lundi 24 août 2015

24 août 1572 : Massacre de la Saint-Barthélemy


Après un mariage, quoi de mieux qu'une bonne tuerie ? On connaît presque tous ces jours où les catholiques ont massacré les protestants dans Paris. Mais entre les rumeurs, l'histoire revisitée par les détracteurs puis par le 19e siècle, beaucoup ont des images fausses en tête. Catherine de Médicis en avait-elle vraiment après les protestants ? Charles IX était vraiment aussi fou ? Pourquoi fallait-il que ça arrive le jour des bouchers ? Penchons nous un peu plus sur cet événement qui a marqué l'Histoire …


Pour comprendre cette journée, remontons quelques années avant pour comprendre l'ambivalence protestante en France. Sous le règne de François 1e (1494-1547), les protestants venus du Saint-Empire Romain Germanique ont trouvé un refuge dans le royaume français, le souverain faisait un pied de nez à son éternel rival, l'empereur Charles Quint. Sauf que le roi ne sait pas vraiment sur quel pied danser : un jour, il les accepte, l'autre il les fait brûler vivants dans une grotte du Lubéron. Finalement, il a tranché pour la persécution, ce que continuera son fils Henri II (1519-1559). Une fois décédé lui aussi, les protestants espèrent un peu plus de clémence de la part de la veuve Catherine de Médicis. En effet cette dernière, bien que fervente catholique, comprend qu'il est inutile de persécuter et réprimer dans le sang tous les protestants. Elle négocie avec les grands chefs pour obtenir une tolérance religieuse, et ne punir que les plus effrontés et rebelles. Non seulement elle se met à dos le Pape, mais aussi les catholiques les plus intransigeants. Puis de toute façon, ça ne marche pas, personne ne veut faire d'effort de chaque côté. Le 1e mars 1562, le massacre de Wassy met à mort une cinquantaine de protestants et en blessent plus de 150. Merci les Guises pour cette belle leçon d'ouverture d'esprit.

Pendant dix années, ce qu'on appelle les guerres de religion ne vont cesser jusqu'en 1570 où les deux armées, épuisées et ruinées, décident de faire la paix, appelée la Paix de Saint-Germain-en-Laye, où la reine mère autorise le culte protestant, mais de façon limitée. Enfin, un peu de repos pour deux ans, et un mariage à organiser, comme je vous en fait parler précédemment, de la princesse catholique Marguerite de Valois avec le roi protestant Henri de Navarre (futur Henri IV), signe de réconciliation entre les deux religions. Enfin en apparence, car les catholiques désapprouvent ce mariage et les parisiens, manquant d'eau et de nourriture en ce chaud mois d'août, sont clairement anti-protestants et détestent leur présence dans leur ville. Ce qui allume la mèche ? La tentative d'assassinat de l'amiral Gaspard II de Coligny le 22 août 1572, juste après les festivités. Qui est cet homme ? Grand amiral de France, proche de Catherine de Médicis, il est un des chefs protestants, partisan pourtant d'une paix entre les deux religion. Autant dire que si on le touche, ça peut faire tout péter. Ce jour là, l'amiral se promène dans Paris en lisant une lettre, sur le chemin de son logis à l'hôtel de Rochefort (actuellement la rue de Rivoli). Tout un coup, un tireur embusqué dans une maison louée par un proche des Guise tire une décharge à l'arquebuse et l'atteint à la main et au coude. Le tireur nul, Charles de Louviers, sire de Maurevert, prend ses jambes à son cou.

Gaspard II de Coligny, par François Clouet

Paris commence à gronder mais le Parlement appelle au calme. En haute sphère, cela ne s'arrange pas : Henri de Guise et son oncle le duc d'Aumale, tous deux catholiques, sont suspectés par le souverains d'avoir commandités cet attentat. Disgraciés, ils demandent l'autorisation de quitter Paris, mais ne le font évidemment pas. A la place, c'est sans doute plus marrant, ils organisent des conseils restreints où ils décident de tuer les « huguenots de guerre », en somme, les proches d'Henri de Navarre. Au Louvre aussi ont tient un conseil royal en présence de Cathou, Charles IX et des conseillers catholiques, pro-espagnols. Le jeune souverain s'est toujours méfié de la présence huguenote à sa Cour et s'il n'agit pas, une révolte parisienne menée par les Guises (à cette époque bien plus populaires que la famille royale) allait être bien plus meurtrière. Alors dans la nuit du 23 au 24 août 1572, entre 1 et 3 heures du matin, le roi ordonne qu'on exécute les chefs protestants les plus dangereux. Toujours est-il qu'il ne s'agissait pas d'un massacre à proprement parlé, cela a bien dérivé …

