Encore un mariage ? Y
a t'il un message caché ? Non, seulement aucune mort que je lis en
ce moment ne trouve grâce à mes yeux. Et puis il y a tant de
couples célèbres, autant les mettre à l'honneur. Aujourd'hui, un
mariage sur fond de Révolution entre une femme frivole et un
militaire à la carrière prometteuse, avec une relation houleuse, en
décalé parfois, mais avec une grande tendresse. Retournons en 1796,
au mariage de Napoléon Bonaparte et Joséphine de Beauharnais...
Des mariages, il y en a
eu à toute époque : des heureux, malheureux, cachés, arrangés
… Cela touchait toutes les classes sociales et le but premier quand
on est une fille, du moins, on vous laissait rarement le choix. Sinon
il y avait le couvent, un autre style. A la fin du XVIIIe siècle,
après la chute de Robespierre et son régime de la Terreur, vint la
période du Directoire, connue aujourd'hui pour ses nombreuses
frasques et la corruption ambiante, ainsi qu'une envie de vivre sans
contrainte. La preuve, avec le divorce autorisé, on peut se marier
un jour et divorcer le lendemain ! Pratique, non ? Enfin,
le couple d'aujourd'hui a tenu treize ans de vie conjugale, parfois
houleuse, mais rien n'aurait imaginé les deux passer devant le maire
un jour !
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Joséphine de Beauharnais, par Andrea Appiani |
Faisons les
présentations. Madame se nomme en vérité Marie Josèphe Rose
Tascher de La Pagerie et est issu des riches colons nobles de la
Martinique, faisant fortune dans la canne à sucre. Rien ne la
destinait à se rendre un jour sur le continent, loin de sa vie
tranquille. Alors qu'elle a 14 ans, sa sœur Catherine-Désirée est
fiancée à Alexandre de Beauharnais, jeune vicomte prometteur.
Seulement celle-ci décède la même année, et comme à l'époque,
on n'est pas toujours très regardant là-dessus, on place la jeune
Marie Josèphe à sa place, et on l'envoie en France se marier. Mais
à cet âge là, la demoiselle reste un peu gauche et ne plaît pas
plus que ça au Beauharnais. Pourtant, ils se marient le 13 décembre
1779. De cette union en dent de scie sont nés Eugène, futur
vice-roi d'Italie, et Hortense, future reine de Hollande. Le couple
se sépare rapidement.
Ils se retrouvent dans la
prison des Carmes, durant la Terreur. Lui est accusé de conspiration
et elle de fricoter avec les royalistes. La sanction est la même
pour les deux : la mort par guillotine. Étrangement, le couple
se rapproche, sentant la mort approcher. Alexandre de Beauharnais est
guillotiné le 23 juillet 1794, et la jeune femme y échappe de peu,
grâce à la chute de Robespierre trois jours plus tard.
Avec la fin de la
Terreur, un nouveau régime se met en place : le Directoire.
Marie Josèphe, qui se fait appeler Rose, devient une des reines de
Paris, avec notamment Madame Tallien. Désargentée après la
confiscation de ses biens et aimant le luxe, Rose aime se faire
entretenir par de nombreux amants. Le plus prestigieux d'entre eux
reste Paul Barras, président de la Convention, l'homme le plus
important du moment. Mais déjà marié et lassé de la dame, cherche
à la faire tomber dans d'autres bras. C'est là que Napoléon
intervient.
Napoléon Bonaparte en roi d'Italie, par Andrea Appiani |
Lui ? Quatrième
enfant d'une grande famille noble de Corse, il est destiné à la
carrière militaire. Ses frères et sœurs ont toujours appuyé leur
frère, sans doute le meilleur d'entre eux, pour leur forger un
destin. Le premier fils mort avant sa naissance et son frère Joseph
destiné à une carrière ecclésiastique, c'est Napoléon Bonaparte qu'on
envoie à l'école royale militaire de Brienne-le-Château. Il y fit
d'excellentes études, montre sa faculté de commander, avant
d'entrer dans la prestigieuse école militaire de Paris.
