jeudi 7 avril 2016

7 avril 1498 : Mort de Charles VIII



Ah, une nouvelle mort ! Je suis sûre que cela vous avait manqué. Puis une mort bien stupide comme on les aime, davantage quand il s'agit d'un souverain. Je me devais d'en parler. On part à l'aube de la Renaissance, sur les traces de Charles VIII, dernier roi des Valois direct, donc la mort stupide mérite d'être connue de tous …


Cela faisait longtemps qu'une mort royale n'avait pas été évoqué sur le blog ! Henri II ne sera plus tout seul dans cette catégorie, puisque quelques générations avant lui, un autre souverain a passé l'arme à gauche d'une façon stupide.

Charles VIII a succombé à une hémorragie interne après avoir pris un linteau de porte.
La bonne mort pourrie comme je les aime. Mais qui est ce souverain ? Et pourquoi cette mort ? Je vous explique tout cela, après avoir fini de rire un bon coup !

Charles de Valois est l'unique fils du roi Louis XI à atteindre l'âge adulte, mais il n'est guère au goût de son père. Grand misogyne devant l'éternel, celui qu'on surnomme l'universelle araignée (car il étend sa toile tout en la contrôlant en son centre) préfère tout de même sa fille aînée Anne de Beaujeu à son fils ! Il faut dire que Charles est un enfant chétif, fragile et on se préoccupe plus de sa santé que de son éducation. Son seul rôle réside à être un accessoire politique, un dauphin bon à marier sur la scène internationale. On le fiança par deux fois : à Élisabeth d'York, fille d’Édouard VI d'Angleterre, pour sceller la paix franco-anglaise nouvelle. Cela ne se fera pas, Louis XI changera d'idée au gré des alliances politiques. La jeune York sera l'épouse d'Henry VII et fondera la dynastie Tudor en Angleterre. La seconde fiancée fut Marguerite de Bourgogne, fille de l'empereur Maximilien Ie du Saint Empire. A l'âge de trois ans, elle fut envoyée en France pour recevoir une éducation soignée, digne de la future reine qu'elle sera. Elle y restera huit années avant d'être renvoyée chez elle, le jeune Charles préférant épouser la duchesse Anne de Bretagne. Gardant une grande rancune envers la France, elle se maria deux fois, des unions de courte durée pour cause de mort d'époux. Elle sera surtout connue pour être la tante de l'empereur Charles Quint, qui lui donnera le gouvernement des Pays Bas espagnols.

Car devenu souverain à treize ans, le jeune Charles VIII n'a pas vraiment l'étoffe d'un roi mais veut reprendre le rêve de son paternel : intégrer le duché de Bretagne au royaume de France. Ce bout de terre résiste toujours et encore à l'envahisseur, avec la bonne duchesse Anne à sa tête. Après des assauts successifs, il arrive en 1491 à obtenir ce qu'il souhaite, et épouse la duchesse au château de Langeais le 6 décembre 1491. D'ailleurs ce mariage fut assez étrange : d'une part parce qu'il a été célébré de nuit dans la plus stricte intimité, et deuxièmement, une clause du contrat de mariage stipule que si Charles meurt sans donner d'héritier mâle, Anne doit se marier avec son successeur sur le trône. Cela évitait que la Bretagne ne retrouve sa liberté chérie et échappe à la Couronne.

Entrée de Charles VIII à Naples, le 12 mai 1495, par Eloi Firmin Feron (1836)
Si on connaît Charles VIII, c'est surtout pour avoir lancé la mode des guerres d'Italie. En effet, le roi met en avant que les derniers princes d'Anjou avaient légué le royaume à sa famille, avant de se faire usurpé par les princes d'Aragon. Campagne victorieuse au départ, le roi Alphonse II de Naples abdique et son successeur, son fils Ferdinand II, s'enfuit. Finalement on ne laisse sur place qu'un vice-roi et une petite armée, le reste retourne en France avec une nouvelle maladie : la syphilis. Quelle jolie découverte ! Après quelques couacs avec les prêts florentins et le retour de Ferdinand II, il faut bien admettre que cette entreprise fut un échec cuisant. Après lui, Louis XII s'y essaiera, sans oublier François 1e (notamment avec Marignan et Pavie).

En cette année 1498, une nouvelle expédition italienne est prévue, il faut bien reconquérir Naples ! Mais avant, place à la fête dans ce château royal d'Amboise tout juste rénové ! Ce matin du 7 avril 1498, le roi partit à la chasse, puis assista au conseil avant de rendre visite à son épouse, encore affaiblie par l'accouchement prématurée de leur petite fille, morte presque aussitôt. Il lui proposa d'assister à une partie de jeu de paume. On avait aménagé un terrain dans un espace désaffecté du vieux donjon. Le couple royal traversa le château, du logis de la reine à celui du roi, passant par les dernier travaux et prirent un escalier avec une porte assez basse où le roi se cogna la tête violemment avant de reprendre son chemin. Tout allait bien durant la partie, il parlait avec son entourage quand tout à coup, il pâlit et s'écroula sur le sol. Tout alla très vite, car après cet accident survenu aux alentours de seize heures, le roi décéda vers vingt-trois heures. Lui qui avait perdu l'usage de la parole, il la retrouva trois fois pour répéter la même phrase : « Mon Dieu et la glorieuse Vierge Marie, monseigneur saint Claude et monseigneur saint Blaise me soient en aide. »

Son corps fut veillé par le personnel de sa Maison, trente mendiants, quinze minimes et quinze cordonniers. Puis enveloppé dans un linceul, mis dans un cercueil de plomb puis de bois, il fut à nouveau veillé dans une chambre funéraire, entouré d'une vingtaine de gros cierges et dans une triste décoration. Après une semaine de veillée privée, le cercueil royal prit la route pour Paris, où il fut inhumé à la nécropole royale, la basilique Saint-Denis, le 29 avril 1498.

Estampe du tombeau de Charles VIII à la Basilique Saint-Denis (Gallica)
Mort sans héritier, ce fut son cousin Louis d'Orléans (petit-fils de Louis 1e d'Orléans) qui monta sur le trône, sous le nom de Louis XII. Il annula, péniblement, son mariage avec la sœur de Charles VIII, Jeanne de France, princesse handicapée et pieuse, et se maria à son tour avec Anne de Bretagne. Eux non plus n'auront pas d'héritiers, mais ceci est une autre histoire.


Quelle mort stupide n'est ce pas ! Surtout quand on estime la taille de Charles VIII à 1m52, autant dire que la gaillard ne devait pas avoir l'habitude de baisser la tête ! J'avais entendu une histoire comme quoi il se trouvait sur des échasses, mais je n'en ai aucune source, dommage ça aurait rajouté du comique à la situation ! Tout de même, quelle mort idiot …  

4 commentaires:

  1. Une mort qui fait toujours sourire sur les bancs des facs d'histoire pour son côté ridicule.

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    1. On est d'accord ! Heureusement il n'est pas le seul à être mort de façon stupide, on peut se permettre de rire en Histoire !

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  2. Il y'a quelque chose de très ironique dans la mort de Charles VIII qui prête à sourire, même si ce n'est pas drôle au fond, de mourir de cette manière et surtout, dans ces conditions, au fond d'une galerie sombre et sale...

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    1. On est d'accord, la mort du roi n'arrangeait personne (pas de fils, son successeur encore marié, des soucis internes au royaume ...) mais c'est tellement bête de mourir ainsi, surtout pour un roi qu'il est difficile de ne pas rire !

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