dimanche 11 décembre 2016

Château de Chantilly, un voyage hors du temps



L'hiver n'empêche pas ma passion pour les châteaux. Ni même quand ceux-ci se trouvent hors de l'Île de France, dans l'Oise. Le château de Chantilly regorge d'histoire et plus qu'une demeure, il est devenu un vrai musée à la gloire des arts. Appartenant à la grande famille de Condé, détruit puis reconstruit par le duc d'Aumale, il est aujourd'hui un château atypique dans sa conception et dans sa gestion, puisque Henri d'Orléans a donné des consignes très claires lors de son legs. Et si on rajoute à tout cela, une visite un beau jour d'automne avec un grand soleil, tout était réuni pour faire une parfaite visite ! Suivez moi, je vous y emmène.


Mais d'où vient ce château ? Qui sont ces Condé et ce duc d'Aumale ? Avant de vous parler de ma visite, un petit historique s'impose. A la base se tenait ici une forteresse, détruite depuis. Anne de Montmorency, connétable de France, est le premier à faire construire le « petit château » (abritant aujourd'hui les petits appartements) en 1551. Son petit-fils, Henri II de Montmorency, se révolte contre l'autorité royale et est exécuté à Toulouse en 1632 et ses biens sont confisqués, puis rendus, sauf Chantilly. Onze ans plus tard, en 1643, la reine Anne d'Autriche rend le château à la sœur du révolté, Charlotte de Montmorency. Celle-ci est mariée à Henri II de Bourbon-Condé, prince de Condé. Leur fils, Louis II de Bourbon-Condé, d'abord duc d'Enghein puis prince de Condé à la mort de son père, se révolte à son tour contre Mazarin durant la Fronde, prend le parti de l'Espagne … Bref, le prince vit une vie digne d'un roman avant d'être pardonné par Louis XIV. Il fait de Chantilly une demeure d'exception avec un jardin à la française crée par le jardinier André Le Nôtre, fait de grandes fêtes avec l'aide de son « contrôleur en bouche » François Vatel. Le suicide de ce dernier à cause d'un retard sur la livraison de poissons restera célèbre …

Louis II de Bourbon-Condé, dit le Grand Condé
Jusqu'à la Révolution, les descendants du prince de Condé continuent d'embellir cette demeure d'exception, notamment son petit-fils qui crée les grandes écuries au cours du 18e siècle. Durant la Révolution française, la famille émigre et le château sert tout d'abord de prison avant d'être rasé. Il était prévu aussi de détruire les écuries mais le manque de budget arrêta les travaux. Du château, il ne restait donc que le petit château, la chapelle, les écuries et le jeu de Paume. La famille récupère son bien sous la Restauration mais la dynastie Condé est en fin de vie : Louis VI Henri de Bourbon-Condé n'a eu qu'un fils, exécuté par Napoléon Bonaparte en 1804. Il décide de tout léguer à son filleul, Henri d'Orléans, duc d'Aumale, avant-dernier fils du duc d'Orléans Louis-Philippe. Le dernier prince de Condé meurt le 27 août 1830, étranglé durant un jeu sexuel … Oui, ça se passe de commentaire ! Henri d'Orléans, dont le père est devenu Louis-Philippe 1e, devient une des premières fortune de France avec tout l'apanage de son parrain ! Mais avec la Révolution de 1848, il part en exil jusqu'à la chute du Second Empire en 1870. Là, il entreprend des travaux de reconstruction du château pour y installer ses collections. Le 7 mai 1897, Henri d'Orléans décède sans héritier. Il a décidé de léguer son château à l'Institut de France «  Aspect extérieur, silhouette, disposition générale, rien ne sera changé, mais ce ne sera plus une maison. Nul n'y habitera, hors le personnel de service dans les logements prévus par moi et aménagés selon mon désir. Ne subsisteront que la chambre de ma femme et la mienne. Le château ne sera plus qu'un musée et un lieu de travail. Je veux qu'y aient accès tous ceux qu'attirent des collections, des archives, une bibliothèque dont je ne crois pas qu'elles soient médiocres ».

Portrait d'Henri d'Orléans, duc d'Aumale par Louis Bonnat
Je pense qu'il faut vraiment une journée pour tout voir. Notre petite après midi n'a suffi qu'à faire le château, l'exposition et un bref tour dans les jardins et les écuries. Autant dire qu'il manquait tout le jardin, il faudra donc que j'y retourne aux beaux jours (ou avant mon départ) pour profiter des lieux. J'adore ce château. Il est certes reconstruit mais je lui trouve tant de beauté et de respect. Henri d'Orléans, même s'il a mis ses armoiries partout, jusque sur les poignées de portes, rappelle la présence des ancêtres avant lui, comme Anne de Montmorency ou les Condé.






On peut voir aussi dans le cabinet des livres toutes les armoiries des différentes familles, comme un rappel au passé. Mieux, dans la Galerie des Actions du Grand Condé, sur les murs sont peints tous les exploits de Louis II de Bourbon-Condé, dit le Grand Condé, un des hommes les plus exceptionnels de son temps. Et on en parle de cette bibliothèque absolument magnifique ? Je pourrais passer des heures à examiner chaque ouvrage ! A savoir qu'il existe une autre bibliothèque dans le château, mais fermée au public !







