Aujourd'hui, ni mort ni
trucs glauques, mais un mariage ! Un peu de gaieté, du riz jeté
et de l'amour à foison ! … Ah non, au 16e siècle, on
n'épousait pas toujours la personne qu'on aimait, encore moins quand
on naît dans les familles royales. Tant pis, ça fait tout de même
une belle fête dans Paris où on peut jouter, boire et danser
pendant plusieurs jours ! Allez, on retourne sur le grand
événement d'août 1572, enfin le plus joyeux : celui du
mariage de la princesse Marguerite et du roi Henri.
En ce jour ensoleillée
de la mi-août 1572, passé l'Assomption de Marie du 15 août, la
foule s'amasse autour de Notre-Dame de Paris, pour voir passé
les époux dans leurs grandes tenues. Mais qui sont-ils ?
Par galanterie, on
commence par la demoiselle. Fille du roi de France Henri II et
Catherine de Médicis, Marguerite de Valois est la
dernière fille viable et l'avant-dernière enfant (les deux
dernières sont des jumelles, l'une morte-née et l'autre à deux
mois), née le 14 mai 1553 à Saint-Germain-en-Laye, où elle
grandit avec ses frères et sœurs. Jeune fille éduquée, elle
apprend le latin et le grec, l'histoire de France, la géographique,
adore les romans de chevalerie, cite Plutarque, pratique la chasse et
la danse. Bref, une jeune fille accomplie de son époque. Sa
gouvernante Charlotte de Vienne, Madame de Curton, lui apprend les
manières de cour, se tenir en société, ce qu'elle fait fort bien.
Une chose est sûre, elle adore sa famille : lors du grand tour
du roi Charles IX, elle relate dans ses mémoires le bonheur
d'assister au baptême de son neveu, fils de sa sœur Claude de
Lorraine, ou la rencontre émouvante avec sa tante Marguerite
de Savoie. Elle sait aussi sa position, qu'elle est, comme ses
frères et sœurs, un pion du clan Valois sur l'échiquier européen.
On cherche donc à la
marier. Tout d'abord au roi Sébastien du Portugal, un garçon
un peu fou, violent, austère et n'a qu'une idée en tête :
chasser les païens et les hérétiques. Un type charmant en somme.
Fort heureusement pour Margot, le roi refusera finalement la
proposition. Puis on espère lui faire épouser Philippe II
d'Espagne qui vient de perdre sa femme bien-aimée … Élisabeth
de France. Mais si, souvenez vous, celle qui se mariait le jourde la mort de son père Henri II. Ambiance. Plus terre à terre,
Philippe préfère épouse sa nièce, c'est plus sain pour la
dynastie.
Entre temps, la voici tombée amoureuse
d'Henri de Guise, dit le Balafré, chefs des catholiques (et
plus tard de la Ligue). Un homme dangereux pour la Cour et Henri
(futur Henri III) met un terme violent à cette idylle. Si ce n'est
pas le seul amant de Marguerite, je vous arrête de suite : les
relations incestueuses avec ses frères, c'est du délire. Les
rumeurs de l'époque sont propagés par les ennemis de la Couronne,
et Dumas a intensifié la chose. Dumas je t'aime, mais par ta faute,
on voit Margot comme une catin. Si vous voulez en apprendre plus, je
vous invite à écouter l'émission Au Cœur de l'Histoire sur elle.
Il faut dire qu'elle est
belle. Brantôme, grand écrivain de l'époque, fait son portrait :
son beau visage, si bien formé, en faict la foy ; et diroit on
que la mere nature, ouvriere très parfaicte, mist tous ses plus
rares sens et subtilz espritz pour la façonner. Car, soit qu'elle
veuille monstrer sa douceur ou sa gravité, il sert d'embrazer tout
un monde, tant ses traicts sont beaux, ses lineaments tant bien
tirez, et ses yeux si transparans et agreables, qu'il ne s'y peut
rien trouver à dire : et, qui plus est, ce beau visage est fondé
sur un corps de la plus belle, superbe et riche taille qui se puisse
veoir, accompaignée d'un port et d'une si grave majestée, qu'on la
prendra tousjours pour une deesse du ciel, plus que pour une
princesse de la terre.
