Portrait d'Eléonore de Tolède, par Bronzino (1543) |
En
ce moment je cours après les derniers jours d'exposition car je suis
de ces personnes de dernière minute, on ne se refait pas. Et
aujourd'hui, je vais vous parler d'une très jolie exposition au
Musée Jacquemart André sur les portraits à la cour des Médicis
avec de beaux tableaux d’époque Renaissance. Suivez moi, que je
vous en dise davantage …
J’aime beaucoup les expositions du musée Jacquemart André, pas très longues, environ sept-huit petites salles, mais cela permet de cadrer un sujet précis, et ne pas faire une exposition fourre-tout. De plus, visiter l’hôtel particulier d’anciens collectionneurs rajoute du plaisir à cette visite. Je vous ferais un article sur le musée en lui-même une prochaine fois. Après « Désirs et Voluptés à l’époque victorienne » et « De Watteau à Fragonard, les fêtes galantes », me voici de retour dans ce musée pour un tout nouveau sujet, sur le portrait à Florence sous le règne des Médicis.
Il faut avouer que j’attendais de me plonger dans l’ouvrage de Jacques Heers Le Clan des Médicis pour comprendre les rouages de Florence à cette époque. Autant dire que la simplicité, ils ne connaissaient pas ! Contrairement aux autres villes italiennes, Florence a longtemps refusé d’être gouverné par un tyran. Ses voisins Ferrarre et Milan sont tombés sous le pouvoir de la famille d’Este et Sforza par exemple. Non Florence résiste, préférant un gouvernement « populaire » (oui entre guillemets car il s’agissait souvent d’anciennes familles nobles ou grands bourgeois), la Seigneurie, et de nombreux conseils, prenant parfois un tyran pour mieux le renverser par la suite. Jusqu'au milieu du 15e siècle, autant dire que c'est un joyeux bordel où les factions se déchirent, et font exiler ou executer leurs ennemis, rasent leurs demeures et démontent les alliances.
Et
les Médicis dans tout cela ? On ne sait pas vraiment quand ils
arrivent a Florence et à part quelques rares traces dans les
archives, enfin des mentions de leurs noms, ils n'apparaissent
vraiment qu'à la fin du XVe siecle avec
Giovanni di Bicci et son fils Côme.
Plus usuriers/prêteurs sur gage que véritables banquiers, ils
possèdent plusieurs comptoirs en Italie et quelques uns en Suisse ou
dans le Saint Empire. Pour s'enrichir, ils utilisent la technique de
l'époque : faire plusieurs prêts a un même particulier jusque ce
que celui-ci mette en gage ses terres. Et souvent dans
l'impossibilité de payer, les usuriers récupèrent un domaine. De
fil en aiguille, plus les bonnes alliances politiques, les Médicis
prennent progressivement de l'importance. La ville demande a Côme,
un homme sage et intelligent, de prendre le pouvoir, mais est chassé
par ses détracteurs, il revient triomphant en 1434.
La "dynastie" Médicis se met en place pour quatre
générations : Côme donc, puis
son fils Pierre dit le Goutteux
en raison de sa santé fragile et ses crises de goutte, Laurent
connu sous le surnom du Magnifique et son fils, Pierre
dit le Malchanceux, chassé de la ville en 1494. La
famille ne pourra revenir qu'en 1512 pour
pouvoir revenir à Florence mais il faudra attendre l'aide de
l'empereur Charles Quint, dont
les territoires lui appartiennent, pour asseoir a nouveau le pouvoir
de la famille Médicis en 1530,
trois ans après leur second exil. L'exposition commence dans ces
temps troubles et violents, et s'étend durant toute la Renaissance,
le siècle d'or de la famille.
