On ne peut pas dire que
le 15e siècle fut tranquille en France. Ravagé par la Guerre de
Cent Ans où la France se plie de plus en plus face à l'ennemi
anglais, le règne du roi Charles VI
n'aide pas à remonter la pente et se montrer serein face à
l'avenir. Pire encore, des querelles à l'intérieur du royaume
grandissent, entre deux clans : les Armagnacs et les
Bourguignons. Deux rivaux puissants, puisque le premier est mené
par le frère du roi de France, Louis 1e
d'Orléans, et le second par le puissant duc de Bourgogne,
Philippe II le Hardi puis son fils Jean. Des luttes
pour des terres, le pouvoir, la domination sur le roi … une lutte à
mort, jusqu'à celle du duc d'Orléans ce terrible jour de 23
novembre 1407, où il fut assassiné. Je vous raconte cette
histoire.
Avant de vous expliquer
le pourquoi de cette mort, il faut que je vous raconte qui est Louis
d'Orléans, et pourquoi le clan bourguignon voulait sa
mort. Cela naît très tôt, alors que le duc de Bourgogne
Philippe II le Hardi, oncle du jeune roi Charles VI
et de son frère Louis d'Orléans
(pour faire simple, le père des jeunes hommes, Charles V,
était le frère de Philippe), avait main mise sur le pouvoir,
et écartait le cadet Orléans des hautes fonctions. On passa à
plusieurs reprises près de la guerre civile, notamment près de
Paris. Quand Philippe le Hardi
meurt le 27 avril 1404 d'une maladie infectieuse, Louis se
sent plus libre.
Son frère, Charles
VI, souffre de démence et se montre incapable de
gouverner, parfois de longs mois, et il a chargé son épouse,
Isabeau de Bavière, pour assurer la régence. La jeune femme
a soutenu un temps le clan bourguignon, mais finit par s'allier à
Louis 1e d'Orléans pour mener la politique du royaume. Et
pas seulement de politique, les deux deviennent amants, peu importe
qu'Isabeau soit reine de France et que Louis soit marié
à Valentine Visconti. Bien sûr, ils se montrent plus que
discrets, les temps restent bien troublés. Surtout que la querelle
n'est pas fini, le nouveau duc de Bourgogne n'est autre que Jean
Sans Peur, un homme pour le moment moins puissant que son
défunt père, mais au caractère bien trempé.Moyen En guise de protection, Louis d'Orléans
a construit certains châteaux, comme celui de Pierrefonds, pour
servir de tampon entre Paris et la Flandre, terre de son ennemi.
Malgré les traités de
paix et les réconciliations de façade, les deux clans ne cessent de
se provoquer, et de se battre. Le duc Jean
Sans Peur a donc l'effroyable idée de faire assassiner
son ennemi, afin d'affaiblir le clan rival et avoir la
toute-puissance sur la régence royale. Le complot est préparé
depuis l'été, en payant des hommes de main pour l'attaquer, et neuf
jours avant, l'hôtel de l'image Notre-Dame est loué pour préparer
le coup et attendre le bon moment. Quelques jours auparavant, la
reine Isabeau avait accouché d'un petit garçon, et Louis
allait donc saluer la reine et présenter ses félicitations. Cette
dernière logeait à l'hôtel Barbette (aujourd'hui disparu), rue
Vieille-du-Temple, à Paris. Aux environs de 20 heures, Thomas de
Courteheuse, valet du roi, prévient Louis
d'Orléans que sa majesté le demande de toute urgence. Il
s'agit d'une ruse, le marot est lui aussi dans le complot, il sert
d’appât pour faire sortir la proie. Le duc monta sur son mulet,
entouré d'une dizaine de gardes et serviteurs en guise d'escorte,
pour se rendre à l'hôtel Saint-Pol, à un kilomètre de là.
