lundi 26 novembre 2018

26 novembre 1894 : Mariage de Nicolas II de Russie et Alexandra Fedorovna




Nicolas II de Russie et Alexandra Fedorovna forment un couple attachant, car il s'agit d'un mariage d'amour, mais aussi car nous connaissons tous le drame qu'ils ont vécu en 1918. Mais bien loin du temps de la révolution russe, de la séquestration et de l'assassinat, les deux jeunes gens ont eu une vie, une vie à s'attendre et à s'aimer. Dix années se sont écoulées entre leur première rencontre et leur mariage, et il a fallu quatre ans pour que le tsar Alexandre III, père de Nicolas, ne consente à cette union. Si la cérémonie en elle-même ne s'est pas déroulée dans les meilleurs moments, leur amour sincère et touchant a permis au couple d'affronter tous les désagréments. Et ce, malgré le deuil …


Le blog reprend vie sous le signe d'un mariage ! Et pas un mariage arrangé, mal assorti, désastreux en tout point, mais un mariage d'amour. Nicolas Alexandrovitch Romanov et Alix de Hesse-Darmstadt s'aiment sincèrement, se sont attendus, n'ont plus cru en leur histoire avant de se retrouver et s'aimer au grand jour, jusqu'à former ce couple impérial que l'on connaît. Mais avant de raconter cette journée d'union, il est judicieux de présenter les protagonistes et leur histoire. Commençons par la mariée.

Alix de Hesse-Darmstadt naît le 6 juin 1872, elle est la fille du grand-duc Louis IV de Hesse, grand-duché allemand situé grosso modo entre la Bavière et le royaume de Bade ainsi que très vieille famille germanique, et d'Alice du Royaume-Uni, troisième fille de la reine Victoria et du prince Albert, une jeune femme versant dans le mysticisme. La jeune Alix (vous noterez qu'elle ne s'appelle pas Alexandra comme dans le titre de l'article) voit sa mère mourir très jeune et la voici envoyée à Londres où elle est recueillie par sa grand-mère, la reine Victoria, et reçoit une éducation britannique très complète pour une demoiselle. La jeune fille parle anglais et français couramment, pratique le chant, le piano et l'aquarelle.

Alix de Hesse en 1887 (Wiki Commons)

Son destin se forme en 1884, Alix se rend en Russie pour le mariage de sa sœur Élisabeth avec le grand-duc Serge de Russie, grand-oncle du tsarévitch Nicolas. Les jeunes gens se plaisent, dansent ensemble une grande partie de la soirée. Elle ne revient qu'en 1889, et la beauté timide et fragile plaît au jeune Nicolas. Le comte Lambsdorff donne son avis sur la jeune femme dans ses mémoires « la princesse est dans le genre de sa sœur, mais moins jolie. Elle a des tâches rouges jusque dans les sourcils. Sa démarche est peu gracieuse. Mais l'expression de son visage est intelligente et son sourire affable. Elle est bien britannique et parle tout le temps anglais, surtout avec sa sœur. » Ce n'est pas un portrait flatteur, on ne va se le cacher.

Avant de continuer l'histoire d'Alix de Hesse-Darmstadt, future impératrice, découvrons son mari, le tsar Nicolas II, en savoir un peu plus sur le marié !

Nicolas Alexandrovitch Romanov naît le 6 mai 1868, son père est le grand-duc Alexandre, futur tsar Alexandre III en 1881, et sa mère la princesse Dagmar de Danemark (devenue Marie Fedorovna). Son grand-père, le tsar Alexandre II, règne toujours sur la Russie et fait tirer cent-deux coups de canons, signe de la naissance d'un garçon dans la famille, la descendance est ainsi assurée. Il s'agit du premier enfant du couple et une bénédiction pour tous, en témoigne le manifeste impérial publié le lendemain « Nous sommes certains que ce nouveau grand-duc consacrera, quand son heure sera venue, sa vie au bonheur du peuple russe, ainsi que ses ancêtres et nous-même l'avons toujours fait et continuera à le faire. » Après lui, cinq autres enfants naissent, dont quatre atteignent l'âge adulte : Alexandre (meurt enfant), Georges, Xénia, Michel et Olga. Tout ce petit monde vit au palais Anitchkov, à Saint-Petersbourg. Surnommé Nicky, le jeune Nicolas doit subir les études de son rang, mais n'y trouve que peu d'intérêt. Etonnante éducation d'ailleurs, ses précepteurs, notamment avec l'historien Klautchevski, n'ont pas le droit de lui poser de questions, et il n'en pose pas non plus ! « Nicky » possède un caractère un peu indolent et paresseux « Pour notre époque, il possède l'instruction d'un Colonel de la garde issu d'une bonne famille » le décrit Serge Witte. Pourtant, le tsarévitch Nicolas n'est pas non plus un idiot, il parle couramment trois langues (anglais, français, allemand), aime les arts et la musique, se montre un excellent sportif comme dans la boxe, le patinage et est un très bon cavalier. Si tout se passe bien, la mort de son grand-père, Alexandre II, le bouleverse. Il voit le vieil homme déchiqueté sur son lit de mort après un attentat à la bombe. Nicolas n'a que treize ans, et dans son esprits, les révolutionnaires sont tous des assassins. Ainsi son père monte sur le trône sous le nom d'Alexandre III et le voici héritier présomptif de la couronne.