La Révolution Française
lui est bénéfique pour montrer l'étendu de ses capacités. Jeune
lieutenant de 19 ans en 1789, il devient capitaine en 1792. Mis en
congé sans solde, il est donc à Paris en 1795, quand Barras lui
propose de mater une insurrection royaliste en 1795, où il fit la
rencontre de Joachim Murat. Grâce à cela, il est promu général de
division, puis nommé commandant de l’armée de l'Intérieur. Belle
ascension pour ce jeune homme de 26 ans qui a tout l'avenir devant
lui.
Comment un tel mariage a
t'il pu aboutir ? On dit merci à Paul Barras. En effet, lassé de sa
maîtresse, Barras cherche à la refiler à quelqu'un l'air de rien.
Lors d'un dîner donné aux Tuileries en 1795, il les fait se
rencontrer. Au premier abord, il la fait rire par son habit mal
taillé et trop grand, ses cheveux longs. Elle tente de le recruter
pour le clan Barras en le charmant. Lui la trouve belle, bien que
plus vieille que lui de six ans, et riche, ce qui serait avantageux
pour ce militaire sans solde, mais apprendra bien vite la vérité.
Ils se rencontrent régulièrement, Rose l'invite dans sa demeure rue
Chantereine, et lorsqu'il ne la visite pas assez souvent, elle le
relance, comme le 28 septembre 1795 « Vous ne venez plus voir
une amie qui vous aime ; vous l'avez tout à fait délaissée,
vous avez bien tort, car elle vous est tendrement attachée. »
Napoléon lui répond que personne d'autre que lui ne désire plus
son amitié et sa compagnie.
Puis ils s'affichent en
public, chez les Tallien, chez Barras. Amis, puis amants, Bonaparte
tombe rapidement amoureux, d'une passion dévorante que l'on peut
retrouver dans ses courriers enflammés. « Je me réveille
plein de toi. Ton portrait et l'enivrante soirée d'hier n'ont point
laissé de repos à mes sens. » Enfin, les bans sont publiés
le 19 février 1796. Chose amusante, le lendemain, Rose obtient une
dispense de produire son acte de naissance. Quelle coquetterie !
Le 9 mars 1796, à dix
heures du soir, à la mairie du IIe arrondissement de Paris, dans
l'hôtel de Mondragon. L'officier d'état civil est absent, et c'est
le commissaire du Directoire, Collin-Lacombe, qui procède
illégalement au mariage civil à moitié endormi. Sont présents
seulement les amis proches et les témoins : Barras, Tallien,
l'aide de camp Jean le Marois et l'homme d'affaires Calmelet. Le plus
amusant dans l'acte de mariage sont leurs âges : elle se
rajeunit de quatre années pour se donner 28 ans, il s'en rajoute un
pour avoir le même âge ! Le mariage est plié en une demi
heure, tout le monde rentre chez lui, et le nouveau couple rentre
chez eux, où pour fêter la nuit de noces, le nouveau marié se fit
mordre le mollet par le carlin de son épouse. D'ailleurs Rose est
débaptisée de son prénom pour prendre celui de Joséphine, plus
seyant pour Napoléon.
Deux jours seulement
après leur union, Napoléon Bonaparte part mener la campagne
d'Italie, laissant Joséphine seule, mais il lui écrit de nombreuses
lettres enflammées « Toi seule, tu es le plaisir et le
tourment de ma vie. » C'est aussi là que les ennuis vont
commencer. La famille Bonaparte n'a pas été prévenu de cette
union, ils font un scandale et Joséphine devient leur bête noire :
trop vieille, frivole, dépensière, tout y passe. Quant à la
mariée, elle continue sa vie comme si de rien n'était, à faire des
petites affaires clandestines pour gagner un peu d'argent, à
s'enticher d'un jeune homme, refuser de rejoindre son mari en Italie
… Les premiers temps du couple Bonaparte sont pleins de remous et
tumultes, mais ceci est une autre histoire !
Je connaissais déjà leur mariage grâce à une exposition du Musée du Luxembourg mais ton article me fait doucement revivre ce souvenir :-)
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