Je suis actuellement en vacances à
Montpellier, et le Musée Fabre, le musée des Beaux-Arts de la
ville, organisait une magnifique exposition sur la peinture
napolitaine au 17e siècle, d'où l'âge d'or. Ni une ni deux,
j'accourus jusqu'au musée où, au milieu des dizaines de personnes
âgées, je me suis régalée de belles peintures avec clair-obscur.
Je vais vous expliquer, suivez moi …
Ce qu'il faut savoir pour commencer,
c'est que j'aime beaucoup la peinture, sans avoir forcément toutes
les clés de compréhension, le nom des techniques ni connaître tous
les courants. Alors je passes des heures à lire les explications, me
rappeler mes cours d'histoire de l'art, ou mes recherches, les
précédentes visites que j'ai pu faire pour avoir quelques points de
repères. Et là, ça tombait bien, l'année dernière, j'avais eu le
bonheur de visiter Le Trésor de Naples au musée Maillol l'année dernière, et au printemps Les Bas Fondsdu Baroque
au Petit Palais, alors l'Italie à cette époque et les croyances
napolitaines, je les avais en tête. C'est parti pour un petit tour à
Naples au 17e siècle !
Le déroulement de l'exposition
L'exposition se découpait en six
salles, chaque salle présentait une période et l'avancée des
techniques, des inspirations selon les peintres venus à Naples pour
apporter son influence venu du reste d'Italie mais du reste de
l'Europe comme la France et la Flandre.
Enfin, la première salle présente la
cité au 17e siècle, capitale du royaume de Naples appartenant à
l'Espagne, et sous la domination du vice-roi. En 1656, la ville
comptait environ 500.000 habitants, en faisant une des plus grandes
villes d'Europe avec Paris, avant que la peste ne vienne décimer la
population qui retombe à 186.000 en 1688. La salle présente des
tableaux avec des paysages de Naples à cette époque, montrant qu'il
s'agit d'une ville entre deux volcans et la mer. Le plus sympathique
dans cette salle est la grande gravure d'Alessandro Baratta au mur,
et le musée en a fait une carte interactive où l'on peut zoomer sur
des zones de la ville et lorsque l'on appuie sur les monuments, comme
le fort St Elmo ou la cathédrale St Janvier, avec un petit
historique et une description de l'architecture. Vraiment ludique et
interactive.
Alessandro Baratto, vue de Naples, 1629 |
La seconde salle se concentre sur le
tournant de la peinture napolitaine grâce à la venue de
Michelangelo Merisi da Caravaggio, dit Le Caravage, un peintre
lombard déjà bien connu. Il vient à Naples deux fois : en
1606-7 et 1609-10. Il est l'un des précurseurs du clair-obscur. Pour
ceux qui ne savent pas, c'est une technique picturale consistant à
mettre en lumière les personnages selon un certain angle, cela
permet un certain relief et même du volume. Si la technique existe
depuis la Renaissance, c'est Le Caravage qui donne toute sa lumière
à la technique, s'opposant au classicisme de Rome et Bologne.
S'ajoute à cela un certain naturalisme, c'est à dire des
personnages non-idéalisés, de la vie quotidienne, le tout dans un
décor sobre, voici la pâte du Caravage et ce qu'il apporte à
Naples à son arrivée.
Le Caravage, Saint Jean-Baptiste, 1610 |
D'autres artistes, tels que Caracciolo
ou Vitale, s'inspirent du travail du grand maître et se
réapproprient la technique, mais le premier quart du 17e siècle est
marqué par le grand peintre, et si le clair-obscur reste le maître
mot, on se tourne davantage vers le côté naturaliste du Caravage,
décédé sur la route de Rome en 1610. S'il reste le précurseur,
retenons un nouveau nom de la suite du courant : Jusepe de
Ribera, installé à Naples depuis 1616 …
La troisième salle s'axe donc sur
Ribera et son naturalisme. Ce peintre espagnol a peint à Rome avant
de venir à Naples, et décide de s'appuyer du travail du Caravage
mais d'accentuer le naturalisme, ce qui plaît aux napolitains et
surtout aux peintres qui viennent nombreux à son atelier. Le travail
se focalise sur le quotidien un peu rustique, le populaire, au
travers notamment de la nourriture modeste, comme le jambon ou les
tourtes, mais aussi des toilettes assez simples.
Artemisia Gentileschi, Sainte Agathe guérie par Saint Pierre, 1635-37 |
Les nouvelles influences viennent de
l'extérieur, notamment de Rome, où est passé Ribera, et du peintre
espagnol Velázquez, de passage à Naples en 1630, ou alors du
peintre français Poussin, apportant aussi une touche de classicisme
. Cela se sent au travers d'un nouveau genre : des scènes de
bataille, mais point de héros ou de grands personnages, ils sont
souvent plus réalistes, avec même des scènes en arrière plan. Un
des plus importants dans le domaine est Rosa, un élevé de Ribera.