Nicolas II le jour de son mariage, 26 novembre 1894 (Wiki Commons)

Durant son adolescence, il devient Colonel de la Garde impériale et fréquente l'université de sciences politiques et économiques de l'université de Saint-Pétersbourg. C'est un jeune homme sérieux dans ses engagements, mais aussi enjoué et mondain, appréciant la vie et la fête. En 1890, il s'entiche d'une jeune danseuse, Mathilde Kschessinska. « Mademoiselle Kschessinska me plaît décidément » raconte t'il dans son journal le 17 juillet 1890. Bien sûr, cela ne plaît guère à ses parents, et son père Alexandre III, décide d'avancer le grand voyage de son fils, pour oublier cette jeune femme. A l'image du Grand Tour de l'Ancien Régime, le tsarévitch Nicolas et son frère Georges (qui ne fera finalement qu'une partie pour maladie) partent de Russie sur un yatch à trois cheminées et trois mâts le 23 octobre 1890. Direction la Grèce tout d'abord où les rejoignent leur cousin le prince Georges de Grèce (futur roi de Grèce, sous le nom de Georges 1e), puis l’Égypte, les Indes. A Saïgon, on voit le jeune russe danser avec des françaises à demi-nues, avant de partir pour le Japon. Mais là, c'est un fiasco, un homme tente d'assassiner Nicolas, le blessant à la tête et à l'oreille. Le séjour écourté, il revient en Russie par la Sibérie … et retourne dans les bras de sa danseuse. Mais leur relation s'étiole, Nicolas ne cesse de penser à une autre femme : Alix de Hesse.

« Mon rêve, c'est d'épouser Alix de Hesse. Je l'aime depuis longtemps, mais avec plus de force et de profondeur depuis 1889, lorsqu'elle vint passer six semaines à St-Petersbourg. J'ai longtemps lutté contre mon inclination, essayant de me tromper moi-même en admettant l'impossibilité de réaliser mon plus cher désir … Je suis presque convaincu que nos sentiments sont réciproques. Tout dépend de la volonté de Dieu. Confiant en sa miséricorde, j'envisage avec calme l'avenir. » (journal de Nicolas, 1891)

On ne peut pas se montrer plus clair dans ses intentions. Seulement, le jeune homme ne peut décider seul. Et son père le tsar Alexandre III refuse cette alliance « Je n'y songe même pas » a t'il déclaré à son ministre des affaires étrangères, le comte Lambsdorff. Il refuse une alliance allemande, surtout avec une famille plus modeste et porteuse de l'hémophilie. Et puis c'est la période d'une énième amitié franco-russe, et même sous une France républicaine, la princesse Hélène d'Orléans, arrière-petite-fille du roi Louis-Philippe 1e, est envisagée. Et comme souvent, Napoléon 1e a aussi essayé, l'union tombe à l'eau. « Au cours de ma conversation avec maman, elle a fait quelques allusions à Hélène, la fille du comte de Paris, ce qui m'a mis dans un étrange état d'esprit. Deux chemins s'ouvrent à moi ; je désire, moi, aller dans une direction, tandis qu'il est évident que maman souhaite me voir choisir l'autre. Qu'arrivera t'il ? » (journal de Nicolas, 29 janvier 1892) En effet, qu'arrivera t'il ? Du côté d'Alix, cela tourne au drama : après avoir appris le russe pour ne pas s'avouer vaincue, elle décide de se murer dans sa solitude et refuser toute union. Dans sa fierté, elle se préfère vieille fille que changer de religion. Et du côté russe, Alexandre III traite toujours son fils d'une vingtaine d'années comme un enfant, s'imaginant régner encore plusieurs décennies. Mais la maladie le rattrape et comprend que le temps lui est compté. Il lui faut marier son fils, et ce dernier lui annonce qu'il est toujours amoureux d'Alix. Si celle-ci veut bien changer de religion, le mariage sera accepté.

