Cette journée marque une énième
bataille contre des ennemis de toujours : anglais contre
français, mais aussi rois contre seigneurs. Au début du XIIIe
siècle, le roi de France ne possédait pas la puissance de ses
descendants, parfois certains seigneurs avaient une armée plus
conséquente et davantage de richesses que son souverain. Autant dire
que le roi avait intérêt à ne pas faire son absolutiste avant
l'heure (ceux qui ont joué à Crusader Kings II savent de quoi je
parle). Et puis il royaume de France ne ressemble en rien à celui
que nous connaissons. En effet, la Normandie, l'Aquitaine
appartenaient à l'Angleterre, et ce n'étaient pas des petits
duchés. Un gros bordel qui dure depuis 1159 pour résumer. Depuis
tout ce temps, le royaume de France lutte pour reconquérir lentement
ses terres accroître son pouvoir, et la bataille de Bouvines fait
partie de ces batailles qui entrent dans l'histoire.
Pour résumer le contexte : Henri
Plantâgenêt (1133-1189) épouse Aliénor d'Aquitaine (dont le
mariage avec Louis VII de France a été annulé) en 1152. Lui est
duc de Normandie et veut conquérir l'Angleterre, elle est duchesse
d'Aquitaine. Un couple bien badass. Ils deviennent souverains
d'Angleterre deux en plus tard, en 1154. Devenu Henri II d'Angleterre, il est un conquérant
et entend bien étendre l'empire Plantagenêt. Plus tard son fils,
Richard Cœur de Lion (1137-1199) poursuit cette politique contre le
jeune roi de France Philippe-Auguste (1165-1223). Non je ne parlerais
des théories sur leur prétendue histoire d'amour vu qu'ils se
connaissaient depuis l'enfance, qu'on sait qu'ils ont dormi dans le
même lit … un jour peut être, mais pas là. Bref, une trêve
se met en place lors de la Troisième Croisade où les deux
souverains partent ensemble reconquérir (encore) la Terre Sainte.
Philippe-Auguste rentre avant l'anglais (qui est en fait français vu
qu'il est normand et de mère aquitaine, hein ! ) et s'allie
avec le frère cadet, Jean Sans Terre (1166-1216), pour lui octroyer
la couronne anglaise contre quelques terres rendues au royaume.
Richard, furieux en rentrant reprend ses terres, et meurt à Chalûs
en 1199. De là, Jean Sans Terre devient roi, mais Philippe-Auguste
s'allie avec un autre prétendant du trône, Arthur de Bretagne. Et
c'est reparti pour les batailles, notamment des victoires en
Normandie pour le roi de France, qui fait capituler Rouen en 1204.
Mais toutes ces victoires font peur à ses ennemis et vous connaissez
le proverbe « les ennemis de mes ennemis sont mes amis ».
Voici comme le roi Jean s'allie à l'empereur Otton IV, au duc de
Brabant, de Lorraine, de Limbourg au comte de Flandre, de Boulogne,
de Hollande, que de grandes puissances contre Philippe-Auguste qui,
heureusement, n'était pas seuls : ses alliés sont le duc de
Bourgogne, le comte de Dreux, le comte de Ponthieu et sur le lieu de
bataille, les forces des communes environnantes. Fin du résumé !
Pendant que son fils Louis part vers la
Loire pour protéger d'une invasion anglaise, qui sera la victoire de
la Roche-aux-moins le 2 juillet, le souverain s'en va vers la Flandre
(précisément ce qui le département du Nord aujourd'hui). A partir
de là, tout n'est qu'une stratégie militaire. Le combat contre
l'empereur autour de Mortagne, mais Philippe-Auguste s'en va vers
Lille. Sa stratégie est de prendre l'armée ennemie par surprise,
mais Otton IV apprend la manigance et il faut donc changer le plan
initial. Le samedi 26 juillet se tient un conseil de guerre pour
choisir la meilleure stratégie. Un chevalier lillois du nom de
Girard la Truie propose au roi de simuler un repli dans la panique,
pour attirer l'adversaire sur le plateau de Cysoing, à côté de
Bouvines, lieu propice à un combat de chevalerie. Hop, le lendemain,
l'armée quitte Tournai à petite allure. Bien qu'on soit un
dimanche, Otton IV décide tout de même d'attaquer. Il s'en fout, il
est excommunié par le Pape depuis qu'il a conquis des territoires
pontificaux, le con. Alors il se met à la poursuite des français.
