Louis-Philippe a
incarné la dernière monarchie française, constitutionnelle après
la tentative d'un retour à l'absolutisme avec Charles X. Dix-huit
années de la monarchie de Juillet, née durant une révolution et
mourant dans une autre, et comme le précédent, un exil de la
famille royale. Louis-Philippe d'Orléans, devenu le premier (et
unique) roi des Français, a fini ses jours en Angleterre, dans un
exil précaire et un climat tendu, âgé et fatigué de tout, lui
autrefois si jovial et bavard. Le roi bourgeois, ou monsieur Poire
comme certains l'appelaient, a terminé sa course dans des jours
tristes et presque oublié de tous …
Avant de conter sa mort,
faisons une brève biographie de notre mort du jour. Louis-Philippe
d'Orléans, titré duc de Chartres à la naissance, est le
fils de Louis-Philippe Joseph d'Orléans – connu durant la
Révolution sous le nom de Philippe-Égalité – et Louise de
Bourbon. Il est l'héritier de la branche des Orléans, membre de
la famille royale. A la Révolution, son père prend le parti des
révolutionnaires, Louis-Philippe
aussi avant d'être forcé à l'exil. Un peu d'aventure où il
cherche à faire fortune aux États-Unis, puis à Cuba avant de
s'installer en Angleterre. Il se fiance avec la princesse Élisabeth
de Hanovre, fille du roi George III, mais n'obtint pas le
droit de l'épouser. Il part à la recherche d'une épouse, ce qu'il
fit avec sa cousine (n'oubliez pas qu'en famille, ce n'est pas sale à
l'époque), Marie-Amélie des Deux-Siciles. Le couple fut
prolifique avec dix enfants à leur actif, dont huit arrivent à
l'âge adulte : Ferdinand, Louise, Marie, Louis,Clémentine,
François, Henri et Antoine. Après la chute de Napoléon 1e, les Bourbons reprennent le pouvoir avec Louis XVIII,
et les Orléans reviennent à Paris. Louis-Philippe
n'avait aucune prétention au trône, jusqu'aux Trois Glorieuses de 1830, révolution visant à renverser le roi Charles X.
Finalement, le duc d'Orléans devient Louis-Philippe
1e, roi des Français (et non plus de France) et va
régner durant dix-huit ans sur la France, ce qu'on appelle la
Monarchie de Juillet.
La révolution de 1848
achève la monarchie de Juillet, après des années de crises
économiques, agricoles, industrielles et financières, le cocktail
idéal pour les difficultés sociales, l'agitation populaire et donc
une nouvelle révolution. Le 24 février 1848, dans sa tenue
de général, Louis-Philippe 1e,
roi des Français, abdique en faveur de son petit-fils, le comte de
Paris, âgé de neuf ans « J'abdique cette Couronne que
la voix nationale m'avait appelée à porter, en faveur de mon petit
fils le Comte de Paris. Puisse t'il réussir dans la grande tâche
qui lui échoit aujourd'hui » et demande à sa
belle-fille, Hélène de Mecklembourg-Schwerin, de demander la
régence. A partir de là, Louis-Philippe
veut s'éloigner le plus vite possible pour ne pas entraver l'avenir
de son petit-fils. Face à l'agitation de la rue, il faut partir
incognito, alors le voici vêtu d'une redingote et d'un chapeau rond,
à traverser le jardin des Tuileries jusqu'à la place de la Concorde
où trois voitures légères l'attendent lui, son épouse
Marie-Amélie, sa belle-fille la duchesse de Nemours avec ses
enfants, ainsi que sa fille Clémentine et son mari. En route
pour Saint-Cloud, loin du Paris saccageant les Tuileries (encore),
le Palais Royal et incendie le château de Neuilly. Louis-Philippe
ne le sait pas, mais à l'Hôtel de Ville, la République est
proclamée.
![]() |
Louis-Philippe 1e, accompagné de ses fils, sortant à cheval du château de Versailles, par Horace Vernet,1846 (Château de Versailles) |
L'aventure de la famille
d'Orléans s'avère rocambolesque, et l'ancien souverain ne cesse de
répéter « Pire que Charles X ! Cent fois pire que
Charles X ! » En effet, le roi bourbon déchu avait pu
partir avec les honneurs et une grande décence, loin de celle de
Louis-Philippe. Ce dernier
voulait se retirer au Château d'Eu en Normandie, mais arrivé à
Versailles, il apprend la proclamation de la République et sait
qu'il doit fuir. Là, on part dans le roman d'aventure ! La
famille se sépare en deux pour brouiller les pistes. Le roi déchu
et son épouse partent pour Dreux et Boulogne tandis que le reste
doit trouver Jersey et aller en Angleterre. Et la duchesse
d'Orléans avec son fils ? Elle quitte Paris à son tour
pour l'Allemagne, à Eisenach, chez le duc de Saxe-Weimar. L'ancien
couple royal voyage avec de faux passeports, sous les noms de Mr
et Mme Lebrun jusqu'à la Côte de Grâce près d'Honfleur, mais
des insurgés les cherchent alors ils se séparent :
Marie-Amélie part avec sa femme de chambre, Louis-Philippe
se cache au château de Melleville et prend une autre route. Le
vice-consul d'Angleterre leur sauve la mise en les invitant à bord
de l'Express, direction l'Angleterre. Marie-Amélie reste sous
le nom de Mme Lebrun, et Louis-Philippe
obtient un nouveau faux passeport et porte le nom de Mr Smith.
