Après un mariage, quoi
de mieux qu'une bonne tuerie ? On connaît presque tous ces
jours où les catholiques ont massacré les protestants dans Paris.
Mais entre les rumeurs, l'histoire revisitée par les détracteurs
puis par le 19e siècle, beaucoup ont des images fausses en tête.
Catherine de Médicis en avait-elle vraiment après les protestants ?
Charles IX était vraiment aussi fou ? Pourquoi fallait-il que
ça arrive le jour des bouchers ? Penchons nous un peu plus sur
cet événement qui a marqué l'Histoire …
Pour comprendre cette
journée, remontons quelques années avant pour comprendre
l'ambivalence protestante en France. Sous le règne de François 1e
(1494-1547), les protestants venus du Saint-Empire Romain Germanique
ont trouvé un refuge dans le royaume français, le souverain faisait
un pied de nez à son éternel rival, l'empereur Charles Quint. Sauf
que le roi ne sait pas vraiment sur quel pied danser : un jour,
il les accepte, l'autre il les fait brûler vivants dans une grotte
du Lubéron. Finalement, il a tranché pour la persécution, ce que
continuera son fils Henri II (1519-1559). Une fois décédé lui
aussi, les protestants espèrent un peu plus de clémence de la part
de la veuve Catherine de Médicis. En effet cette dernière, bien que
fervente catholique, comprend qu'il est inutile de persécuter et
réprimer dans le sang tous les protestants. Elle négocie avec les
grands chefs pour obtenir une tolérance religieuse, et ne punir que
les plus effrontés et rebelles. Non seulement elle se met à dos le
Pape, mais aussi les catholiques les plus intransigeants. Puis de
toute façon, ça ne marche pas, personne ne veut faire d'effort de
chaque côté. Le 1e mars 1562, le massacre de Wassy met à mort une
cinquantaine de protestants et en blessent plus de 150. Merci les
Guises pour cette belle leçon d'ouverture d'esprit.
Pendant dix années, ce
qu'on appelle les guerres de religion ne vont cesser jusqu'en 1570 où
les deux armées, épuisées et ruinées, décident de faire la paix,
appelée la Paix de Saint-Germain-en-Laye, où la reine mère
autorise le culte protestant, mais de façon limitée. Enfin, un peu
de repos pour deux ans, et un mariage à organiser, comme je vous en
fait parler précédemment, de la princesse catholique Marguerite de
Valois avec le roi protestant Henri de Navarre (futur Henri IV), signe de
réconciliation entre les deux religions. Enfin en apparence, car les
catholiques désapprouvent ce mariage et les parisiens, manquant
d'eau et de nourriture en ce chaud mois d'août, sont clairement
anti-protestants et détestent leur présence dans leur ville. Ce qui
allume la mèche ? La tentative d'assassinat de l'amiral Gaspard II de Coligny le 22 août 1572, juste après les festivités. Qui est
cet homme ? Grand amiral de France, proche de Catherine de Médicis, il est un des chefs protestants,
partisan pourtant d'une paix entre les deux religion. Autant dire que
si on le touche, ça peut faire tout péter. Ce jour là, l'amiral se
promène dans Paris en lisant une lettre, sur le chemin de son logis
à l'hôtel de Rochefort (actuellement la rue de Rivoli). Tout un
coup, un tireur embusqué dans une maison louée par un proche des
Guise tire une décharge à l'arquebuse et l'atteint à la main et au
coude. Le tireur nul, Charles de Louviers, sire de Maurevert, prend
ses jambes à son cou.
