Je me rends compte que
je parle assez peu de XXe siècle sur le blog alors que cela fait
aussi parti de notre Histoire. Chose réparée aujourd'hui avec la
fin de la prostitution légale, où les maisons closes, ou de passe,
de tolérance … bref, ces maisons où il se passait des choses
lubriques moyennant finance, qui ont connu leur apogée au XIXe
siècle, voient leurs portes définitivement closes après une
bataille acharnée avec une figure de proue : Marthe Richard.
Retour sur ce jour où les prostituées furent mises à la rue …
Il y a bien longtemps
qu'on n'a pas abordé le siècle dernier, depuis l'attentat deSarajevo qui a provoqué, par jeu de dominos, la guerre. Là, nous
partons plutôt pour l'après-guerre, en 1946, où un tout
autre événement va provoquer la stupeur des habitués et le
soulagement de beaucoup : la fermeture définitive des maisons
closes.
Tout d'abord, c'est quoi
une maison close ? Oh, rien de bien compliqué :
imaginez un lieu où des femmes (de préférence jeunes et belles)
sont presque dévêtues à attendre qu'un homme les choisisse pour
pratiquer la bête à deux dos contre rétribution. Paris est la
capitale de la prostitution, on garde encore l'image d'une ville
sensuelle et débridée, du moins certains touristes. Des maisons, il
y en avait de toute sorte : des plus sordides dans le quartier
de la Monjole avec des prostituées vérolées, trop âgées
ou en piteux états, aux grands établissements de luxe comme le
Chabanais ou le Sphinx, où de grands personnages
se pressent de s'encanailler, comme par exemple le prince de Galles,
futur Edouard VII et fils de la Reine Victoria, ou
encore le jeune roi du Portugal, Charles 1e. Sans oublier des
politiciens français, des artistes, des mondains … beaucoup
d'hommes aiment se rendre dans les maisons closes pour avoir un peu
de plaisir auprès de femmes qui séduisent et se donnent sans
complexe, contrairement aux épouses qu'on a éduqué davantage à
tenir une maison que son propre lit.
Il y a sans doute
toujours eu des gens pour se révolter contre cette pratique. Mais
dans un siècle où les conflits mondiaux se multiplient, difficile
d'échapper aux maisons de tolérance et les fameuses filles à
soldats. Durant la Première Guerre Mondiale, on voit se monter des
maisons près du front, certains même avec des abris antiaériens !
Autant dire que la syphilis grouillait chez le soldats … Mais avec
le krach boursier et les difficultés économiques, la prostitution
de maison s'effondre aussi, les filles racolent aussi dans les rues,
ne l'oublions pas. Durant l'Occupation, les allemands réquisitionnent
certaines maisons pour leurs propres besoins. Hors de questions que
des français vienent y mettre les pieds, et les filles ont toutes
intérêt d'avoir une hygiène plus que correct ! Mais après la
Seconde Guerre Mondiale, une femme reprit son combat : Marthe
Richard.
Mais qui est cette
femme ? Fille de parents pauvres destinés à devenir couturière
à Nancy, elle est interpellée à 16 ans, en 1905, par la police des
mœurs, entrain de racoler, fichée dans le registre national de la
prostitution, elle tombe sous le coude d'un proxénète qui l'envoie
dans un bordel à soldats. Renvoyée pour cause de syphilis, elle
part à Paris où elle épouse Henri Richer, riche industriel
avant la guerre. Le catin devient bourgeoise et entame une vie
passionnante, devenant aviatrice. Veuve de guerre, la voici
soi-disant espionne durant un temps avant de s'assagir en épousant
un anglais, Thomas Crompton dans les années 20. Engagée dans
les Forces françaises de l'intérieur, elle résistera (un peu moins
qu'elle le dit) contre l'opposant allemand. En 1945, elle
devient conseillère municipale du 4e arrondissement de Paris. C'est
là qu'elle entamera son projet.
Ce 13
avril 1946, l'hémicycle est à trois quart vide, aucune
opposition ne vient troublé ce vote. Il faut dire que l'élue a un
argument imparable pour la fermeture : bon nombre
d'établissements collaboraient avec l'occupant allemand. Autant dire
que cela faisait davantage foi que la prostitution en elle-même.
Mais n'était-ce pas pour servir ses intérêts ? Plus que la
loi en elle-même, l'article 5 qui supprime la fichier national de la
prostitution est son cheval de bataille et elle veille à ce qu'il
soit bien accepté. Elle qui a passé sa vie à demander à être
rayée de ce registre, ce fut plutôt elle qui le raya !
Le temps de mise en
place, les fermetures effectives ne commencèrent qu'à partir de
novembre de la même année. Si certains établissements se
reconvertirent en hôtels, beaucoup mirent la clé sous la porte,
entraînant de grandes ventes aux enchères de boiseries, de
mobilier. Le Chabanais, entre ses œuvres d'art, ses meubles (dont
une baignoire appartenant au prince de Galles en forme de conque avec
cygnes et cariatides), fauteuils et boiseries, est estimé à plus de
600.000 francs ! Bien sûr, cela ne change rien à la
prostitution en elle-même : les filles racolent dans les rues,
au bois et des lieux clandestins se créent …
Une loi crée donc pour
le caprice d'une femme qui voulait voir son nom disparaître d'un
registre honteux ? Oui, bien plus que la nécessité de fermer
ces endroits, sauf peut être pour les plus crades d'entre eux, qu'on
appelait des maisons d'abattage. A l'heure où on se demande si cela
ne serait pas une mauvaise chose d'en rouvrir pour lutter contre le
trafic d'êtres humains dans les rues, on se demande si les lois sont
vraiment votées pour les bonnes raisons ! Quoi qu'il en soit,
l'image de Paris avec ses maisons closes feutrées et ses belles
françaises sensuelles et si désirables font toujours fantasmer
l'imaginaire !
Hey !
RépondreSupprimerUn article très intéressant et qui fait réfléchir. C'est vrai que la prostitution est un thème délicat, et quand on voit le nouveau débat du gouvernement concernant la dépénalisation du Cannabis, pour éviter le marché noir, je me mets à rejoindre ton avis, concernant la possible réouverture de ces maisons. Ça éviterait le trafic, ça contrôlerait un peu mieux, mais bon... C'est un débat à ouvrir !
http://emiliaisa.blogspot.fr
Oui le thème est délicat, je peux comprendre les personnes qui sont contres. A la base, les maisons closes étaient des lieux d'hygiène (sauf pour les maisons d'abattage). Quand elles ont fermé en 1946, la prostitution de rue était largement répandu, plus que les maisons ! C'est un débat intéressant, c'est certain :)
SupprimerContre qui on a fermé les bordels ? Contre les prostituées ou contre les tenancières ? Encore une fois les lois qui se disent "contre la prostitution" sont souvent des lois contre les prostituées qui préservent l'intérêt des macs et des maquerelles, en effet ceux-ci sont de précieux indicateurs de police et souvent les fournisseurs d'arguments permettant le chantage contre certains politiciens que l'on souhaite désarmer. Alors évidemment, cette fermeture, non accompagnées de mesures de'accompagnement, fut encore une fois un catastrophes pour les prostituées.
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