Cela tombe bien – on se croirait dans un rpg vu la coïncidence – le nouveau grand-duc de Hesse, Ernest, se marie en avril 1894, et il est le frère d'Alix, ce qui veut dire qu'elle va se rendre à Cobourg. Nicolas, avec un cortège, s'en va représenter la Russie à ce mariage. Enfin, il vient surtout convaincre sa bien-aimée de l'épouser. Il a fallu du temps et beaucoup d'arguments pour faire plier la jeune Alix, drapée dans sa dignité digne d'une tragédie grecque. Même le kaiser Guillaume II s'en est mêlé ! Nicolas tente une première approche le 5 avril 1894, cet « entretien que depuis longtemps je souhaitais et redoutais à la fois » mais où il ne ressort que des larmes de la jeune femme. Et tous les jours, les deux jeunes gens se parlent, pleurent et Nicolas cherche une solution pour convaincre Alix. Enfin, le 8 avril « Jour merveilleux, inoubliable de ma vie ! C'est le jour de mes fiançailles avec ma chère, mon incomparable Alix … Nous nous sommes expliqués tous les deux. Seigneur, quel poids est tombé de mes épaules, quelle nouvelle réjouissante à apporter à mes chers papa et maman ! J'ai marche toute la journée comme en rêve, sans avoir pleinement conscience de ce qui m'arrivait …. J'ose à peine croire que j'ai une fiancée. » Enfin ! Et voici les jeunes fiancés heureux, à faire des photographies pour fêter l’événement et profiter l'un de l'autre jusqu'au départ d'Alix pour Londres le 20 avril.

Ah au fait, le grand-duc Ernest de Hesse a épousé la princesse Victoria, une petite fille de la reine Victoria, le 9 avril, et après une seule fille née, le couple divorcera en 1901 car la jeune femme ne supportait plus l'homosexualité de son mariage ni les plaisanteries à son sujet. Juste pour l'anecdote.

Revenons à nos fiancés. On fixa vaguement une date de mariage en juin 1895, sans vraiment s'en occuper. Nicolas partit pour Londres en juin 1894 pour revoir sa belle et lui donner ses cadeaux de fiançailles. Et je vous spoile, mais ce n'était pas un robot Moulinex. Non, on voit que c'est un autre standing :
- une bague ornée d'une perle rose
- un collier assorti de perles rose
- une chaîne en or avec une grosse émeraude
- une broche ornée de diamants et saphirs
- un lourd sautoir de perles par Fabergé, cadeau d'Alexandre III

Les jeunes gens s'aiment, au point qu'ils écrivent dans le même journal, pour s'encourager, s'aimer et se souvenir ensemble. « Les mots sont trop pauvres pour exprimer mon amour, mon admiration et mon respect pour vous » écrit Alix le 8 juillet.

Côté Russie, Alexandre III s'enfonce dans la maladie, il faut accélérer la procédure de mariage, faire venir la fiancée en Crimée où la famille se retrouvent. Alix arrive le 10 octobre mais le tsar meurt le 1e novembre, et le tsarévitch Nicolas devient Nicolas II, tsar de toutes les Russies. Pendant ce temps, Alix de Hesse se convertit officiellement à l'orthodoxie, devenant Alexandra Fedorovna. Malgré le deuil, Nicolas II pense au mariage et voudrait célébrer leur union au palais de Livadia « tant que papa est encore sous le toit de la maison » mais toute la famille s'y oppose : d'abord les funérailles impériales, le mariage après.

Les fiancés auraient du attendre de longs mois, attendre la fin de la période du deuil, pour convoler ensemble. Malgré la tristesse, ils s'aiment et n'en peuvent plus d'attendre. Ils se connaissent depuis dix ans, s'attendent depuis quatre années et maintenant qu'ils pourraient se marier, ils doivent encore attendre ? Non, Nicolas II refuse et organise le mariage, qui a lieu ce 26 novembre 1894.

Mariage du tsar Nicolas II et de la princesse Alexandra Fiodorovna, Laurits Tuxen 1895 (Musée de l'Hermitage)
Au Palais d'Hiver de Saint-Petersbourg, Nicolas II porte l'uniforme rouge de colonel des hussards, avec un dolman galonné d'or à l'épaule. La désormais appelée Alexandra a revêtu une longue robe de soie blanche, brodée de fleurs d'argent, dont la traîne est portée par cinq chambellans. La cérémonie se fait l'intimité familiale vu les circonstances, point de grande fête ni de listes d'invités à n'en plus finir. Le plus important pour eux, c'est l'amour. « J'étais glacée de timidité, de solitude au milieu de ce décor inhabituel. Notre mariage me parut encore un de ces services funéraires auxquels je venais d'assister – seulement, j'étais en robe blanche » s'est confiée l'impératrice à Anna Vyroubova. Après la bénédiction, le petit cortège se met en marche jusqu'à la cathédral de Kazan pour le Te Deum, sous les acclamations de la foule. Enfin, le couple retourne au palais Anitchkov où l'impératrice douairière attend les jeunes mariés avec la tradition du pain et du sel. Bien sûr, après la cérémonie, la nuit de noces où, d'après les dires, tout s'est très bien passé. « Ainsi me voilà un homme marié » raconte Nicolas dans son journal le lendemain.

Si le couple a vécu de nombreuses difficultés au cours du règne de Nicolas II, je tiens à finir cet article sur ces mots du journal après cette union d'amour « Je bénis le Seigneur et le remercie du fond de l'âme du bonheur qu'il m'a octroyé » de la part de Nicolas II et « Je t'aime, ces trois mots renferment toute ma vie » de la part de l'impératrice Alexandra.

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