Pour le premier article de l'année,
on va se réjouir un petit peu et parler mariage ! Bon d'accord,
une union pas du tout heureuse, mais malheureusement comme beaucoup à
l'époque … Il s'agit de tout de même du mariage de la fille de
l'impératrice et du frère de l'empereur, on ne peut pas tout avoir
non plus. Mettons notre plus bel habit de style empire, et retournons
au début du XIXe siècle.
Drôle de mariage en ce
jour tout de même. Voici Hortense de
Beauharnais, dix-neuf ans, magnifique jeune femme pleine
de vie, devant l'autel pour épouser Louis
Bonaparte, vingt-quatre ans, jeune homme intelligent mais
atteint de paralysies dues à une maladie vénérienne. Assez peu
assortis, leur mariage au Palais des Tuileries annonce un avenir
sombre entre ces deux contraires assez peu faits pour partager leur
vie ensemble.
Mais alors pourquoi
s'acharner, alors que la demoiselle aurait pu faire un mariage peut
être plus prestigieux, ou même pourquoi pas d'amour ? Cela
n'est l'effet que des intrigues de la mère d'Hortense,
Joséphine
de Beauharnais. Épouse du premier Consul, elle
n'arrive pas à lui donner d'héritier, Hortense est issue de
son premier mariage comme son fils Eugène, et pour continuer
à s'assurer de sa place, et celle de ses enfants, au sein du clan
Bonaparte qui la hait, a voulu caser sa fille avec le frère cadet de
Napoléon. Ce dernier trouve les
bons mots d'ailleurs « J'ai élevé Louis, je le regarde
comme mon fils. Ta fille est ce que tu chéris le plus au monde.
Leurs enfants seront les nôtres. Nous les adopterons, et cette
adoption nous consolera de n'en pas avoir. » (Mémoires
de la reine Hortense) Il faut dire que Joséphine aime
tellement sa fille qu'elle ne se consolerait pas de la voir partir
loin d'elle, cela aidait aussi à monter ce plan.
Qu'en pense
l'intéressée ? La demoiselle a le cœur romanesque, rêve
d'une belle histoire, de grandes envolée, de bonheur. Mieux, son
cœur bat pour quelqu'un d'autre. Michel
Duroc, dit « l'ombre de Napoléon », est le
premier aide de camp du Premier Consul, son émissaire diplomatique,
l'homme de confiance. Un homme beau et intelligent, de bonne morale,
de confiance et généreux, il semblait le parfait parti pour
Hortense mais le jeu complexe de la politique ont raison d'eux. Elle
devra épouser un Bonaparte, lui s'unira avec une noble espagnole,
Marie-des-Neiges Martinez de Hervas, avec qui il aura deux
enfants avant de mourir à cause d'un boulet de canon en 1813.
Une fois le couple
consulaire d'accord, il fallut informer la jeune Hortense,
savoir quel était son avis sur la question. Bourrienne, serétaire
intime de Napoléon Bonaparte, fut envoyé pour lui en parler. Il
employa une tournure assez partiale, à la limite de la culpabilité,
qu'Hortense rapporte dans ses mémoires :
« Je suis
chargé de vous proposer une chose que votre mère et le Consul
désirent vivement. Ils veulent vous unir au colonel Louis Bonaparte.
Il est bon, sensible. Il a des goûts simples. Il appréciera tout ce
que vous valez et c'est le seul époux qui puisse vous convenir.
Cherchez autour de vous ; qui voudriez vous épouser ? Le
moment est venu d'y songer sérieusement. Personne jusqu'à présent
ne vous a plu et si votre cœur s'arrêtait à un choix qui ne fut
pas agréé de vos parents, consentiriez vous à leur désobéir ?
