouveau duc de Bourgogne, fils du précédent, Jean Sans Peur. La vengeance doit être génétique ou alors super, les enfants hyper conditionnés à haïr les ennemis des parents.

La popularité d’Isabeau déclinait : en prenant le parti des Armagnacs, elle avait attisé la colère des Bourguignons, les divers rumeurs à son sujet couraient. On l’appelait la Grande Gaure, persuadée de son grand nombre d’amants et que son hôtel de Barbette n’était qu’un lupanar géant. Elle vit deux dauphins mourir à une année d’écart, en 1416 et 17. De plus, ses nombreuses grossesses et son train de vie lui avaient donné un très fort embonpoint, la jeune femme charmante arrivée en France avec sa peau pâle et ses cheveux noirs n’existait plus. La cerise sur le gâteau, le parti bourguignon envisageait de la tuer et elle dut se réfugier en avril 1417 dans la grosse tour du Louvre (qui n’existe plus, sauf dans les sous-sols du musée) avec le roi et les princes. Elle se retira à Vincennes où elle vécut avec une petite cour, protégée par des chevaliers débauchés. Autant dire qu’un baisodrome n’aurait pas été moins scandaleux ! Pire encore, un de ses amants, Louis de Bourdon, manqua de respect au roi, en ne le saluant pas. Pas de bol, Charles est assez lucide pour prendre une décision : arrêté, questionné puis reconnu coupable, on mit l'amant dans un sac de cuir et jeté à la Seine avec la mention Laissez passer la justice du roi. Lui aussi, faut pas l'emmerder. Puis, sur ordre de son époux, Isabeau dut partir pour Blois, puis pour Tours avec seulement quelques dames et serviteurs.

Puis nouveau coup de théâtre ! Enfermée à Tours, elle dut admettre qu’il fallait s’allier à l’homme le plus puissant du royaume, le duc de Bourgogne. Il était le seul à pouvoir la faire sortir de là. Les deux conclurent un traité d’alliance et veut reprendre son pouvoir, faisant abstraction que Charles VI a transféré les pouvoirs à son fils Charles, son dernier héritier, âgé de 14 ans. Cette réconciliation allait en contradiction avec les envies du dauphin Charles, n’appréciant pas que sa mère s’octroie des pouvoirs, ni que l’homme le plus puissant de France soit simplement le duc de Bourgogne. Après que les deux hommes se soient réconciliés en juillet 1419, ils devaient se rencontrer à Montereau, mais la réconciliation tourna purement et simplement au meurtre. Si l’on accusa longtemps le dauphin de cet affreux assassinat, on sait que c’est Tanneguy du Châtel, prévôt de Paris, qui porta le coup fatal. Mais ce tragique événement précipita la France dans un de ses plus grand tourment : avoir failli devenir anglais.

On dit souvent qu'Isabeau a mis de côté son fils, reconnu comme criminel et destituer de son statut, devenant le « soi-disant dauphin » (super surnom) et qu'elle aurait donné la France aux anglais. En fait, c'est Philippe III de Bourgogne, fils de Jean Sans Peur, qui négocie un traité avec Henri V d'Angleterre. C’était simple : Henri V épousait Catherine de Valois, princesse de France, et annexerait la France au royaume d’Angleterre à la mort de Charles VI. Celui-ci, fortement malade le 20 mai 1420 signa sans rechigner. Pratique d’avoir un malade avec beaucoup de pouvoirs et/ou d’argent, c’est une pratique courante, utilisée encore par quelques présidents du XXIe siècle … Si elle a finalement consenti, Isabeau avait tout de même tenté de recontacter son fils. Pour faire simple, la cupidité bien connue de la reine avait conduit à accepter ce traité, sachant qu’elle serait sans doute mieux traitée par son gendre anglais que par son fils qui lui reprochait de prendre le parti bourguignon.

Traité de Troyes (Archives Nationales)


Une fin de vie dans l'oubli


Il fallait maintenant que Charles VI crève. Henri V s’était installé au donjon de Vincennes avec sa nouvelle épouse et attendit la mort de beau-papa pour poser la couronne sur la tête. Isabeau vit entre l’hôtel Saint Pol et Vincennes, assez recluse, tout le monde semblait attendre la mort du roi. Mais pas celui qu’on attendait : en effet, Henri V décéda le 31 août 1422, laissant derrière lui un seul fils, désormais Henri VI, âgé de 10 mois. Charles VI, quant à lui, passa l’arme à gauche que le 21 octobre de la même année. L’héritier anglais, bien que portant les titres de roi d’Angleterre et de France, ne pouvait prétendre à quoi que ce soit. Ce fut un nouveau tourment pour la France, les anglais voulaient ce qui avait été convenu et le dauphin, désormais Charles VII allait se battre pour la reconquête de son royaume. L’épisode Jeanne d’Arc, tout ça, … mais ceci est une autre histoire. Et Isabeau ? Abandonnée, il lui restait 13 ans à vivre, dans son hôtel Saint-Pol, occupant son temps à la gestion de sa fortune et de ses biens, notamment ses territoires en Bavière et surtout les revenus qui en découlaient, mais les guerres en Bavière à ce moment l’empêchaient d’empocher le pactole. Elle n’avait plus aucune influence sur les deux possibles rois de France, ni son fils, ni son petit-fils anglais. Elle mourut dans l’indifférence totale, le 29 septembre 1435, à l’âge de 64 ans. Ses serviteurs attendirent trois jours avant de transporter son corps à Notre Dame, où son corps fut exposé aux parisien. Elle fut conduite ensuite à Saint-Denis par voie navigable, et non par la route de Saint Denis avec grand cortège, et reposa aux côtés de son mari et de leurs enfants décédés.


Si Isabeau a laissé une mauvaise image, c’est qu’on a pris les sources de ses détracteurs, et que le XIXe siècle a toujours fait mal aux réputations des mal aimés. Isabeau n’était pas parfaite, femme cupide, un peu versatile sur son comportement et ses choix politiques, mais on n’avait jamais appris à une petite bavaroise à vivre avec un fou, faire l’arbitre pour les deux familles les plus puissantes du royaume, ni gérer une guerre qui a duré cent seize ans. En tout cas, elle nous a prouvé qu'on savait s'amuser à cette époque, avec ces fêtes somptueuses, et ces nombreux amants …  

1 commentaire:

  1. Je ne sais pas si tu l'as lue, mais je te conseille la biographie de Philippe Delorme chez Pygmalion. L'historien reprend le dossier, un peu comme l'a fait Colette Beaune pour Jeanne d'Arc et déconstruit totalement le mythe et la légende noire d'Isabeau de Bavière. Elle nous apparaît alors bien mieux, plus humaine, démunie aussi, devant assumer la régence d'un pays dont elle parle mal la langue lors d'une période particulièrement compliquée. Elle a fait des erreurs mais qui n'en fait pas ? Je suis ressortie de cette lecture avec une vision bien plus objective du personnage, plus proche aussi, certainement, de ce que fut la réalité historique !
    Ton article le démontre aussi très bien, d'ailleurs !

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