dimanche 26 août 2018

26 août 1850 : Décès de Louis-Philippe 1e




Louis-Philippe a incarné la dernière monarchie française, constitutionnelle après la tentative d'un retour à l'absolutisme avec Charles X. Dix-huit années de la monarchie de Juillet, née durant une révolution et mourant dans une autre, et comme le précédent, un exil de la famille royale. Louis-Philippe d'Orléans, devenu le premier (et unique) roi des Français, a fini ses jours en Angleterre, dans un exil précaire et un climat tendu, âgé et fatigué de tout, lui autrefois si jovial et bavard. Le roi bourgeois, ou monsieur Poire comme certains l'appelaient, a terminé sa course dans des jours tristes et presque oublié de tous …


Avant de conter sa mort, faisons une brève biographie de notre mort du jour. Louis-Philippe d'Orléans, titré duc de Chartres à la naissance, est le fils de Louis-Philippe Joseph d'Orléans – connu durant la Révolution sous le nom de Philippe-Égalité – et Louise de Bourbon. Il est l'héritier de la branche des Orléans, membre de la famille royale. A la Révolution, son père prend le parti des révolutionnaires, Louis-Philippe aussi avant d'être forcé à l'exil. Un peu d'aventure où il cherche à faire fortune aux États-Unis, puis à Cuba avant de s'installer en Angleterre. Il se fiance avec la princesse Élisabeth de Hanovre, fille du roi George III, mais n'obtint pas le droit de l'épouser. Il part à la recherche d'une épouse, ce qu'il fit avec sa cousine (n'oubliez pas qu'en famille, ce n'est pas sale à l'époque), Marie-Amélie des Deux-Siciles. Le couple fut prolifique avec dix enfants à leur actif, dont huit arrivent à l'âge adulte : Ferdinand, Louise, Marie, Louis,Clémentine, François, Henri et Antoine. Après la chute de Napoléon 1e, les Bourbons reprennent le pouvoir avec Louis XVIII, et les Orléans reviennent à Paris. Louis-Philippe n'avait aucune prétention au trône, jusqu'aux Trois Glorieuses de 1830, révolution visant à renverser le roi Charles X. Finalement, le duc d'Orléans devient Louis-Philippe 1e, roi des Français (et non plus de France) et va régner durant dix-huit ans sur la France, ce qu'on appelle la Monarchie de Juillet.

La révolution de 1848 achève la monarchie de Juillet, après des années de crises économiques, agricoles, industrielles et financières, le cocktail idéal pour les difficultés sociales, l'agitation populaire et donc une nouvelle révolution. Le 24 février 1848, dans sa tenue de général, Louis-Philippe 1e, roi des Français, abdique en faveur de son petit-fils, le comte de Paris, âgé de neuf ans « J'abdique cette Couronne que la voix nationale m'avait appelée à porter, en faveur de mon petit fils le Comte de Paris. Puisse t'il réussir dans la grande tâche qui lui échoit aujourd'hui » et demande à sa belle-fille, Hélène de Mecklembourg-Schwerin, de demander la régence. A partir de là, Louis-Philippe veut s'éloigner le plus vite possible pour ne pas entraver l'avenir de son petit-fils. Face à l'agitation de la rue, il faut partir incognito, alors le voici vêtu d'une redingote et d'un chapeau rond, à traverser le jardin des Tuileries jusqu'à la place de la Concorde où trois voitures légères l'attendent lui, son épouse Marie-Amélie, sa belle-fille la duchesse de Nemours avec ses enfants, ainsi que sa fille Clémentine et son mari. En route pour Saint-Cloud, loin du Paris saccageant les Tuileries (encore), le Palais Royal et incendie le château de Neuilly. Louis-Philippe ne le sait pas, mais à l'Hôtel de Ville, la République est proclamée.

Louis-Philippe 1e, accompagné de ses fils, sortant à cheval du château de Versailles, par Horace Vernet,1846
(Château de Versailles) 
L'aventure de la famille d'Orléans s'avère rocambolesque, et l'ancien souverain ne cesse de répéter « Pire que Charles X ! Cent fois pire que Charles X ! » En effet, le roi bourbon déchu avait pu partir avec les honneurs et une grande décence, loin de celle de Louis-Philippe. Ce dernier voulait se retirer au Château d'Eu en Normandie, mais arrivé à Versailles, il apprend la proclamation de la République et sait qu'il doit fuir. Là, on part dans le roman d'aventure ! La famille se sépare en deux pour brouiller les pistes. Le roi déchu et son épouse partent pour Dreux et Boulogne tandis que le reste doit trouver Jersey et aller en Angleterre. Et la duchesse d'Orléans avec son fils ? Elle quitte Paris à son tour pour l'Allemagne, à Eisenach, chez le duc de Saxe-Weimar. L'ancien couple royal voyage avec de faux passeports, sous les noms de Mr et Mme Lebrun jusqu'à la Côte de Grâce près d'Honfleur, mais des insurgés les cherchent alors ils se séparent : Marie-Amélie part avec sa femme de chambre, Louis-Philippe se cache au château de Melleville et prend une autre route. Le vice-consul d'Angleterre leur sauve la mise en les invitant à bord de l'Express, direction l'Angleterre. Marie-Amélie reste sous le nom de Mme Lebrun, et Louis-Philippe obtient un nouveau faux passeport et porte le nom de Mr Smith.