Quelle surprise de se retrouver nez à
nez avec les français, eux qu'on croyait en fuite. Tout était
savamment calculé : Otton et cie se retrouvaient le soleil dans
les yeux, piégés entre une forêt et des marécages, ce serait donc
un vrai corps à corps, sans possibilité de passer par les côtés.
Sur la droite , des royalistes face à Ferrand, le comte de Flandre, tous deux sans
fantassins, ce sera le coin de la chevalerie tandis que les autres
sont à repousser vers les marais. Pendant ce temps là, les milices
communales viennent grossir les rangs de l'armée royale en minorité,
pour rééquilibrer les forces. Après un long silence sans charger,
le côté impérial refusant de combattre contre des roturiers, même
bourgeois, Otton donna finalement l'assaut. Pour ce dernier,
l'objectif est clair : avec ses fantassins en grand nombre, il
veut tuer le capétien, disperser l'armée et s'octroyer la victoire.
Chacun hurle, par exemple Eustache de Maline crie « Mort aux
français ! » et se fait tuer. Le choc, brutal, annonce un
combat acharné des deux côtés, c'est la bataille à ne pas perdre.
Mais les français prennent l'avantage grâce à Guillaume de
Châtillon, qui a l'idée brillante de profiter d'une brèche pour
créer une percée et prendre les flamands à revers. Cela marche si
bien que plusieurs autres seigneurs font de même. Le comte de
Flandre (qui est accessoirement un portugais, normal) est capturé.
Le flanc droit est maîtrisé, mais à gauche, c'est une toute autre
histoire qui se joue : Guillaume de Salisbury, demi-frère du
roi d'Angleterre surnommé « Longue Épée » avance dans
les rangs français et se dirige droit sur le roi, déjà mis à mal
par l'empereur. Mais c'est là que la famille sert à quelque chose :
Robert de Dreux, prince de France et évêque de Beauvais, désobéi
au roi qui lui avait demandé de garder le pont et se jette sur les
anglais, pour reprendre l'avantage.
Nous sommes au milieu de l'après midi
et Philippe-Auguste se retrouve encerclé par des mercenaires munis
de piques, il tombe cheval. Si un chevalier nommé Pierre Tristan ne
se met pas en travers de ces hommes pour protéger le roi, tout
aurait été possible. On vient au secours du roi et
Philippe-Auguste, remis en selle, fonce vers l'empereur. C'est un
moment décisif de la bataille où le clair avantage français se
fait sentir. Robert de Dreux maîtrise Salisbury et les ennemis
sentent la victoire leur échapper de plus en plus. Quand Girard la
Truie fait tomber de cheval Otton, celui-ci monte sur une autre
monture et s'enfuit lâchement, seul, laissant ses armées décamper
comme elles le peuvent. Il ne reste que le comte de Boulogne qui
tente une dernière attaque, du suicide pur en fonçant vers le roi.
Son cheval est blessé et il est prisonnier sous sa monture, le
faisant à son tour capituler. C'est ainsi qu'en fin d'après midi,
la bataille de Bouvines fut terminée, une victoire éclatante des
français !
Cela aurait pu être une bataille parmi
d'autres mais les conséquences furent si énormes que Jean Sans
Terre, privé d'une bonne partie de ses terres dans le royaume de
France, cesse les combats ; Otton IV est destitué de son statut
d'empereur ; le comte de Flandre est prisonnier pendant quinze
ans au Louvre ; certains seigneurs français sont dépouillés
de leurs terres qui entrent dans le domaine royal. Le grand gagnant
reste sans conteste Philippe-Auguste, dont le pouvoir s'est
multiplié, ayant aussi réussi à agrandir le domaine royal et
asseoir sa puissance. Globalement, après cette bataille, le royaume
est enfin en paix, si on retire les albigeois. Rares sont les
batailles avec des conséquences aussi grandes et aussi prolifiques à
la France !
Une bataille très connue mais dont je ne connaissais pas les détails avant de lire ton article. Par contre, malgré ta jolie plume, je ne réussirai sans doute pas à raconter cette bataille...
RépondreSupprimerJe t'avoue que je ne saurais pas tout ressasser à l'oral car c'est assez complexe ! Et merci pour le compliment <3
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