Mais Henri d'Orléans a utilisé aussi ce château pour abriter ses collections de peintures. La grande galerie de peinture montre un accrochage typique du 19e siècle, inchangé depuis le legs à l'Institut de France. On peut y voir ironiquement un portrait du cardinal Mazarin, ennemi du Grand Condé. Mais on trouve aussi Gabrielle d'Estrées au bain, ou encore deux tableaux que j'adore et qui se répondent : Le déjeuner d'huîtres, de Jean-François de Troy et Le déjeuner de jambon, de Nicolas Lancret. Une collection fabuleuse que l'on peut admirer au fil des pièces, notamment dans le cabinet des Clouet. François Clouet, portraitiste de la Renaissance, a mis en tableau toutes les personnalités de la seconde moitié du 16e siècle, en particulier la famille royale : François 1e, Henri II, Catherine de Médicis et leurs enfants : François II, Charles IX, Henri III, Marguerite … et tant d'autres qui ont gravité autour de cette famille. Comme je lisais à ce moment Les reines de France au temps des Valois de Simone Bertière, je voyais leurs visages et je devenais presque incollable sur le qui est qui !












Les salles défilent et les magnifiques peintures aussi, ainsi que des médaillons, sculptures, décors … et l'on termine par la chapelle, avec le magnifique mausolée de la famille de Condé. Sachez que le duc d'Aumale a imposé des messes certains jours, en hommage à sa famille mais aussi aux Condé. Par exemple aujourd'hui, le 11 décembre, est la date du décès du Grand Condé, une messe a donc été dite en son honneur.


Louis-Philippe et ses fils devant la grille d'honneur, par Horace Vernet, 1846
Henri d'Orléans est le 2e sur la droite

L'assassinat du duc de Guise, par Hippolyte Delaroche




Avant notre visite guidée des petits appartements, direction l'exposition « Le Grand Condé, rival du Roi-Soleil ? ». Une exposition organisée dans la salle du jeu de paume. Assez courte mais très intéressante, elle retrace la vie et les grands aspects de Louis II de Bourbon-Condé : sa famille, sa carrière militaire, son mécénat, bien sûr sa vie à Chantilly et sa mort. Avec moi, j'avais une amie passionnée par le personnage (coucou Cie) et elle nous a servi de guide pour comprendre l'histoire et mieux apprécier l'exposition. Cette dernière se termine par une superbe tableau prêté par le musée d'Orsay Réception du Grand Condé à Versailles, un tableau datant du 19e siècle mais absolument superbe. On y voit Louis XIV en haut de l'escalier des ambassadeurs, et le Grand Condé montant péniblement les marches et s'excusant de sa lenteur, ce à quoi le roi lui répondit « Mon cousin, quand on est chargé de lauriers comme vous, on ne peut marcher que difficilement ». Très intéressante, notamment cette magnifique tapisserie des Gobelins sortie des réserves pour l'occasion, je vous la conseille ! Attention, elle se termine le 2 janvier 2017 !





Réception du Grand Condé à Versailles, par Jean-Léon Gérôme, 1878


Après cela, retour au château pour visiter les petits appartements. Rare partie non détruite à la Révolution, c'est là que le duc et la duchesse d'Aumale vivaient, en toute simplicité. Pour cause de restauration, nous n'avons pas vu la chambre de la duchesse mais les diverses pièces montrent le bureau d'Henri d'Orléans, cette magnifique pièce de tenture rouge et au mur, toute la famille de Bourbon d'un côté, et toute la famille Condé de l'autre, si bien que lorsqu'on s'asseyait face au duc d'Aumale avec toute sa généalogie derrière, on savait directement à qui on avait à faire ! La chambre d'Aumale aussi est pleine d'émotion, très simple et militaire, il dormait dans son ancien lit de camp. Dans mon ancienne visite, ses tenues militaire et d'académicien trônaient sur son lit. Mais sans doute pour des raisons de conservation, elles sont visibles à l'abri de la lumière.

On peut voir aussi une petite singerie, seule pièce 18e encore intact, un ancien petit boudoir du du prince et la princesse de Condé, gardée dans son jus par Henri d'Orléans. Elle est en réponse à la grande singerie dans les grands appartements. C'est aussi une salle de transition pour passer des appartements du duc à celui de la duchesse. Pour cause de restauration, on ne peut voir que le salon violet, restauré lui-même il y a peu.







Dommage que le soleil se couche si tôt et que nous ne soyons pas arrivés avant, nous n'avons pu faire qu'un bref tour dans le jardin et dans les écuries juste pour voir les chevaux avant de repartir. Mais quel endroit ! Si original et nous plongeant directement dans le passé, au beau milieu du 19e siècle. Un voyage dans le temps où j'aime replonger avec grand plaisir …









Château de Chantilly
10h30-17h (18h pour le parc, basse saison)
17€ le billet domaine (10€ tarif réduit)


2 commentaires:

  1. Joli !
    Je suis impressionnée par la bibliothèque ! :)

    RépondreSupprimer
  2. C'est toujours compliqué les expositions de château, car il faut avoir le temps d'y aller au bon moment... Je dis cela car je sais que je manque de magnifiques expositions dans des châteaux mais visiter de tels monuments, ce n'est parfois pas si simple si l'on habite loin.
    Bref, je rêve de visiter ce château de Chantilly, dont j'entends parler partout, mais que je n'ai encore jamais vu de mes propres yeux. La bibliothèque me fait rêver, comme toutes celles des châteaux !

    RépondreSupprimer