Le 3 mars, après
ce long périple, le couple arrive à Newhaven, puis s'installent au
château de Claremont, près de Londres, dont le propriétaire n'est
autre que Léopold 1e, roi des Belges et gendre du couple
royal en exil. Le reste de la famille suit, mais on ne peut pas dire
que les Orléans soient les bienvenus en Angeleterre. Sa fille, la
reine Louise de Belgique, ne veut pas que sa famille reste là,
comme elle l'écrit dans sa lettre du 5 mars « J'espère
que vous ne songerez pas à rester en Angleterre. La dignité du Père
ne lui permet pas de chercher un asile sur quelque point que ce soit
du territoire anglais. J'espère qu'après un peu de repos, vous vous
déciderez à aller en Sicile. Ce serait, il me semble, le séjour le
plus naturel, le plus convenable et le plus digne. » Et
le couple royal belge cherche de nouveaux points de chute pour la
famille en exil : Sicile (mais la situation est tendue), Malte
(aux anglais mais avec le soleil), Hambourg (trop au nord) … Mais
jamais ils ne proposèrent la Belgique. La reine Victoria et
le prince Albert reçoivent Clémentine et son époux,
Auguste de Saxe-Cobourg-Kohary, lui-même cousin du
prince-consort. Le couple royal anglais fait comprendre que cette
solution doit être temporaire, mais avec toutes les révolutions à
travers l'Europe, déménager semble impossible et de plus, ils n'en
ont pas les moyens. Mais pourquoi l'Angleterre ne veut pas des
Orléans alors que l'entente se passait si bien avant ? Une
affaire de mariage, baptisée « les mariages espagnoles »
où il fut question de marier la jeune reine Isabelle II d'Espagne
et sa sœur, Louise-Fernande. Louis-Philippe
1e, grand-oncle de la jeune reine, se voit contraint de
trouver un terrain d'entente : il fallait marier Isabelle à un
Bourbon. Seulement, l'Angleterre présente des prétendants, pour la
reine espagnole et sa sœur. Tout un échiquier politique où chacun
voulait un bout d'Espagne. En définitif, Isabelle II épouse
son cousin le duc de Cadix, et Louise-Fernande a pour époux
Antoine d'Orléans, dernier fils du roi des français, et les
anglais repartent la queue entre les jambes. Autant dire que ce
renversement d'alliance n'a pas plu à la reine Victoria et on
comprend mieux sa rancune, deux ans après les faits.
Seulement, la famille
d'Orléans ne part pas, et sont même rejoint par d'autres enfants,
François et Henri, virés de l'Algérie nouvellement
colonie française. Leur vie se montre modeste et Louis-Philippe
vieillit plus vite que nature, s'affaiblit et ne cesse de ressasser
son passé. Comme à Neuilly avant la révolution de 1830, on y vit
de façon très bourgeoise, tentant de maintenir une certaine dignité
avec les moyens du bord. Au début 1850, la santé de l'ancien
roi décline et il commence à prendre ses dispositions « mon
petit-fils ne pourra jamais régner au même titre et aux mêmes
conditions que moi qui ai fini par échouer. Il ne peut régner que
comme roi légitime. Ce n'est pas par nous, ce n'est pas entre les
familles royales que la fusion doit commencer : qu'elle commence
en France même entre les partis monarchiques ; qu'elle s'y
prépare à des termes convenables pour notre honneur, comme pour les
droits et les intérêts du pays, elle nous trouvera prêt à
l'accepter. »
![]() |
Première communion de Philippe d'Orléans, comte de Paris, en 1850 à Londres (Musée Condé, Château de Chantilly) |
Au printemps, le voici
amaigri, à tousser un peu trop régulièrement et à se morfondre
davantage. Son dernier bonheur survient le 20 juillet 1850
lorsqu'il assiste à Londres à la communion de son petit-fils,
Philippe d'Orléans. A partir de là, il devient de plus en
plus faible et le 25 août, Louis-Philippe
se confesse, reçoit les sacrements et se tourne vers son épouse
« Tu es bien contente, n'est-ce pas ? Hé bien, moi
aussi ! » Il l'embrasse, ainsi que ses enfants et
petits-enfants qui l'entourent, puis il entre dans une courte agonie
avant de s'éteindre le 26 août 1850,
à huit heures du matin. Il avait soixante-seize ans. Provisoirement
inhumé à la chapelle Saint-Charles Borromée à Weybridge, il
rejoint, selon ses vœux, la nécropole orléanistes de Dreux le 9
juin 1876 où il y repose.
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