Dans la salle suivante, la quatrième, poursuit
son choix sur l'éloignement du Caravage, et l'accentuation de la
couleur. Avant cela, les couleurs sont souvent dans les bruns-ocres,
assez sombres, d'où le terme de ténébrisme. Là, on change tout et
on s'inspire du passé, via le 16e siècle vénitien, comme Véronèse
et le Titien, mais aussi une influence flamande à la même période,
comme Van Dyck ou Rubens. D'ailleurs, je vous conseille après
l'exposition de visiter les collections permanentes car le musée
Fabre possède une grande collection de peinture flamande, histoire
de voir les influences et les différences. On peut donc voir une
explosion de couleurs, des poses plus sensuelles, même des peintres
plus classiques ou naturalistes recherchent à séduire et des
couleurs plus chatoyantes. C'est le cas du tableau de Stanzione
ci-dessous montre une femme coiffée d'un bonnet de lin porté par
les marin. On voit pourtant que cette robe a l'air en apparence
simple mais est très travaillée avec un gilet brodé, un col en
dentelles, d'une grande qualité. On peut se poser la question :
est-ce une femme noble en costume de peuple ou femme modeste dans une
robe de grande dame ?
Massimo Stanzione, Portrait de femme au coq en costume napolitain, 1635 |
La technique, si recherchée, traverse
le royaume pour se retrouver en Espagne, où Philippe IV d'Espagne
reconnaît la qualité du travail. A Madrid, on commande aux peintres
napolitains comme Di Lionne ou Falcone des tableaux pour le palais
Buen Retiro, lieu où le souverain espagnol aime s'y détendre et se
retirer, aujourd'hui démoli.
Dans l'avant-dernière salle, on nous
apprend que Naples est une ville superstitieuse et très croyante et
lorsque les malheurs s'abattent sur la ville, ils se tournent sur le
saint patron de la ville, San Gennaro (saint Janvier). Au fil des
siècles, et des malheurs, de nombreux patrons se sont ajoutés au
grand patron, pour atteindre 21 saints au total. Il faut au moins
cela, quand on est une ville à côté du Vésuve. Justement, ce
dernier s'est réveillé en 1631 ! Après ce la, en 1647, les
napolitains se révoltent à cause de la mauvaise gestion du
vice-roi, créant un gouvernement indépendant pendant plusieurs
mois. Sous oublier en 1656, l'épidémie de peste qui s'abat sur la
ville, réduisant la ville à moins de sa moitié niveau population.
Ambiance.
Israël Silvestre, Éruption du Vésuve |
D'ailleurs, Alexandre Dumas disait
« Saint Janvier n'aurait pas existé sans Naples et Naples ne
pourrait pas exister sans Saint Janvier. » Au moins c'est
clair, surtout qu'en 1631, ce fut l’éruption la plus violente que
le Vésuve ait connu depuis 79, celle qui a littéralement détruit
Pompéi, on peut dire que les napolitains ont eu chaud !
Enfin, la dernière salle montre la fin
de l'indépendance napolitaine en matière de la peinture, et se
décide enfin de succomber à son tour au mouvement baroque dans les
années 1650, bien après les autres villes de la Botte. Mais
qu'est-ce que le baroque ? Il s'agit en fait de la continuité
logique des choses, puisque la couleur prédomine sur le dessin, avec
des jeux de contrastes, de perspective, on joue aussi sur les
positions des personnages, leurs expressions et leurs gestes. Tout
est exagéré dans un mouvement grandiloquent. Mais Naples est en
retard, déjà le baroque s'essouffle dans le reste de l'Europe, il
ne reviendra qu'au siècle suivant, sous le nom de style rocaille (ou
rococo pour les intimes). La seconde moitié du 17e siècle sera bien
plus classique, emporté par la plus grande puissance à cette
période, la France …
Francesco Solimena, Portrait de femme, 1705 |
J'ai beaucoup aimé l'exposition,
claire et très bien expliquée par ses explications à chaque salle
et la descriptions de certains tableaux majeurs. Elle se termine sur
un aperçu de la cathédrale de Naples sous fond de musique cantique,
si apaisante. Il faut savoir qu'elle a reçu le label d’intérêt
national par le Ministère de la Culture et de la Communication,
soulignant l'intérêt de l'exposition. Bravo.
Alors si vous passez par Montpellier
avant le 11 octobre 2015, je vous conseille chaudement cette
exposition, tout comme le musée en lui-même dont je vous
reparlerais dans un prochain article. Si vous l'avez vu, ou vu une
des nombreuses expositions consacrées à Naples ces dernières
années, n'hésitez pas à m'en parler :)
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