La dame au voile, Ridolfo del Ghilandaio (1510-15) |
Au
travers des cinq premières salles, on peut voir l'évolution du
portrait, des austères portraits sous la République de profil dans
la première salle aux fastes des courtisans avec de nombreux détails
et allégories, colorés et fastueux. Il est intéressant de voir
l'évolution du portrait en raccord avec le retour des Médicis,
connus pour leur faste et leurs dépenses pour les fêtes mais aussi
pour les arts. Et lorsque Cosme 1e
(différent du Côme de 1434) épouse une princesse
espagnole, Éléonore de Tolède,
celle-ci apporte un appui princier mais aussi la grandeur espagnole,
donnant un nouvel essor a Florence. D'ailleurs, Cosme
1e est nommé Grand-duc de Toscane, contrairement à ses
prédécesseurs qui ne possédaient aucun titre de noblesse, par
l'empereur Charles Quint. On
atteint là l'apogée du portrait de Cour, comme pouvait le faire par
exemple François Clouet à la cour du roi de France Henri
II quelques années plus tard.
Portrait de Cosme 1e de Médicis, par Bronzino (1560) |
L'exposition
le montre bien par ses salles chronologiques, en adéquation avec la
politique médicéenne et le tournant se fait donc avec le portrait
d'Eléonore de Tolède par
Bronzino, d'ailleurs choisi comme vitrine de l'exposition sur
les affiches (et ici en tête d'article), et l'on peut voir des
portraits beaucoup plus fastueux et surtout beaucoup plus codifié.
Dans les postures, les vêtements, le cadrage, le décor, tout est
soigneusement en harmonie pour mettre en valeur. Bien loin des
portraits au cadrage serré comme La dame au voile de Ghirlondaio, le
peintre place des allégories et des objets pour comprendre le sujet
peint.
Portrait d'une dame en rouge, par Bronzino (1525-30) |
On
voit bien par exemple de cette dame le caractère aristocratique de
celle-ci, dans sa pose, ses bijoux, cette magnifique robe d'un rouge
flamboyant, les livres derrière représentant la culture et le
courant humaniste, sans oublier le petit épagneul, chien à la mode
dans le grand monde et symbole de fidélité. On ne se trouve pas
devant un simple tableau, mais une présentation de la personne
peinte.
Quant
aux deux dernières salles, elles se concentrent sur le courant
maniériste mais aussi sur l'école florentine de peinture créée
sous Cosme 1e de Médicis, et tout le courant artistique de la
Renaissance, créant un renouveau, un nouveau à l'art, aux arts. La
dernière salle se termine sur la fin du siècle et comment
l'évolution du portrait est amené à évoluer, avec par exemple
l'expansion des peintures d'enfants, mais aussi des portraits de
Cour, les portraits royaux qui vont se codifier au fil des siècles.
J'ai
beaucoup aimé cette exposition, linéaire, simple de compréhension,
de beaux tableaux présentés, des explications sur certains
portraits. Le seul point négatif serait la taille des pièces mais
dans un hôtel particulier, difficile de pousser les meubles, peut
être seulement pousser les groupes à la rigueur ...
Florence
et les Médicis connurent une période riche durant tout le 16e
siècle, et on peut le voir par la présence de trois papes, par les
beaux mariages faits par les autres grands-ducs de Toscane: François
1e, fils de Cosme, épouse Jeanne d'Autriche, fille de l'empereur;
Ferdinand 1e, son frère, épouse Christine de Lorraine ... Deux
filles Médicis seront reines de France : Catherine, nièce du pape
Léon X, épouse Henri II de France et ses trois fils seront les derniers rois
de la dynastie Valois ; et Marie, fille du grand-duc François 1e,
se marie avec Henri IV (ancien Henri de Navarre) et fonde avec lui la
dynastie des Bourbons, qui perdure encore de nos jours. Le règne des
Médicis s'achève avec Jean-Gaston de Médicis en 1737 puisqu'il n'a
pas de postérité, pas plus que la dernière des Médicis, sa sœur Anne-Marie-Louise, qui fit don de toutes les collections d'art de la
famille à la ville de Florence à la condition que rien ne soit
vendu et que ce soit ouvert au public. Quant au titre du grand-duché
de Toscane, il retourna dans la famille impériale Habsbourg.
Bref,
je vous conseille cette exposition qui, malheureusement, se termine
le 25 janvier. N'hésitez pas à vous y rendre, et à visiter au
passage ce magnifique lieu, dont je vous ferais un article
prochainement. Si vous l'avez vue, n'hésitez pas à donner votre
point de vue.
Plus
d'informations : http://www.musee-jacquemart-andre.com/
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