L'hiver n'empêche pas ma
passion pour les châteaux. Ni même quand ceux-ci se trouvent hors
de l'Île de France, dans l'Oise. Le château de Chantilly regorge
d'histoire et plus qu'une demeure, il est devenu un vrai musée à la
gloire des arts. Appartenant à la grande famille de Condé, détruit
puis reconstruit par le duc d'Aumale, il est aujourd'hui un château
atypique dans sa conception et dans sa gestion, puisque Henri
d'Orléans a donné des consignes très claires lors de
son legs. Et si on rajoute à tout cela, une visite un beau jour
d'automne avec un grand soleil, tout était réuni pour faire une
parfaite visite ! Suivez moi, je vous y emmène.
Mais d'où vient ce
château ? Qui sont ces Condé et ce duc d'Aumale ? Avant
de vous parler de ma visite, un petit historique s'impose. A la base
se tenait ici une forteresse, détruite depuis. Anne
de Montmorency, connétable de France, est le premier à
faire construire le « petit château » (abritant
aujourd'hui les petits appartements) en 1551. Son petit-fils,
Henri II de Montmorency, se
révolte contre l'autorité royale et est exécuté à Toulouse en
1632 et ses biens sont confisqués, puis rendus, sauf Chantilly. Onze
ans plus tard, en 1643, la reine Anne d'Autriche rend
le château à la sœur du révolté, Charlotte de Montmorency.
Celle-ci est mariée à Henri II de Bourbon-Condé, prince de
Condé. Leur fils, Louis II de
Bourbon-Condé, d'abord duc d'Enghein puis prince de Condé
à la mort de son père, se révolte à son tour contre Mazarin
durant la Fronde, prend le parti de l'Espagne … Bref, le prince vit
une vie digne d'un roman avant d'être pardonné par Louis XIV.
Il fait de Chantilly une demeure d'exception avec un jardin à la
française crée par le jardinier André Le Nôtre, fait de
grandes fêtes avec l'aide de son « contrôleur en bouche »
François Vatel. Le suicide de ce dernier à cause d'un retard
sur la livraison de poissons restera célèbre …
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Louis II de Bourbon-Condé, dit le Grand Condé |
Jusqu'à la Révolution,
les descendants du prince de Condé continuent d'embellir cette
demeure d'exception, notamment son petit-fils qui crée les grandes
écuries au cours du 18e siècle. Durant la Révolution française,
la famille émigre et le château sert tout d'abord de prison avant
d'être rasé. Il était prévu aussi de détruire les écuries mais
le manque de budget arrêta les travaux. Du château, il ne restait
donc que le petit château, la chapelle, les écuries et le jeu de
Paume. La famille récupère son bien sous la Restauration mais la
dynastie Condé est en fin de vie : Louis VI Henri de
Bourbon-Condé n'a eu qu'un fils, exécuté par Napoléon Bonaparte en 1804. Il décide de tout léguer à son filleul,
Henri d'Orléans, duc d'Aumale,
avant-dernier fils du duc d'Orléans Louis-Philippe. Le dernier
prince de Condé meurt le 27 août 1830, étranglé durant un jeu
sexuel … Oui, ça se passe de commentaire ! Henri
d'Orléans, dont le père est devenu Louis-Philippe 1e,
devient une des premières fortune de France avec tout l'apanage de
son parrain ! Mais avec la Révolution de 1848, il part en exil
jusqu'à la chute du Second Empire en 1870. Là, il entreprend des
travaux de reconstruction du château pour y installer ses
collections. Le 7 mai 1897, Henri
d'Orléans décède sans héritier. Il a décidé de léguer son
château à l'Institut de France « Aspect extérieur,
silhouette, disposition générale, rien ne sera changé, mais ce ne
sera plus une maison. Nul n'y habitera, hors le personnel de service
dans les logements prévus par moi et aménagés selon mon désir. Ne
subsisteront que la chambre de ma femme et la mienne. Le château ne
sera plus qu'un musée et un lieu de travail. Je veux qu'y aient
accès tous ceux qu'attirent des collections, des archives, une
bibliothèque dont je ne crois pas qu'elles soient médiocres ».
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Portrait d'Henri d'Orléans, duc d'Aumale par Louis Bonnat |
Je pense qu'il faut
vraiment une journée pour tout voir. Notre petite après midi n'a
suffi qu'à faire le château, l'exposition et un bref tour dans les
jardins et les écuries. Autant dire qu'il manquait tout le jardin,
il faudra donc que j'y retourne aux beaux jours (ou avant mon départ)
pour profiter des lieux. J'adore ce château. Il est certes
reconstruit mais je lui trouve tant de beauté et de respect. Henri
d'Orléans, même s'il a mis ses armoiries partout, jusque
sur les poignées de portes, rappelle la présence des ancêtres
avant lui, comme Anne de Montmorency ou les Condé.
On peut voir aussi dans
le cabinet des livres toutes les armoiries des différentes familles,
comme un rappel au passé. Mieux, dans la Galerie des Actions du
Grand Condé, sur les murs sont peints tous les exploits de Louis
II de Bourbon-Condé, dit le Grand Condé, un des hommes
les plus exceptionnels de son temps. Et on en parle de cette
bibliothèque absolument magnifique ? Je pourrais passer des
heures à examiner chaque ouvrage ! A savoir qu'il existe une
autre bibliothèque dans le château, mais fermée au public !