Vous aimez la France. Voudriez vous la quitter ? Votre mère ne
pourrait supporter la pensée de vous voir unie à un prince étranger
qui vous séparerait d'elle pour toujours. Son malheur, vous le
savez, est de ne plus espérer d'enfants. Il est en vous de le
réparer et d'en prévenir peut être un plus grand. Sachez qu'on ne
cesse de former des intrigues autour du Consul pour l'amener au
divorce. Votre mariage est seul capable de resserrer et de raffermir
des nœuds dont dépend le bonheur de votre mère. Hésiteriez vous à
le faire ? »
Ambiance. Hortense
demande huit jours de réflexion pour donner sa réponse. Dans ses
mémoires, elle raconte que sa raison lui dit de dire oui mais que
son cœur la tourmente. Refuser les passions de l'amour pour la
sagesse, difficile quand on est si jeune et si passionnée. Après
avoir demandé quelques conseils, notamment à Madame
Campan, ancienne femme de chambre de Marie-Antoinette et
amie de Joséphine, avant de finalement accepter. Telle un personnage
de tragédie grecque, elle consent à se sacrifier, non sans doute
quelques larmes.
Portrait de Louis Bonaparte, de Charles Howard Hodges |
Quelques temps avant la
cérémonie, on apprit qu'un autre frère de Napoléon
Bonaparte, Lucien, avait demandé la main
d'Hortense mais le Consul avait refusé tout net. Lucien avait essayé
donc de dissuader Louis d'épouser
la jeune femme, en vain. Mais il ne fit pas grand chose pour essayer
de se rapprocher d'elle. Il ne lui parlait rarement en public, ne
demandait jamais audience. Par contre, il lui écrivit une lettre de
vingt pages sur sa vie, son ancien amour, ses goûts, et espérait
qu'il épousait une jeune femme tranquille, indifférente aux
mondanités. Bon déjà, lui non plus ne semblait pas emballé !
Le mariage fut repoussé à plusieurs reprises, jusqu'à ce 4
janvier 1802, jour de noces !
Le mariage fut en comité
réduit mais non moins élégant : la mariée portait une robe
garnie de fleurs, Napoléon lui avait donné une parure de
diamants, les témoins furent des proches du Consuls et la cérémonie
dans les grands appartements des Tuileries (aujourd'hui disparu).
Rien de bien grandiose, juste officialiser cette union dont personne
semble ne vouloir, Joséphine a fait repousser plusieurs fois
la date, elle pleura au mariage. Hortense,
tétanisée par tout cela, a tellement peur d'être inaudible, que
son oui est un peu trop fort. Puis direction rue de la Victoire, où
un hôtel particulier est destiné au couple. Le cardinal Caprara
les attend dans une chapelle provisoire pour la bénédiction
nuptiale, en même temps que Joachim Murat et Caroline
Bonaparte, mariés avant le rétablissement du culte catholique
en France. Hortense y voit un mauvais présage : eux sont un
couple si heureux, elle a peur de prendre tout le malheur.
Et finalement ? Elle
eut raison. Louis Bonaparte
possède un bien mauvais caractère, se froisse rapidement et est
atteint de neurasthénie pathologique qui se transforma en maladie de
la persécution. Le couple se déchire, s'éloigne. Quand Napoléon,
devenu empereur en 1804, donne le royaume de Hollande à son
cadet, Hortense rechigne à
l'accompagner et ne passe que très peu de temps à ses côtés. Ils
réussissent malgré tout à avoir des enfants :
Napoléon-Charles, adopté par
l'empereur pour en faire son héritier mais décède en 1807,
Napoléon-Louis, et
Louis-Napoléon, futur Napoléon
III. Louis ne voulut pas reconnaître cet enfant, il le fera sous
pression de l'empereur. Le couple s'éloigne et Hortense,
amoureuse devant l’Éternel, s'éprend de Charles de Flahaut,
aide de camp de Murat et aura un enfant illégitime, le futur duc de
Morny. A la chute de l'Empire en 1814, puis en 1815 après les Cent
Jours, chacun mènera sa vie de son côté sans jamais se croiser,
Louis en Italie, avant de décéder en 1846 à Livourne, et Hortense
en Suisse avant de quitter ce monde à Arenberg en 1838. Et vive les
mariés !
Horteeeense <3 J'adore Lucien qui veut l'épouser et tente de persuader Louis de ne pas se marier avec elle. Lucien... !
RépondreSupprimerLucien, toujours lui, il sert à rien !
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