Personnellement, on ne m'a jamais dit
ça, ça envoie du lourd ! Allez passons au futur marié.
Henri (ou Henry) de
Navarre, fils d'Antoine de Bourbon, chef de la Maison
Bourbon, et de Jeanne d'Albret, reine de Navarre. Là encore,
il y a du niveau dans la famille. Il naît le 13 décembre 1553 à
Pau, dans le royaume de Navarre. Il est élevé à la dure, André
Castelot dit « à la rustique » où, après avoir
épuisé sept nourrices, on le nourrit de viande, de fromage, d'ail
bien sûr, il joue et se bat avec les montagnards du coin, bien sûr
on ne le lave qu'en cas de maladie, d'où la légende de son odeur,
Le chevalier de Bellefort le décrit comme « gaillard,
courtois et accostable, bien disant dans sa langue ». Il
n'est pas un rustre non plus, on l'éduque, on lui apprend le
français, à lire, sa mère le convertit au protestantisme (alors
que son père prend les armes pour les catholiques) et puis à partir
de 9 ans, il est à la cour de France.
Pour vous situer, il est
le petit-fils de Marguerite d'Angoulême, sœur du roi
François Ie, autant dire qu'il est un cousin royal. Il suit
donc les cours au collège de Navarre, fondé au Moyen-Âge, avec le
futur Henri III et Henri de Guise, trio d'Henri, même
si les deux derniers ne s'entendaient pas vraiment. Il y apprend le
grec latin, bon en grammaire, même s'il reste ignorant en matière
de science. Pour compenser, il est excellent cavalier, adore les
joutes, nage et danse. Autant dire que cela en fait un homme bien
fait. Il n'est pas moche par ailleurs, avec son teint hâlé et le
« poil ardent » autrement dit, roux. Oui nous avons eu un
roi roux ! Dés son adolescence, il est un amoureux des femmes
et dans ses mots, a toujours gardé la formule « un million de
baisers » avant de signer. Il est donc le fiancé de
Marguerite, alliance conclue entre la grande marieuse Catherine de
Médicis et Jeanne d'Albret, qui meurt avant de voir son fils marié,
le 10 juin 1572. Le voici à présent roi de Navarre, et paré
à épouser la belle Marguerite. Voici donc nos deux époux prêts à
s'unir !
Il faut dire que le
mariage n'est pas comme les autres. Elle est catholique, a bien
exprimé son avis ne de pas vouloir épouser un protestant, et il est
protestant. La foule voit donc se construire des échafauds en
hauteur, avec des couloirs conduisant du palais de l'évêque à la
cathédrale. Les hommes d'Henri viennent chercher la princesse qui a
dormi à l'évêché pour la conduire devant la cathédrale. Comment
était-elle habillée ? Marguerite nous le décrit elle-même
« … moi habillée à la royale avec la couronne et couet
d'hermine mouchetée qui se met au-devant du corps toute brillante
des pierreries de la couronne, et le grand manteau bleu à quatre
aulnes portée par trois princesses. ». Côté Navarre, il
faut quitter l'habit de deuil pour quelques heures et revêtir des
habits très riches et beaux.
La famille royale est, pardonnez
l'expression anachronique, sur son trente-et-un : le roi Charles
IX est « en soleil », Catherine a mis tous ses diamants
et brillait au soleil, Henri d'Anjou arbore un costume jaune pâle de
satin avec des broderies d'argent et de perles. Après tout, c'est un
mariage royal ! Normalement, la cérémonie a lieu dans la
cathédrale mais ici, l'affaire est toute autre, elle se fait devant
le grand portail ! Hé oui, avec un roi protestant, pas question
d'entrer dans une lieu papiste ! Le silence de Marguerite sur le
parvis de Notre-Dame au moment du consentement des époux est une
invention du XVIIe siècle, une pure légende. Bien sûr, il y a
une messe de mariage, mais tout est pensé : deux chemins sur
ces échafauds sont prévus, l'un pour entrer dans l'église, l'autre
pour partir. Henri prit ce second chemin, n'entrant donc pas dans
l'église. Il attend à l'évêché la fin de la cérémonie pour
embrasser sa nouvelle épouse.
