Une drôle d'idée,
une farce stupide qui tourne au tragique, à la mort, ça arrive,
surtout en Histoire. T le roi Charles VI prouve qu'on porter la
couronne et ne pas être épargné par ce genre d’événements.
Pourtant tout se passait bien à la base, une grande fête, tout le
monde dans ses plus belles tenues, un événement de Cour en cette
fin de quatorzième siècle. Que s'est-il passé vraiment ?
C'est ce que nous allons voir …
Pour se remettre dans le
contexte, cela fait maintenant presque treize ans que Charles
VI, fils de Charles V
le Sage, règne sur le royaume de France. Il se retrouve en pleine
guerre contre l'Angleterre, la fameuse Guerre de Cent ans, qui
ne s'achèvera qu'au règne suivant, en 1453, au terme de
nombreuses batailles, comme celle d'Azincourt en 1415. Le souverain a
24 ans, marié à la princesse Isabeau de Bavière avec qui il
a eu déjà 5 enfants, et au moment de cette journée, la reine est
encore enceinte de trois mois. Si son début de règne s'avéra
relativement tranquille, le guerre civile entre Armagnacs, parti de
son frère Louis 1e d'Orléans,
et les Bourguignons, s'intensifie, au point de créer de véritable
problèmes diplomatiques. Mais ce n'est pas le sujet du jour,
revenons à nos moutons avec ce drame.
La journée commençait
pourtant si bien. En ce 28 janvier 1393,
a l’hôtel Saint-Pol – demeure du couple royal en plein cœur de
Paris – on célébrait les noces ! Catherine de Fastavarin,
deux fois veuve, et confidente de la reine qu'elle avait suivi en
France, se remariait une troisième fois avec l chevalier de
Vermandois, membre de la Maison du Roi. Ce fut donc tout
naturellement que le roi Charles organisa la noce en sa demeure, en
gage d'amitié. Charles VI, après
sa première crise de folie quelques mois plus tôt dans la forêt du
Mans, se trouvait en pleine possession de ses moyens et voulait
profiter des festivités.
Gravure : Bal des Ardents, Matthäus Merian the Elder (1710) |
Après les somptueuses
noces et un grand banquet, on ouvrit le bal. Certaines grandes
personnalités, comme le duc de Bourgogne, n'y assista pas. Des
proches du roi eurent l'idée saugrenue de se déguiser en sauvages,
avec des tenues de lin recouvertes de poix. Un divertissement qui
plut immédiatement au souverain, et il voulut en être. Même avec
toute sa tête, on ne pouvait pas dire que Charles
VI fut le plus futé des souverains. Parmi ces hommes se
trouvaient l'écuyer d'honneur du roi, Hugonin
de Guisay, Jean III comte de Joigny, Yvain de Foix
(fils bâtard de Gaston Phoebus), Ogier de Nantouillet
et Charles de Poitiers, autant dire pas les pouilleux du
coin ! Les six hommes s’éclipsèrent pour endosser leurs
cotes de lin cousus sur eux par des valets, et on on installe la poix
et les poils pour donner un air hirsute à ces jeunes gens
habituellement bien distingués. Voici la fine fleur de la Cour sous
les traits de sauvages a la gueule noircie. Seulement voila, le lin
et la poix sont hautement inflammables ... Vous la sentez venir, la
tragédie ? Le roi exigea de faire reculer les porte-torches et même
d'en éteindre certaines. Les voici sortir de la pénombre, six
affreux sauvageons, sautant dans la foule, à hurler comme des loups,
faire des gestes obscènes, « lutinant des dames »
comme dirait Georges Bordonove sous le regard amusé de l'assemblée
qui se prêtait au jeu.
Jusque la, à part un
divertissement d'un goût douteux, tout se passait à merveille. Mais
voici que le frère du roi, Louis d'Orléans,
entra dans la pièce obscure et se demanda ce qu'il se passait. Il
prit une torche et l'approcha d'un des hommes qui s'enflamma
aussitôt ! Seulement voilà, les cinq jeunes gens s'étaient
attachés les uns aux autres, seul le roi demeurait libre, et le feu
se propagea à grande vitesse. On assistait là à de véritables
torches humaines, avec cris et odeur de chair cramée incluses. Le
roi aussi prenait feu et alors qu'on arrivait pas à éteindre les
pauvres hommes, il fallait sauver Charles ! Ce fut la jeune
Jeanne de Boulogne, duchesse de Berry,
sa tante, qui eut la présence d'esprit de soulever sa lourde traîne
et la jeter sur le souverain. Comme dirait le chroniqueur Jean
Froissart « Elle l'a bien bouté dessous sa
gonne ». Sur les cinq autres, Joigny mourut
sur le coup asphyxié, Nantouillet se jeta dans une cuve à
vaisselle. Quant aux trois autres, la poix fondue sur la peau
continuèrent leur agonie durant trois jours, où les médecins
tentèrent de calmer la douleur en les badigeonnant de miel, de
feuilles de péta-site et nettoyés avec une décoction de
millepertuis.
Illustration du Bal des Ardents dans les Chroniques de Jean Froissart par le Maître d'Antoine de Bourgogne |
Tout se finit bien pour
Charles VI malgré tout, mais d'autres soucis viennent :
la rumeur court que le roi est mort et que son frère l'a fait
assassiné, avec la complicité de la reine enceinte, Isabeau.
Les ducs de Bourgogne et Berry, absents de la fête, quittèrent
leurs hôtels pour courir au palais. Le peuple parisien se souleva
contre les deux régents soit-disant régicides. Pour calmer la
colère, il fallut que le roi se montre le lendemain à neuf heures,
avec sa femme son frère et ses oncles, pour une procession jusqu'à
la cathédrale Notre-Dame.
Est ce que cet incident
eut un effet sur la folie du roi ? Apparemment non, puisque sa
nouvelle crise de démence à l'été, mais entre temps il avait tenu
conseil, négocié avec les anglais et participé aux festivités,
avant d'à nouveau sombrer et laisser le pouvoir entre les mains de
son épouse et de son frère. Quelle triste noce tout de même,
l'histoire ne dit ce qu'il advint de ce mariage, s'il fut heureux ou
non, surtout après un tel présage ! Si quelqu'un le sait,
qu'il me fasse signe !
Je me rappelle effectivement avoir lu des passages sur cet épisode dans mes livres d'Histoire. Assez impressionnant. Ces soirées déguisées étaient assez à la mode il me semble à l'époque. On voit aujourd'hui les séries historique s'en inspirer dans certains épisodes (Tudor, The white queen...). Merci pour cet article.
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