Comme vous le devinez, il
n'y arriva jamais. A peine fit-il quelques mètres qu'une quinzaine
d'hommes armés se ruèrent sur le petit convoi. Surpris de ce
traquenard, le duc s'est écrit « Je suis le duc d'Orléans !
» et quelqu'un rétorqua « C'est lui que nous voulons
! ». Louis 1e d'Orléans
se prit un coup de hache sur la tête et mourut sur le sol de la rue,
aux environs du n°50.
Au tout départ, tout le
monde est choqué par cet assassinat cruel et orchestré, une enquête
est lancée pour trouver les coupables. Jean
Sans Peur prend les devants et assume son geste, pensant
(à tort) qu'on le soutiendrait. Raté. Tout d'abord, le parti
Orléans demanda justice, notamment l'épouse Valentine
Visconti (qui rejoindra son mari dans la mort un an plus
tard), l'héritier Charles d'Orléans,
mais aussi les partisans du duc. Impossible de réclamer la mort d'un
homme aussi puissance, Jean Sans Peur
est par contre désavoué un temps. Mais puisque la justice ne peut
aider, les deux clans se lancent dans une guerre civile qui durera
jusqu'en 1435 ! Pendant ce temps là, Charles
d'Orléans est fait prisonnier après la bataille d'Azincourt en
1415 pendant 25 ans, et Jean Sans Peur se fait assassiner en 1419.
Son fils Philippe III de Bourgogne, négocie le Traité de
Troyes en 1420 où la France appartiendrait à l'Angleterre dés la
mort de Charles VI …
Cette affreuse querelle
de pouvoir a provoqué bien plus de dégâts que le duc
Jean Sans Peur aurait pu imaginer, une lutte interne dans
une France déjà bien décharnée par le conflit contre l'Angleterre
(qui ne se terminera qu'en 1453) et le nouveau roi de France Charles
VII, arrivera enfin à mettre un terme à cette guerre
civile qu'en 1435, où il donne l'indépendance de la Bourgogne !
Quant à Louis
1e d'Orléans, grand donateur du Couvent des Célestins à
Paris, il y fut inhumé dans la chapelle Orléans, tout comme ses
fils et son épouse Valentine Visconti. Bien évidemment, le
couvent fut profané durant la Révolution Française, devenant un
dépôt de bois puis une caserne, les corps jetés à la fosse
commune, mais quelques gisants, comme celui de Valentine Visconti,
furent retrouvés. Cette dernière se trouve aujourd'hui à la
Basilique Saint-Denis.
Article très intéressant ! ! Je suis en admiration devant le tableau que tu as choisi pour illustrer ton article, il est vraiment très très beau ! !
RépondreSupprimerLouis d'Orléans et Isabeau "amants" ... ? "Tout le dit (assure la "rumeur") mais rien ne le prouve" ce d'autant plus qu'on n'en trouve pas la plus petite allusion ni dans l'ignoble "Apologie du tyrannicide" du théologien Jean Petit ("défenseur" de la "cause" de Jean Sans Peur) ni dans les pamphlets bourguignons les plus venimeux (tels ceux de Pierre Cochon - à ne pas confondre avec l'Evêque Cauchon) ... En fait, le premier à avoir soulevé ce "lièvre", c'est Brantôme, un siècle et demi après ... Brantôme, cet amateur de femmes (il a aimé la Reine Margot) ... cet écrivain "léger", auteur de "La Vie des femmes galantes" ...
RépondreSupprimerDe cette assertion (vraie ou fausse) est née, au début du XIXème siècle, la légende de "Jeanne d'Arc, Princesse royale", fille adultérine des deux (supposés) amants, démentie par les historiens les plus éminents mais dont le "sensationnalisme" (il permet à des plumitifs d'écrire de "gros livres" et de se faire de la sorte une "réputation" auprès des médias et des amateurs de scandales et ... de ceux qui REFUSENT ABSOLUMENT la dimension divine de la Mission de cette sainte) renaît à chaque génération !!!