Après les morts, je
me spécialise dans les mariages. Après tout, il fallait bien des
mariages pour perpétrer les dynasties, surtout royales. Pas question
d'avoir un polichinelle dans le tiroir avant de passer devant
l'autel, sinon sacrilège ! Et encore plus au 16e siècle. Bon
d'accord les deux mariés du jour n'auront pas le temps d'avoir
d'enfant, mais on ne le savait pas vraiment au moment du mariage.
Plus que l'union entre deux pays, on scelle celle de deux royaumes.
Le futur roi de France et la petite reine d'Ecosse ne sont pas restés
mariés longtemps, voici leur histoire …
A cette époque, les
mariages ne sont pas toujours heureux et très souvent arrangés.
Surtout dans les hautes sphères du pouvoir. Tout le monde trouvait
cela normal qu'on cherche à marier des héritiers du trône aux
meilleurs partis possibles. L'amour ? Ce n'était pas un critère
de sélection, même si tout le monde espérait que le couple
s'entende, au moins pour partager le lit conjugal le temps de faire
des enfants. Les protagonistes furent fiancés à quatre ans, et on a
tout fait pour qu'ils s'aiment jusqu'à ce qu'ils aient l'âge
d'enfin se marier. Mais qui sont-ils ?
Marie
Stuart naît tristement six jours après la mort de son
père, le roi Jacques V d’Écosse. Sa mère, Marie de
Guise, de la puissante famille de Guise, doit assurer la régence
dans un pays en proie aux tumultes, avec l'Angleterre toute proche à
essayer d'annexer ce royaume voisin sur son île. Unique enfant
survivante du couple, la petite Marie est couronnée à neuf
mois reine d’Écosse, et est déjà l'objet de toutes les
attentions, notamment matrimoniales. Le roi d'Angleterre Henry
VIII a un fils, Édouard, et les fiançailles entre les enfants
se font. Mais ce dernier veut que la petite fille soit éduquée à
Londres, ce que refuse la reine régente. Puis elle cherche en la
France une alliée. Cela tombe bien, HenriII et Catherine de Médicis
ont mis au monde un fils, le petit François.
Les alliances franco-écossaises se font régulièrement, au gré de
la menace de leur ennemi commun, l'Angleterre. Après la mort de
François 1e, son fils Henri monte sur le trône et décide
d'aider ce royaume en fiançant son fils à la petite reine, mais
aussi à l'accueillir en France pour parfaire son éducation. Début
août 1548, à l'âge de 5 ans, Marie
Stuart quitte sa patrie pour rejoindre celle où elle est
destinée aussi à régner : la France.
Marie Stuart enfant, par François Clouet |
François II, par François Clouet |
« la petite reine d’Écosse est l'enfant le plus accompli que j'ai vu. »
Elle grandit avec la
famille Valois, au milieu des nombreux enfants de la famille, en
particulier Élisabeth, future reine d'Espagne. Par cela, elle
bénéficie d'une grande éducation, de quoi en faire une parfaite
princesse française de la Renaissance. Avec un don pour les langues,
elle apprit le français (renonçant à l'écossais), le latin,
l'italien, l'espagnol ; elle savait chanter, jouer du luth,
dessiner, peindre, broder, danser … Elle était admirée et aimée,
avec une belle conversation, mais aussi dotée d'un caractère
impérieux, elle se mettait dans de grandes colères et il fallait
lui céder. On évita soigneusement de lui parler de l’Écosse,
trouvant cela insignifiant. Cela lui portera préjudice plus tard.
Mais en attendant, elle grandissait aux côtés de son fiancé.
François avait treize mois de
moins que sa belle, était malingre, assez rachitique, avec un retard
de croissance dû à une malformation du pharynx, souvent malade et
d'une pâleur cadavérique. Lui par contre n'avait aucun goût pour
les études ou les arts mais s'en moquait assez, il préférait
rester dans son monde.
Marie lui fit comme un
petit rayon de soleil. Pour elle, l'enfant fit beaucoup d'efforts,
sortit de sa réserve, se mit au sport et à la chasse, jusqu'à
l'abus et l'épuisement. Les deux enfants furent encouragés par
leurs familles – les Guises protégeaient leur nièce – à
s'aimer et se voir. Ils passèrent leur enfance à imiter les adultes
dans leur comportement amoureux. Sans doute cela a t'il tissé de
véritables liens, ils ont tout de même passé presque dix ans
ensemble.
Ils furent fiancés
officiellement le 19 avril 1558, avant de se marier. Le roi
avait reculé plusieurs fois le mariage car le jeune François
n'avait passé la puberté, et il négociait aussi le contrat de
mariage. Ce dimanche 24, pour la première fois depuis 200 ans, un
dauphin se mariait dans Paris ! Le couple se rendit à la
cathédrale Notre Dame à la décoration de fleur de lys, au son des
trompettes. Marie Stuart fit son
entrée dans l'église entourée du roi Henri II et de son
cousin le duc de Lorraine. Fait étonnant, elle porte une robe
blanche (couleur de deuil pour les reines de France en temps normal)
avec une longue traîne portée par des demoiselles d'honneur, avec
sur sa tête, une couronne sertie de perles et pierres précieuses.
Ils sont assez mal assortis à dire vrai, Marie est grande (une tête
de plus que son époux), belle, élancée alors qu'il est assez
maigre et pâle.
Après la cérémonie, un
bal est donné, puis une procession dans la ville pour se montrer au
peuple, puis un nouveau bal. Évidemment, malgré les caisses vides,
il fallait du faste, du grandiose à ce mariage. Le clou du spectacle
fut des bateaux avec des voiles en argent et des roues invisibles où
l'on pouvait faire monter la cavalière de son choix, bien sûr
toujours dans un souci d'étiquette !
François de Valois et Marie Stuart, par François Clouet (livre d'heures de Catherine de Médicis) |
Au niveau politique,
François devient roi-consort d’Écosse, en partage du pouvoir avec
son épouse. Mais après le traité officiel, donnant la liberté à
l’Écosse en cas de décès de la jeune reine, Marie
Stuart signe un avenant contredisant le plan des
écossais : si elle meurt, l’Écosse revient à la France.
D'après les historiens, la jeune femme n'aurait même pas lu les
documents, faisant confiance aveugle à son entourage. Après tout,
elle n'a que quinze ans.
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