Enfin, les fêtes commencent, et
dureront trois jours ! On commence par un festin à l'évêché
Les mets sont accompagnés de chars avec des rochers factices qui
défilent avec des dieux et monstres marins, sur fond de musiques et
de vers en français. Le lendemain, le roi de Navarre invite tout le
monde à l'hôtel d'Anjou et puis donne un bal au Louvre. Le
troisième jour, on joue le spectacle le Paradis d'Amour, à la fois
joute et mascarade, considéré comme le premier ballet, sur le thème
des conquêtes héroïques. Des chevaliers errants, joués par
Navarre et ses hommes, tente de monter à l'assaut du paradis, qui
sont les Champs Elysées (même place que ceux d'aujourd'hui, mais
avant c'était bien des champs). Il s'y trouve un arc de triomphe a
escalader et derrière, une roue avec douzes nymphes gardées par des
preux chevaliers., joués par les princes Valois, Charles, Henri,
François. Les assaillants tombent en enfer. Puis après des vers de
Ronsard, les princes dansent avec les nymphes et les chevaliers sont
délivrés grâce aux dames, brisant leurs chaînes fictives par la
grâce de l'amour, la poésie et la musique. Doit-on y voir un
message clair au protestant ? A vous de voir …
Le dernier jour, on joue à nouveau au
Louvre. Une course à la bague est organisée, les frères Valois et
leurs gentilshommes contre Navarre et ses amis. Le clan Valois se
travestit en amazone, avec poitrines découvertes et arc en
bandoulière et les autres en turcs, avec des turbans, de grandes
robes de drap d'or. Non mais c'est sympa le mariage royal à la
Renaissance, puis moins sanglant que la dernière fois.
Enfin, ce n'est pas sûr, car
l'Histoire se souvient du massacre de la Saint-Bathélémy, où
Marguerite n'a aucun pouvoir : considérée comme suspecte par
les huguenots car elle est catholique, et de même pour les
catholiques car elle est la femme d'un protestant. Après ces
journées sanglantes, le couple est assigné un temps à résidence à
la Cour de France et Henri contraint de se convertir au catholicisme
pour sa sûreté. C'était bien la peine de préparer un mariage
comme ça alors qu'il aurait suffi d'une conversion !
Voilà ce qu'on pouvait dire sur les
noces vermeilles ayant uni ce couple royal tumultueux, dont la vie
conjugale ne sera pas facile ! Mais ceci est une autre histoire
…
J'ai beaucoup aimé lire ton article et surtout la conclusion sur la conversion ;)
RépondreSupprimerEffectivement, celui-ci est beaucoup moins sanglant que le mariage de la soeur d'Henri II !
Paradoxalement, le mariage d'Elisabeth (celle qui épouse Philippe II lors du mariage sanglant) a été très réussi, les époux s'aimaient. Là, le mariage fut réussi mais ce fut 7 années assez catastrophiques. Comme quoi, peut être qu'une mort noue des liens !
SupprimerL'Henriot, encore et toujours ! J'aime bien les festivités, avec les nymphes, les amazones, etc,. Je prends note pour l'organisation d'un certain mariage :face:
RépondreSupprimerJe sais pas si le marié voudra mais vu qu'il ne décide pas ... :face:
SupprimerJe connais le couple grâce au livre de Dumas. Un article sur un sujet plus joyeux. J'aime beaucoup comment tu racontes l'histoire ! ;-)
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