Le 3 mars, après ce long périple, le couple arrive à Newhaven, puis s'installent au château de Claremont, près de Londres, dont le propriétaire n'est autre que Léopold 1e, roi des Belges et gendre du couple royal en exil. Le reste de la famille suit, mais on ne peut pas dire que les Orléans soient les bienvenus en Angeleterre. Sa fille, la reine Louise de Belgique, ne veut pas que sa famille reste là, comme elle l'écrit dans sa lettre du 5 mars « J'espère que vous ne songerez pas à rester en Angleterre. La dignité du Père ne lui permet pas de chercher un asile sur quelque point que ce soit du territoire anglais. J'espère qu'après un peu de repos, vous vous déciderez à aller en Sicile. Ce serait, il me semble, le séjour le plus naturel, le plus convenable et le plus digne. » Et le couple royal belge cherche de nouveaux points de chute pour la famille en exil : Sicile (mais la situation est tendue), Malte (aux anglais mais avec le soleil), Hambourg (trop au nord) … Mais jamais ils ne proposèrent la Belgique. La reine Victoria et le prince Albert reçoivent Clémentine et son époux, Auguste de Saxe-Cobourg-Kohary, lui-même cousin du prince-consort. Le couple royal anglais fait comprendre que cette solution doit être temporaire, mais avec toutes les révolutions à travers l'Europe, déménager semble impossible et de plus, ils n'en ont pas les moyens. Mais pourquoi l'Angleterre ne veut pas des Orléans alors que l'entente se passait si bien avant ? Une affaire de mariage, baptisée « les mariages espagnoles » où il fut question de marier la jeune reine Isabelle II d'Espagne et sa sœur, Louise-Fernande. Louis-Philippe 1e, grand-oncle de la jeune reine, se voit contraint de trouver un terrain d'entente : il fallait marier Isabelle à un Bourbon. Seulement, l'Angleterre présente des prétendants, pour la reine espagnole et sa sœur. Tout un échiquier politique où chacun voulait un bout d'Espagne. En définitif, Isabelle II épouse son cousin le duc de Cadix, et Louise-Fernande a pour époux Antoine d'Orléans, dernier fils du roi des français, et les anglais repartent la queue entre les jambes. Autant dire que ce renversement d'alliance n'a pas plu à la reine Victoria et on comprend mieux sa rancune, deux ans après les faits.

Seulement, la famille d'Orléans ne part pas, et sont même rejoint par d'autres enfants, François et Henri, virés de l'Algérie nouvellement colonie française. Leur vie se montre modeste et Louis-Philippe vieillit plus vite que nature, s'affaiblit et ne cesse de ressasser son passé. Comme à Neuilly avant la révolution de 1830, on y vit de façon très bourgeoise, tentant de maintenir une certaine dignité avec les moyens du bord. Au début 1850, la santé de l'ancien roi décline et il commence à prendre ses dispositions « mon petit-fils ne pourra jamais régner au même titre et aux mêmes conditions que moi qui ai fini par échouer. Il ne peut régner que comme roi légitime. Ce n'est pas par nous, ce n'est pas entre les familles royales que la fusion doit commencer : qu'elle commence en France même entre les partis monarchiques ; qu'elle s'y prépare à des termes convenables pour notre honneur, comme pour les droits et les intérêts du pays, elle nous trouvera prêt à l'accepter. »

Première communion de Philippe d'Orléans, comte de Paris, en 1850 à Londres (Musée Condé, Château de Chantilly)
Au printemps, le voici amaigri, à tousser un peu trop régulièrement et à se morfondre davantage. Son dernier bonheur survient le 20 juillet 1850 lorsqu'il assiste à Londres à la communion de son petit-fils, Philippe d'Orléans. A partir de là, il devient de plus en plus faible et le 25 août, Louis-Philippe se confesse, reçoit les sacrements et se tourne vers son épouse « Tu es bien contente, n'est-ce pas ? Hé bien, moi aussi ! » Il l'embrasse, ainsi que ses enfants et petits-enfants qui l'entourent, puis il entre dans une courte agonie avant de s'éteindre le 26 août 1850, à huit heures du matin. Il avait soixante-seize ans. Provisoirement inhumé à la chapelle Saint-Charles Borromée à Weybridge, il rejoint, selon ses vœux, la nécropole orléanistes de Dreux le 9 juin 1876 où il y repose.

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