Pendant qu'on fermait les portes de la ville, on délogeait aussi les princes accompagnant Henri de Navarre du Louvre, livrés à eux même et à une morte certaine. Le commando du duc de Guise s'en va mettre un terme à la vie de l'amiral de Coligny, avant de le jeter par la fenêtre, de l'émasculer, le décapiter puis de pendre son corps par les pieds à la vue de tous. Quel sens du spectacle, ces catholiques ! D'autres chefs sont tués, pendant que la cloche de l’église Saint-Germain-l’Auxerrois sonne le tocsin., comme Charles de Téligny, gendre de l'amiral, qui essayait de s'échapper par les toits, Charles de Quellenec qui a été tué dans la cour du Louvre.




On aurait pu s'arrêter là, les chefs sont morts, sauf ceux sous la protection du souverain comme Navarre ou le prince de Condé, la mission était accomplie. Mais là commence le véritable massacre. Au petit matin, on se met à tuer quiconque s'est tourné vers le protestantisme, dans tout Paris et dans le faubourg Saint-Germain, à l'extérieur de la ville. Hommes, femmes, enfants, peu importe l'âge, la condition sociale, il n'y a que la religion qui compte. Les parisiens s'en mêlent à leur tour et poursuivent sans relâche ceux qu'ils haïssent par-dessus tout. Et même si en fin de matinée, Charles IX donne l'ordre d'arrêter les violences, rien n'y fait, puisque les commandements sont répétés trois fois dans la journée, tuer encore et toujours. Le massacre dure plusieurs jours, les bourgeois ont formé une milice où les protestants ont peu de chance d'y échapper.

Le mardi 26 août, les massacres continuent, Paris n'est plus qu'un champ de morts un peu partout où on pose son regarde. Le roi et une partie de sa Cour se rendent au Parlement pour y tenir un lit de justice, c'est à dire prendre des décisions à la place du Parlement lui-même, devenu simple conseiller. Pour justifier tout cela, il déclare que l'amiral de Coligny fomentait un complot pour devenir roi. Le Parlement décide d'une enquête sur ce fameux complot – fictif comme vous l'avez compris – et cela amène à l'arrestation de François de Briquemault et Arnaud de Cavaignes, deux protestants qui avaient miraculeusement échappé au massacre. Les jours suivants, le souverains fait de nombreuses déclarations pour stopper tout cela et calmer les tensions … ce qui ne se fit que le 29 août, avec environ 3000 victimes du carnage. A Paris seulement, car en province, d'autres massacres ont lieu, de la fin août à mi-septembre à Bourges, Orléans (où il y eut environ 1000 morts), Troyes, Lyon (700 morts), puis encore en octobre plus dans le sud, notamment à Bordeaux et Toulouse. En tout, c'est entre 5000 et 10.000 morts. On est bien loin, très loin de la vingtaine ou cinquantaine de chefs et capitaines à tuer sur ordre royale …

Si on croyait les protestants déroutés par cet hécatombe, notamment des chefs, ce ne fut pas le cas : certains ont fui par des territoires amis, comme l'Angleterre, la Suisses ou les principauté d'Empire, mais d'autres ont organisé une résistance qui débouchera sur une nouvelle guerre de religion. Encore une fois …

J'espère vous avoir un peu plus éclairé sur cette journée qui fut l'une des plus affreuses de notre histoire, où l'on tue pour une religion, dans un bain de sang effroyable. Mais si je puis me permettre un petit trait d'humour, je tiens à vous signaler que si l'on appelle ça la Saint-Barthélémy, c'est par rapport au saint que l'on fête en ce jour du 24 août. Et vous savez de qui il est le patron ? Les bouchers. C'est cruellement ironique et on ne peut plus parfait !


Saint-Barthélemy, par Jean Baptiste Jouvenet

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