Gaspard II de Coligny, par François Clouet |
Paris commence à gronder mais le Parlement appelle au calme. En haute sphère, cela ne s'arrange pas : Henri de Guise et son oncle le duc d'Aumale, tous deux catholiques, sont suspectés par le souverains d'avoir commandités cet attentat. Disgraciés, ils demandent l'autorisation de quitter Paris, mais ne le font évidemment pas. A la place, c'est sans doute plus marrant, ils organisent des conseils restreints où ils décident de tuer les « huguenots de guerre », en somme, les proches d'Henri de Navarre. Au Louvre aussi ont tient un conseil royal en présence de Cathou, Charles IX et des conseillers catholiques, pro-espagnols. Le jeune souverain s'est toujours méfié de la présence huguenote à sa Cour et s'il n'agit pas, une révolte parisienne menée par les Guises (à cette époque bien plus populaires que la famille royale) allait être bien plus meurtrière. Alors dans la nuit du 23 au 24 août 1572, entre 1 et 3 heures du matin, le roi ordonne qu'on exécute les chefs protestants les plus dangereux. Toujours est-il qu'il ne s'agissait pas d'un massacre à proprement parlé, cela a bien dérivé …
Pendant qu'on fermait les
portes de la ville, on délogeait aussi les princes accompagnant
Henri de Navarre du Louvre, livrés à eux même et à une morte
certaine. Le commando du duc de Guise s'en va mettre un terme à la
vie de l'amiral de Coligny, avant de le jeter par la fenêtre, de
l'émasculer, le décapiter puis de pendre son corps par les pieds à
la vue de tous. Quel sens du spectacle, ces catholiques !
D'autres chefs sont tués, pendant que la cloche de l’église
Saint-Germain-l’Auxerrois sonne le tocsin., comme Charles de
Téligny, gendre de l'amiral, qui essayait de s'échapper par les
toits, Charles de Quellenec qui a été tué dans la cour du Louvre.
On aurait pu s'arrêter
là, les chefs sont morts, sauf ceux sous la protection du souverain
comme Navarre ou le prince de Condé, la mission était accomplie.
Mais là commence le véritable massacre. Au petit matin, on se met à
tuer quiconque s'est tourné vers le protestantisme, dans tout Paris
et dans le faubourg Saint-Germain, à l'extérieur de la ville.
Hommes, femmes, enfants, peu importe l'âge, la condition sociale, il
n'y a que la religion qui compte. Les parisiens s'en mêlent à leur
tour et poursuivent sans relâche ceux qu'ils haïssent par-dessus
tout. Et même si en fin de matinée, Charles IX donne l'ordre d'arrêter
les violences, rien n'y fait, puisque les commandements sont répétés
trois fois dans la journée, tuer encore et toujours. Le massacre
dure plusieurs jours, les bourgeois ont formé une milice où les
protestants ont peu de chance d'y échapper.
Le mardi 26 août, les
massacres continuent, Paris n'est plus qu'un champ de morts un peu
partout où on pose son regarde. Le roi et une partie de sa Cour se
rendent au Parlement pour y tenir un lit de justice, c'est à dire
prendre des décisions à la place du Parlement lui-même, devenu
simple conseiller. Pour justifier tout cela, il déclare que l'amiral
de Coligny fomentait un complot pour devenir roi. Le Parlement décide
d'une enquête sur ce fameux complot – fictif comme vous l'avez
compris – et cela amène à l'arrestation de François de
Briquemault et Arnaud de Cavaignes, deux protestants qui avaient
miraculeusement échappé au massacre. Les jours suivants, le
souverains fait de nombreuses déclarations pour stopper tout cela et
calmer les tensions … ce qui ne se fit que le 29 août, avec
environ 3000 victimes du carnage. A Paris seulement, car en province,
d'autres massacres ont lieu, de la fin août à mi-septembre à
Bourges, Orléans (où il y eut environ 1000 morts), Troyes, Lyon
(700 morts), puis encore en octobre plus dans le sud, notamment à
Bordeaux et Toulouse. En tout, c'est entre 5000 et 10.000 morts. On
est bien loin, très loin de la vingtaine ou cinquantaine de chefs et
capitaines à tuer sur ordre royale …
Si on croyait les
protestants déroutés par cet hécatombe, notamment des chefs, ce ne
fut pas le cas : certains ont fui par des territoires amis,
comme l'Angleterre, la Suisses ou les principauté d'Empire, mais
d'autres ont organisé une résistance qui débouchera sur une
nouvelle guerre de religion. Encore une fois …
J'espère vous avoir un
peu plus éclairé sur cette journée qui fut l'une des plus
affreuses de notre histoire, où l'on tue pour une religion, dans un
bain de sang effroyable. Mais si je puis me permettre un petit trait
d'humour, je tiens à vous signaler que si l'on appelle ça la
Saint-Barthélémy, c'est par rapport au saint que l'on fête en ce
jour du 24 août. Et vous savez de qui il est le patron ? Les
bouchers. C'est cruellement ironique et on ne peut plus parfait !
Saint-Barthélemy, par Jean Baptiste Jouvenet |
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