Mais Henri
d'Orléans a utilisé aussi ce château pour abriter ses
collections de peintures. La grande galerie de peinture montre un
accrochage typique du 19e siècle, inchangé depuis le legs à
l'Institut de France. On peut y voir ironiquement un portrait du
cardinal Mazarin, ennemi du Grand Condé. Mais on trouve aussi
Gabrielle d'Estrées au bain, ou encore deux tableaux que
j'adore et qui se répondent : Le déjeuner d'huîtres,
de Jean-François de Troy et Le déjeuner de jambon, de
Nicolas Lancret. Une collection fabuleuse que l'on peut admirer au
fil des pièces, notamment dans le cabinet des Clouet. François
Clouet, portraitiste de la Renaissance, a mis en tableau toutes les
personnalités de la seconde moitié du 16e siècle, en particulier
la famille royale : François 1e, Henri II, Catherine de Médicis et leurs enfants : François II, Charles IX,
Henri III, Marguerite … et tant d'autres qui ont gravité
autour de cette famille. Comme je lisais à ce moment Les reines de
France au temps des Valois de Simone Bertière, je voyais leurs
visages et je devenais presque incollable sur le qui est qui !
Les salles défilent et
les magnifiques peintures aussi, ainsi que des médaillons,
sculptures, décors … et l'on termine par la chapelle, avec le
magnifique mausolée de la famille de Condé. Sachez que le duc
d'Aumale a imposé des messes certains jours, en hommage à sa
famille mais aussi aux Condé. Par exemple aujourd'hui, le 11
décembre, est la date du décès du Grand Condé, une messe a donc
été dite en son honneur.
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Louis-Philippe et ses fils devant la grille d'honneur, par Horace Vernet, 1846 Henri d'Orléans est le 2e sur la droite |
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L'assassinat du duc de Guise, par Hippolyte Delaroche |
Avant notre visite guidée
des petits appartements, direction l'exposition « Le Grand
Condé, rival du Roi-Soleil ? ». Une exposition organisée
dans la salle du jeu de paume. Assez courte mais très intéressante,
elle retrace la vie et les grands aspects de Louis II de
Bourbon-Condé : sa famille, sa carrière militaire, son
mécénat, bien sûr sa vie à Chantilly et sa mort. Avec moi,
j'avais une amie passionnée par le personnage (coucou Cie) et elle
nous a servi de guide pour comprendre l'histoire et mieux apprécier
l'exposition. Cette dernière se termine par une superbe tableau
prêté par le musée d'Orsay Réception du Grand Condé à
Versailles, un tableau datant du 19e siècle mais absolument superbe.
On y voit Louis XIV en haut de l'escalier des ambassadeurs, et le
Grand Condé montant péniblement les marches et s'excusant de sa
lenteur, ce à quoi le roi lui répondit « Mon cousin, quand on est
chargé de lauriers comme vous, on ne peut marcher que difficilement
». Très intéressante, notamment cette magnifique tapisserie des
Gobelins sortie des réserves pour l'occasion, je vous la conseille !
Attention, elle se termine le 2 janvier 2017 !
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Réception du Grand Condé à Versailles, par Jean-Léon Gérôme, 1878 |
Après cela, retour au
château pour visiter les petits appartements. Rare partie non
détruite à la Révolution, c'est là que le duc et la duchesse
d'Aumale vivaient, en toute simplicité. Pour cause de restauration,
nous n'avons pas vu la chambre de la duchesse mais les diverses
pièces montrent le bureau d'Henri d'Orléans, cette magnifique pièce
de tenture rouge et au mur, toute la famille de Bourbon d'un côté,
et toute la famille Condé de l'autre, si bien que lorsqu'on
s'asseyait face au duc d'Aumale avec toute sa généalogie derrière,
on savait directement à qui on avait à faire ! La chambre
d'Aumale aussi est pleine d'émotion, très simple et militaire, il
dormait dans son ancien lit de camp. Dans mon ancienne visite, ses
tenues militaire et d'académicien trônaient sur son lit. Mais sans
doute pour des raisons de conservation, elles sont visibles à l'abri
de la lumière.
On peut voir aussi une
petite singerie, seule pièce 18e encore intact, un ancien petit
boudoir du du prince et la princesse de Condé, gardée dans son jus
par Henri d'Orléans. Elle est en réponse à la grande singerie dans
les grands appartements. C'est aussi une salle de transition pour
passer des appartements du duc à celui de la duchesse. Pour cause de
restauration, on ne peut voir que le salon violet, restauré lui-même
il y a peu.
Dommage que le soleil se
couche si tôt et que nous ne soyons pas arrivés avant, nous n'avons
pu faire qu'un bref tour dans le jardin et dans les écuries juste
pour voir les chevaux avant de repartir. Mais quel endroit ! Si
original et nous plongeant directement dans le passé, au beau milieu
du 19e siècle. Un voyage dans le temps où j'aime replonger avec
grand plaisir …
Château de Chantilly
10h30-17h (18h pour le
parc, basse saison)
17€ le billet domaine
(10€ tarif réduit)
Joli !
RépondreSupprimerJe suis impressionnée par la bibliothèque ! :)
C'est toujours compliqué les expositions de château, car il faut avoir le temps d'y aller au bon moment... Je dis cela car je sais que je manque de magnifiques expositions dans des châteaux mais visiter de tels monuments, ce n'est parfois pas si simple si l'on habite loin.
RépondreSupprimerBref, je rêve de visiter ce château de Chantilly, dont j'entends parler partout, mais que je n'ai encore jamais vu de mes propres yeux. La bibliothèque me fait rêver, comme toutes celles des châteaux !